21e Congrès mondial du Conseil International d’Études Francophones

Cayenne, Guyane, 1-8 juillet 2007


Résumés des communications 

 

dimanche 1 juillet 2007

14h15-15h45

 

Session I.  Aspects de la littérature de Nicole Cage-Florentiny

Présidente :  Hanétha VÉTÉ-CONGOLO

 

« La musique des paroles : Aime comme Musique ou Mourir d'aimer de Nicole Cage-Florentiny » ,  Antoinette SOL

 

Traditionnellement une narration, comme une chanson, a un temps limite, une durée fixe déterminée par sa forme : un commencement, un développement, une fin. Même si le récit commence à rebours, ou in medias res, ou manque de clôture, la nature physique et tangible d'un récit ou d’une chanson exige une telle structure. Mais une narration, comme de la musique, comme une chanson, comme l'histoire, peut transcender sa forme et le temps par sa résonance dans le cœur. Une chanson ou un morceau de musique qui nous touche, nous parle, peut rester en tête, en cœur, sur le bout des lèvres, ou simplement nous habiter l'esprit et nous imprégner, nous impliquer dans sa création. Le roman de Nicole Cage-Florentiny, Aime comme Musique ou comme mourir d'aimer (2005), est une telle œuvre . Ce roman transcende les formalités et conventions du roman en puisant dans le répertoire des structures et techniques de la composition musicale, plus précisément du jazz. Tout en étant un récit, avec ses personnages avec leur histoire, ce texte est construit de telle façon qu'il joue sur deux plans : un plan traditionnel de roman mais aussi et surtout sur un plan plus ouvert, plus improvisé, où le lecteur et la lectrice peuvent s'insérer, peuvent faire la leur cette histoire d'amour et de musique. Cage-Florentiny, comme le fait mais d'une autre manière Daniel Maximin et Toni Morrison entre autres, joue de l'écriture, joue de la plume comme instrument pour créer une composition écrite musicale. Dans cette communication, on explorera l'art de la composition à l'improvisation sur un thème, le rôle que joue les sens (l'ouïe et la vue), le langage, le ton et les thématiques qui relèvent du domaine de l'art né de la zone de contact, le creuset des cultures des Amériques, le jazz.

 

« Lorsque les femmes : ‘actance’ de la parole criée dans D’eaux douces de Fabienne Kanor et C’est vole que je vole et L’Espagnole de Nicole Cage-Florentiny »,  Hanétha VÉTÉ-CONGOLO

Nicole Cage-Florentiny et Fabienne Kanor sont certainement en ce moment les écrivaines martiniquaises contemporaines les plus acerbes et défiantes de l’ordre littéraire établi par les hommes écrivains de leur pays d’origine. Elles osent proposer des thématiques mais surtout des perspectives d’ouvertures inédites notamment pour la gent féminine. Ainsi, la « Femme en dérive, à la tête farcie et au ventre creux » (D’eaux douces, 38) est-elle mise dans des situations personnelles et collectives extrêmes. Seulement, les écrivaines ne se contentent pas d’identifier et d’examiner la nature des entraves vécues par ces femmes. Elles proposent par l’intermédiaire de leurs discours très idéologiques et engagées des voies possibles d’assainissement et de développement pour la femme dans un premier temps et puis pour la société dans son ensemble. Ainsi, Frida dans D’eaux douces de Kanor et Malaika dans C’est vole que je vole et Elena dans L’Espagnole de Cage-Florentiny sont-elles les actrices de leur destin qu’elles prennent totalement en charge malgré une adversité inhumaine. Ainsi, est-ce là désigné de façon fictionnelle les éléments d’un projet collectif sain qui fait cruellement défaut.

 

Session II. Regards croisés : le peintre et l’écrivain 

Présidente :  Vina TIRVEN-GADUM

 

« Ecriture algérienne migrante : ‘L’entre-deux’ discursif chez Mouloud Feraoun », Samira SAYEH

 

Résultat manifeste de l’émigration et du contact, la littérature migrante comprend autant de déplacements de cultures et de paroles que de délocalisations des genres littéraires.Parce que dans les années 1950 la littérature maghrébine d’expression française fut largement dépendante de sa reconnaissance par le lecteur européen, elle fut contrainte dès ses débuts à adopter des genres occidentaux comme le roman. Mais très vite des textes fondateurs tels La Terre et le sang ou Jours de Kabylie de Mouloud Feraoun, par exemple, vont surprendre par la représentation et reconnaissance de tous ces « entre-deux » coutumiers, langagiers, émotionnels souvent inattendus.  Par cette étude il s’agit d’analyser la production littéraire de Mouloud Feraoun, un des pères fondateurs de la littérature algérienne, et de montrer comment sa littérature permet de redéfinir l’espace imaginaire que les discours dominants ont crées entre l’Algérie et la France.

 

« Mystification et scandales littéraires en France et en Europe : de Michel-Ange à Calixthe Beyala », Vina TIRVEN-GADUM

 

Le mot mystification apparaît pour la première fois en France en 1768 dans un conte de Diderot s’intitulant « Mystification ou Histoire des portraits ». On le trouve dans la locution « tour joué par une société de mystificateurs ». À partir du dix-neuvième siècle ce mot signifie entre autres « supercherie littéraire ». Depuis assez longtemps le mot mystification comporte un élément de fraude et de tromperie dans le monde des lettres et, effectivement, de nos jours, personne ne met plus en doute que le but essentiel du mystificateur est de tromper ou de duper les autres en abusant de leur crédulité.  Dans cet exposé je me propose donc d’aborder le sujet de la mystification littéraire en France et ailleurs, et cela, en regroupant les divers types de mystificateurs et en classant par catégorie plusieurs genres de mystification. Grâce à un survol historique composé de cas de supercheries et de mystifications célèbres, tirés surtout des corpus littéraires français, je m’attarderai sur les supercheries et mystifications littéraires les plus courantes (Prosper Mérimée, Romain Gary et Calixthe Beyala entre autres.) Ceci nous permettra de mieux comprendre l’impact de ces pratiques sur le champ littéraire et d’identifier et de différencier des concepts souvent confondus - par exemple pseudonymie, hétéronymie, cryptonymes, canular épistolaire, écrit apocryphe ou anonyme, plagiat, pastiches et œuvre s apocryphes entre autres.

 

 

16h30-18h00

 

Session I. Trouver la voie, sa voix– Ou se situe l'écriture féminine francophone aujourd'hui                   

Présidente: Sarah Davies CORDOVA

 

« La littérature de la ‘dé-migritude’ au féminin: portraits croisés », Désiré K.Wa KABWE-SEGATTI

 

Loin de la philosophie des pères fondateurs de la négritude, la « dé-migritude » est une démarche qui consiste à se «dé»-solidariser de ses propres confrères et consoeurs, qui, dans le contexte d’exil, se positionnent, par rapport à l’Afrique, en s’éloignant pour certains en se sentant foncièrement écrivains avant d’être africains, et d’autres qui s’y rapprochent en s’identifant à celle-ci d’abord et se sentant écrivains ensuite. Or pour les fervents de la « dé-migritude », le groupe auquel appartient les œuvre s examinées ici, la question de l’unicité de l’appartenance sentimentale à l’Afrique ou son contraire s’avère inappropriée dans le contexte de la mondialisation. Pour eux, seule la multiplicité des appartenances à l’Afrique pourrait sortir la littérature de la migritude de son ghetto. L’essentiel de cette nouvelle vision repose sur une démarche intellectuelle qui permet à la fois la prise en compte des bouleversements qu’apporte la globalisation à travers une « altérité partagée» voire «participative » qui devrait amener l’écrivain africain de la migritude, quel que soit son degré d’intégration dans sa société d’accueil, à prendre conscience de l’humus africain qui nourrit son écriture et sans lequel la réception même de son œuvre  serait sans lendemain, puisque dépourvue d’originalité.

 

« George Sand : les voix des femmes à travers la voie du théâtre », Maria TRAUB

 

Une femme indépendante qui vivait de son travail, George Sand était capable de sympathiser avec la condition des femmes nobles, bourgeoises, et paysannes.  Elle-même le produit d’un père aristocrate et d’une mère issue du peuple, elle connaissait très bien ces deux mondes.  Dans ses pièces de théâtre elle a trouvé une voie idéale de s’adresser au public à travers la voix de ses héroïnes. Nous allons examiner quatre pièces: (a) Gabriel, pièce révolutionnaire, dans laquelle une jeune femme est élevée, dès le berceau, comme un homme; (b) Claudie, pièce dans laquelle une paysanne avec son enfant (une mère sans mari) est abandonnée par son amant.  La jeune femme est réduite à gagner sa vie comme laboureur itinérante; (c) Le Marquis de Villemer, pièce dans laquelle une jeune femme de bonne famille doit travailler pour gagner sa vie; et (d) Cosima, pièce dans laquelle une jeune femme est maltraitée par son mari. Sand pouvait faire appel à ses propres expériences vécues pour illustrer son point de vue.  Elle cherchait à soulever l’intérêt du public dans le but d’améliorer la condition des femmes. Nous allons présenter des analyses brèves de ces héroïnes de théâtre et expliquer les pensées et théories de George Sand.

 

« Traduire: Fidélité ou Trahison? L’exemple de la Reine Pokou », Sarah Davies CORDOVA

 

Dans leur fiction récente, de nombreuses écrivaines francophones de l’Afrique sub-saharienne contemporaines réfléchissent à leur société à travers la thématique de la violence et de ses effets sur la jeunesse d’aujourd’hui, se situant ainsi dans et pour l’engagement de la littérature.   L’écrivaine franco-ivoirienne, Véronique Tadjo interroge à travers chacun de ses écrits le souvenir, et les résonances du passé dans le présent.  Selon elle, même si toute littérature est construction de l’imaginaire, elle affecte la réalité tumultueuse et sert encore comme moyen de critique sociale.  Par le biais d’une re-naissance, d’une co[n]-naissance que ce soit dans sa littérature pour la jeunesse, dans sa poésie, ou encore dans ses romans et essais, Tadjo ramène le passé dans le présent pour souligner les résonances à écouter pour mieux appréhender l’entente.  En cernant l’impact des interprètes sur l’histoire elle-même et de celle-ci sur ses lecteurs et lectrices, Tadjo examine dans Reine Pokou: Concerto pour un sacrifice la légende de cette reine qui glorifie dorénavant le sacrifice d’un enfant innocent par sa propre mère.  Elle y réveille une vieille dispute au coeur du passage d’une voix à l’autre, en soumettant l’historicité de cette légende à la querelle de la trahison traductrice et de la fidélité translative.

 

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lundi 2 juillet 2007

9h00-10h30

 

Session I.  Écrivaines francophones : résistances et rencontres

Présidente :  Christine DUFF

 

« La traversée de ‘la ligne de démarcation’: espaces féminins de résistance dans L'Excisée et Blessures des mots d’Evelyne Accad », Medha Nirody KARMARKAR

 

Dans son roman Blessures des mots,  Evelyne Accad, écrivaine libanaise, poète et musicienne, juxtapose deux récits d’héroisme « féminin » pendant la guerre civile au Liban. L’un valorisé par les hommes du Liban est celui d’une jeune femme Sana qui se fait éclater devant un char israélien, et l’autre, passé sous silence mais célébré par un certain nombre de femmes de Beyrouth, est celui d’Imane, jeune Shiite qui a inspiré la marche pour la paix à Beyrouth en 1992. Hayate, la protagoniste de Blessures dont le prénom signifie « vie » en arabe, questionne la rhétorique de la guerre et le rôle de la femme dans cette violence. Dans L’Excisée, la protagoniste E (l’« exilée », l’« excisée », Eve ou toute femme mutilée physiquement et symboliquement) va sauver la petite fille Nour de sa destinée d’ « excisée » dans la société patriarcale égyptienne. Nour devient « la petite fille d’espoir » qui symbolisera « une généalogie textuelle alternative » (comme décrite par Sidonie Smith). Pour ces femmes il s’agit de naviguer à travers le pays ravagé par la guerre, de traverser la « ligne de démarcation », de résister aussi bien à la violence de l’extérieur qu’à celle de l’espace intime du corps féminin. Dans ces deux romans, Accad passe des descriptions en prose de la guerre à celles en poésie, et aux chants féminins d’espoir. Cette traversée d’un genre à l’autre figure l’acte de traverser « la ligne de démarcation » pendant la guerre. Dans cette communication, nous examinerons le lien qu’Accad établit entre la sexualité et la guerre et nous considérerons le rôle du féminisme dans les luttes nationalistes.

 

« Médecins et médecines dans le roman francophone maghrébin et subsaharien: Bâ, Bey, Mokeddem »,  Françoise WATTS

 

La littérature féminine francophone maghrébine et subsaharienne donne au thème de la médecine une place de choix. Les œuvre s de Mariama Bâ (Sénégal), Maissa Bey et Malika Mokeddem (Algérie) témoignent de la riche symbolique accordée à ce thème. Médecins et patientes deviennent des protagonistes de romans privilégiés dénonçant le grand mal perpétré par des sociétés patriarcales où le concept de genre masculin/féminin définit et contrôle tout individu. Des médecins porteurs d'un pouvoir salvateur, rappelant le Dr Rieux de La Peste de Camus, s'élèvent héroiquement pour soigner et tenter de guérir. Dans l'Algérie intégriste des années 90, ils sont parfois assassinés, sacrifiés à une noble cause, ou plus heureux dans leur mission (Mokeddem). Rendre compte de la « mal vie », de la déraison, est un thème récurrent qui a valeur de témoignage. Femmes au bord de la crise de nerfs, femmes aux corps mutilés, femmes écorchées, emmurées, femmes vouées au silence, hantent cette littérature d'une manière bouleversante. Les cris que ces femmes lancent pour dénoncer les sévices de sociétés patriarcales font écho à celui que les Européennes ont lancé à leur manière.  Les Africaines l'amplifient donnant à la déchirure une note lyrique, comme si la souffrance ouvrait chez ces écrivaines une vanne créatrice où l'écriture explose dans une jouissance libératrice. Les médecines douces que ces femmes pratiquent les aident à libérer leur corps et ainsi à le soigner: la danse où le corps exulte, la fréquentation de l'univers sensuel, libérateur des terrasses et des hammams,  l'interdiction de la pratique de l'unicité des cultures au profit de la riche gémellité des corps et des cultures, un regard tolérant sur l'Autre, l'étranger, la pratique de l'amitié dans le gynécée, enfin l'écriture pour pallier à la déraison (Bey,Bâ). 

 

« Personnage en quête d’identité : voix féminine », Sidika Seza YILANCIOGLU

 

L’esthétique littéraire du XXème siècle prend de l’ampleur notamment entre deux courants  : « le surréalisme » et « le postmodernisme ». Ces deux tendances annoncent les principes du Sujet sur les controverses antérieures  et actuelles et permettent de percevoir l’amplitude et la dynamique engagée par l’altérité.  Cependant le surréalisme ouvre la voie à une esthétique de la déviance, de la recherche de l’autre et de l’ailleurs par son instabilité et sa fécondité.  Comme l’écrit Julia Kristeva, le corps est l’un des thèmes les plus importants autour duquel se réunissent les écrivaines contemporaines. Selon Hélène Cixous, les caractéristiques du corps féminin leur sont un sujet de prédilection et leur font apprivoiser leur liberté. Les écrivains défendant les valeurs des femmes, protestent contre l’assimilation du corps féminin à un objet. Cette étude consacrée aux valeurs féminines est développée autour de l’œuvre  de  Nina Bouraoui, titulaire du Prix  Renaudot en 2005. Elle est l’une des écrivaines les plus connues de la littérature francophone d’origine algérienne. L’identité culturelle et l’identité corporelle –l’axe principal- sont discutées dans l’ensemble de son œuvre . Ces deux identités sont interrogées par les notions conjointes : de l’ « ailleurs »  et de l’ « altérité » (à travers les réseaux de correspondances et de ressources) entre l’écriture au féminin et l’écriture de l’autre.

 

« Voix médiatisées:  la figure de la médiatrice dans Le livre d'Emma par Marie-Célie Agnant et Juletane par Myriam Warner-Vieyra »,  Christine DUFF

Presque vingt ans séparent la publication de Juletane par la Guadeloupéenne Myriam Warner-Vieyra et celle de Le livre d'Emma par la Canadienne d'origine haïtienne Marie-Célie Agnant.  Pourtant, les deux romans ont en commun une figure qui joue un rôle fondamental dans la narration:  la médiatrice.  Dans chacun des deux textes, une médiatrice interprète la parole d'une voix féminine qui lutte pour se faire entendre.  Loin de jouer un rôle secondaire à celui des personnages nommés dans les titres, les médiatrices tiennent les clés non seulement de la transmission de cette parole féminine, mais de l'existence même de leurs récits respectifs.  Sans cette figure de médiatrice, tour à tour auditrice-interprète-scribe et lectrice, les récits d'Emma et de Juletane, deux femmes dont l'Histoire ne reconnaît même pas l'existence pour des raisons de couleur, de sexe et d'état mental précaire, seraient voués au silence et à l'oubli.  Plutôt que de supposer une influence quelconque, cette communication vise à faire entrer en dialogue ces deux romans afin de dégager les implications de la présence et de la fonction du personnage médiatisant.  Nous pourrons par la suite poser les premiers jalons d'une étude de la figure de la médiatrice dans la littérature caribéenne contemporaine.

 

Session II. Pratiques linguistiques et littéraires: Stratégies d'écriture

Présidente: Lélia YOUNG

 

« Le français, une langue bien vivante : heurs et malheurs de la suffixation -eur/-euse », Edwige KHAZNADAR

Dans le domaine de la dénomination humaine, la suffixation des noms d’agents dérivés de verbes comme danseur/danseuse est particulièrement intéressante à étudier. On en verra pour la partie historique les origines latines, les fluctuations de l’ancien français, le sursaut du masculin au XVIIe siècle fixant l’évolution jusqu’à nos jours. Puis on observera de manière générale les évolutions concernant cette suffixation,  introduites par les mouvements dits de féminisation du lexique de la fin du XXe siècle, par une comparaison des pratiques et recommandations des pays francophones occidentaux : chercheur/chercheuse ou chercheure ? On s’interrogera alors sur l’éventuel sentiment de péjoration ou mélioration  de ces formes féminines.  Enfin on examinera les résultats d’une enquête d’opinion en France sur l’alternance possible de « défenseur ». Ces observations permettent de mettre en question une prétendue infériorité féminine linguistique, reflet de l’infériorité féminine sociale qui n’est toujours pas entièrement effacée y compris dans les pays occidentaux.

 

« Progression narrative et stratégie d’écriture dans « Il était parti dans la nuit » de Youssef Amghar », Lélia YOUNG

 

Youssef Amghar est un jeune écrivain marocain originaire de Rabat et imprégné par les œuvre s d'auteurs issues de la période du protectorat français, comme par exemple, Le Chapelet d'ambre (1949) et La Boîte aux merveilles (1954) d'Ahmed Sefroui, et Le Passé simple de Driss Chraïbi (1954). Avec son récit, intitulé Il était parti dans la nuit, Youssef Amghar rejoint la vague post-coloniale d'après 1956. Dans l'œuvre  qui fait l'objet de notre analyse, Youssef Amghar adopte une stratégie d'écriture par volets pour traduire le drame bien actuel des clandestins Nord-Africains issus du Maroc. Dans ce  travail, je montre comme l'auteur utilise la cohésion sémantique pour faire progresser la narration d'une écriture dont l'objectif est de témoigner, tout en exprimant et développant certains thèmes cruciaux qui affectent l'homme maghrébin.

 

Session III. Le Clézio et la fin des utopies

Président : Bruno THIBAULT

 

« Rêve et utopie dans Ourania de Le Clézio », Thierry LÉGER

 

Dans son dernier roman, Ourania, l'auteur nous fait le portrait de deux communautés qui tentent une expérience de vie autre dans la vallée mexicaine de Colima.  D' une part l'Emporio, fondé par Don Thomas Moises, est un atelier de recherches et d' enseignement supérieur dédié aux sciences humaines et au folklore amerindien; d'autre part Campos est un petit village habité par une communauté de hippies rassemblés autour de la figure charismatique d' Anthony Martin.  En nous référant successivement aux utopies de Thomas More, Rabelais et Chateaubriand, nous tenterons de préciser la spécificité de la vision utopique de Le Clézio.  Puis en étayant nos analyses sur les travaux de Barberis, Deleuze et Derrida nous montrerons comment et pourquoi Le Clézio nous propose ici des utopies postmodernes ou plutôt des « anti-utopies » qui associent et revendiquent le droit au rêve tout en questionnant les limites mêmes de la notion d' utopie.

 

« L'Utopie d'Ourania: le dilemme leclézien du rêve et de la réalité »,  Claude CAVALLERO

 

La critique s'est beaucoup intéressée au substrat mythique qui imprègne les romans de Le Clézio à partir des années 80 (mythes de l'émergence, du retour à l'origine, de la regénérescence, de l'harmonie céleste du monde). Trop souvent associée à un exotisme de circonstance, cette mythographie a parfois occulté l'arrière-plan tragique des récits en les délestant d'une façon faussement contradictoire de toute spéculation utopique.  Le roman Ourania, publié en 2006, lève clairement le voile sur ce thème par la mise en scène de deux communautés fictives, Campos et l'Emporio, dont l'ancrage historique dans le Mexique moderne ne fait cependant aucun mystere.  Par delà cet aspect référentiel explicite, nous discuterons l'étroite parenté de la communauté de Campos avec la fameuse utopie de More pour montrer que c'est à travers ce lien intertextuel (lequel unit déjà au niveau onomastique Hytholodée et Zacharie par le biais de leur prénom) que la charge polémique de l'écrivain à l'égard du malaise occidental puise toute sa force.

 

 

10h45-12h15

Session I. Trans-nationalismes
Président : Thierry LÉGER

 

« Dans quelle mesure la littérature québécoise est-elle caribéenne ou  bien latino-américaine? »,  Peter KLAUS

 

Le titre de cette communication pourrait surprendre à première vue lorsqu’on pense aux « quelques arpents de neige » que représente le Canada pour Voltaire. Mais l’évolution de la littérature du Canada tout entier et surtout du Québec depuis 1980 environ nous montre que l’arrivée des voix venues d’ailleurs, soit d’Haïti, soit du Chili et du Brésil, soit du Mexique ou d’Uruguay est devenue l’ image de marque d’une nouvelle polyphonie créatrice, du moins en littérature. Fuyant dictatures ou guerres civiles, de nombreux Haïtiens et autres Latino-Américains ont trouvé refuge au Canada, et là surtout dans les métropoles. Grâce aux œuvres d’un Émile Ollivier (Haïti), d’un Dany Laferrière (Haïti), d’un Gérard Étienne (Haïti), d’une Marilù Mallet (Chili) ou d’un Sergio Kokis (Brésil), le Québec et sa littérature sont traversés par des courants qui sapent d’abord une certaine tranquillité, une certaine homogénéité et s’attaquent à ce syndrome de l’enfermement et d’un certaine rétrécissement provincial si caractéristique pour le Québec. Ces écrivains, qui se considèrent en partie comme des agents culturels de la subversion contribuent également à saper les fondements du national de l’intérieur et à ouvrir l’imaginaire à d’autres horizons, à d’autres mondes. Montréal devient un carrefour de courants littéraires, devient un centre important de la littérature haïtienne de la diaspora (« du dehors »), pour ne donner que cet exemple. On pourrait dire aussi que grâce aux immigré(e)s et leurs œuvres, le Canada et surtout le Québec se sont rapprochés mentalement et par l’imaginaire des contrées du Sud. Du moins au Québec et dans sa littérature, l’ouverture vers le monde, vers l’Autre est due à ces influences.

 

« Des effets de migration en littérature »,  Danielle DUMONTET

Les contacts en littérature se font de plus en plus nombreux aujourd'hui. La littérature ne s'écrit plus à un seul endroit, de même qu'elle ne s'inscrit plus dans un seul champ littéraire, mais nous pouvons dire que de plus en plus la littérature a tendance à se faire nomade. La littérature migrante au Québec a fait couler beaucoup d'encre et a exigé du champ littéraire québécois qu'il se transforme nolens volens. Aujourd'hui, nous pourrions nous demander si cette phase de la littérature migrante n'est pas déjà dépassée et si elle ne renvoit pas à un autre phénomène, celui d'un nomadisme en littérature.

 

« Littératures panaméricaines : Au carrefour des théories et des pratiques »,  Maureen WATERS-O'NEILL

« Nous habitons l’Amérique, et nous n’avons pas la moindre idée de l’Amérique. » --Arthur Buies

Cent trente ans plus tard, la pertinence contemporaine de cette citation de l’auteur canadien Arthur Buies se révèle à travers les nombreux articles, livres et conférences qui traitent le sujet de l’américanité depuis une vingtaine d’années au Québec. Ce sujet, sous le nom d’americanidad, est aussi source de polémiques dans plusieurs pays d’Amérique latine. Ceux qui se réclament d’une identité américaine, mais qui se distinguent fortement des États-Uniens, entretiennent une certaine méfiance à l’égard de ces derniers qui semblent monopoliser le terme américain, car l’identité américaine renvoie à tous les habitants des Amériques. Nous sommes Américains, disent les Canadiens, les Mexicains, les Brésiliens et les autres, mais nous ne sommes pas des Américains, et nous n’espérons pas devenir comme eux. Autour de tous ces débats littéraire, linguistique, philosophique, politique et même économique, se situe le concept vertigineux d’une ou des identités panaméricaines. Au-delà du creuset états-unien dans lequel toutes les particularités se fondent, et de la mosaïque canadienne qui risque de se disloquer, il existe d'autres manières de symboliser une identité américaine — américaine dans le sens « des Amériques ». À l’aide des récits écrits dans des langues et par des auteurs divers de l’Amérique du Nord et du Sud (québécois, américains, antillais, argentins et brésiliens) nous soulignerons les expériences communes qui pointent à une « panaméricanité » littéraire. En champs de comparaison, nous évoquerons les présents débats sur la notion émergente d’une « européanité » afin de démontrer la variété des relations dynamiques qui relient les individus au-delà des frontières nationales. 

 

Session II. Écritures maghrébines  

Présidente : R. Matilde MÉSAVAGE

 

« Le symbolique du sacrifice de l'encens à l'île de Djerba »,  Zakia ROBANA

 

L'objet de cette communication consiste à démontrer pourquoi le sacrifice de l'encens domine toutes les manifestations  chez la femme djerbienne dès la naissance jusqu'à la mort dès l'antiquité jusqu'à nos jours. Telle permanence nous fait entrer dans le temps, l'espace et les  types de l'encens utilisés. Nous examinons  en premier lieu  le sacrifice de l'encens dans ses différents aspects :  mythiques, historiques et surtout sociaux et culturels. Nous montrons comment le sacrifice de l'encens constitue un acteur symboliquement essentiel qui annonce et marque l'ouverture de toutes les manifestations à Djerba: les naissances, les célébrations,  les rites de passage, les fêtes religieuses, les mariages, les circoncisions, la fête de l'Aiid, de la Ziara, les funérailles et d'autres manifestations culturelles, pratiquées par toutes les communautés (juives, musulmanes et berbères) de l'île de Djerba.

 

« ’Urûbbâ ou ‘urûba?  L’archéologie littéraire dans la poésie de Zaghloul Morsy », Richard SERRANO

 

Dans son essai « Una letteratura senza avvenire: le palimpseste maghrébin », paru en 1976, le poète et romancier marocain Zaghloul Morsy propose que les Maghrébins se fassent « maîtres fossoyeurs ». Selon Morsy, l’écrivain maghrébin doit explorer l’ « arabité axiale » de son histoire sans abandonner ce qu’il a assimilé d’autres cultures.  Il ne faut pas un passéisme simpliste orienté autour d’une distinction fausse entre l’arabité (‘urûba) et ce qui est considéré occidentalisé (mustaghrib) avec ses origines en Europe (’Urûbbâ).  Dans cette communication, j’explore l’évolution de l’imaginaire de ce poète qui se manifeste dans ses trois recueils, D’un soleil réticent (1969), Gués du temps (1985), et La Pente les crépuscules (2005).  Trente ans plus tard, est-il évident que le Maghreb est toujours palimpseste et que sa littérature ne reste sans avenir?  Zaghloul Morsy, a-t-il suivi les conseils qu’il avait donnés il y a déjà trente ans?  A-t-il achevé la sorte d’archéologie littéraire, historique et même politique annoncée dans son essai?

 

« Exode, retour et illusions perdues dans Les Chemins de traverses de Mohammed El Hassani », R. Matilde MÉSAVAGE

 

À partir des années 50, la création maghrébine d'expression française se détachent d'une description de la vie sous le colonialisme, pour se tourner vers les injustices sociales perpétuées par les détenteurs du pouvoir. Professeur universitaire de droit, romancier et membre fondateur de l'Union Constitutionnelle, Mohamed Ali El Hassani ajoute sa voix au tollé général contre la misère des marginalisés. Dans Les Chemins de traverses, El Hassani démontre comment la société, par étapes, finit par broyer ceux qui auraient pu la sauver de la décomposition. Ce roman d'apprentissage décrit la ville comme le lieu par excellence des masques et de la déchéance. Nous proposons d'étudier cet espace, jonché d'ennemis invisibles et d'images thériomorphes qui structurent l'œuvre .

 

Session III. Identités antillaises

Présidente : Renée LARRIER

 

« Eaux et esthétiques polluées: Vers une lecture écocritique des littératures antillo-guyanaises », Richard WATTS

 

Cette communication mettra en relief l’évolution dans le demi-siècle précédant de la signification de l’eau dans les littératures francophones antillo-guyanaises et de sa relation aux formes d’expression que prennent ces littératures. En particulier, la communication tâchera de nuancer les lectures inspirées par la théorie postcoloniale d’auteurs tels que Patrick Chamoiseau (Martinique), Maryse Condé (Guadeloupe), Jacques Roumain (Haïti), et Elie Stéphenson (Guyane) par l’apport d’une approche écocritique. Cela se fera par le biais de la représentation de la relation humaine à l’eau. Si présent dans ces littératures, cet aspect a été lu jusqu’ici de manière relativement statique (e.g., les analyses largement psychologisantes, quel que soit le chronotope, dans le volume L’eau : source d'une écriture dans les littératures féminines francophones). Nous proposons de montrer comment la symbolique de l’eau change avec le statut de l’eau, qui est, à travers la deuxième moitié du vingtième siècle, de plus en plus touchée par des problèmes d’accès pour les habitants des Antilles et de Guyane. De plus, et sur cela que nous insisterons, le passage d’une symbolique de l’eau qui souligne la transparence et la pureté vers une symbolique de l’eau polluée, expropriée, et commodifiée semble coïncider avec le mouvement d’un certain réalisme littéraire vers « l’opacité » narrative d’Edouard Glissant. Nous finirons en défendant l’hypothèse qu’un élément mal intégré dans la compréhension des esthétiques postcoloniale et postmoderne serait, en fait, la dégradation écologique, qui, elle aussi, contribuerait à l’absence de repères stables qui caractérise l’ère contemporain et ces récits.

 

« Identités bruyantes dans Solibo Magnifique de Patrick Chamoiseau »,  Julie HUNTINGTON

 

Dans Solibo Magnifique, Patrick Chamoiseau explore des questions d’identité compliquées par une enquête carnivalesque de la mort mystérieuse d’un conteur énigmatique. Révélant les pensées et les expériences d’un ensemble de personnages qui cherchent à reconstituer les circonstances de la mort du conteur et à rassembler les souvenirs de sa vie, Chamoiseau tisse une série disjointe de contes, chansons, sensations et sonorités qui plongent ses lecteurs dans un univers d’incertitude.  Par conséquent, afin de s’orienter dans le texte résonnant de Chamoiseau, les lecteurs doivent rassembler les fragments sonores et sensoriels que l’écrivain leur offre, ce qui les implique dans le double processus d’interroger et de configurer l(es) identité(s).  À cet égard, ils sont appelés à affronter l’interface problématique des langues, des cultures et des identités—particulièrement par rapport aux questions d’identité martiniquaise, antillaise, créolophone et/ou francophone—et à négocier des configurations d’identité par multiples perspectives et paradigmes identitaires.  En considérant les questions d’identité que Solibo Magnifique pose, il est particulièrement important d’explorer l’univers sonore que Chamoiseau transcrit. Grâce à l’analyse de sa représentation des bruits, des voix et de la musique dans le roman, on s’ouvre à un champ de possibilités identitaires qui reflète l’esprit de l’Antillanité d’Édouard Glissant.  De cette manière, Chamoiseau invite ses lecteurs à se perdre dans le domaine bruyant de Solibo Magnifique, mais aussi à aborder des questions d’identité linguistiques, socioculturelles, géographiques et politiques d’une manière qui les interpelle à franchir les limites des paramètres des normes culturels et des conventions esthétiques.

 

« Le théâtre de soi dans la langue de l’autre : aliénation ou transgression ? », Valérie GOMA

Le théâtre d'Aimé Césaire est constitué à ce jour d'un répertoire de quatre pièces qui tissent ensemble une dramaturgie originale, incomparable dans le paysage littéraire créole, franco-français ou francophone. Les trois dernières pièces forment un triptyque, avec le drame des nègres en Haïti (La Tragédie du Roi Christophe), le contexte africain des indépendances (Une Saison au Congo), et les nègres américains (Une Tempête – adaptation de Shakespeare). Ce théâtre se singularise d'abord par la langue poétique, extrêmement recherchée de Césaire, mais aussi par sa représentation de héros noirs, figures vouées pour la plupart à de tragiques destinées. La toile de fond d'une Afrique originelle se déroule enfin, en pointillés, tout au long de l'œuvre .

 

« Partir pour Par[ad]is ? Réflexions sur la citoyenneté inachevée », Renée LARRIER

 

Le soixantième anniversaire de la départementalisation en 2006 donne aux chercheurs l’opportunité de réfléchir sur le statut des anciennes colonies et les changements effectués en 1946. Selon Dany Bébel-Gisler la départmentalisation « a peu altéré le système colonial ». Dans cette communication, je propose d’examiner la manière dont Gisèle Pineau représente le nouvel ordre dans L’Exil selon Julia, plus précisement la manière dont la métropole accueille ses immigrés caribéens. Bien que les Martiniquais, les Guadeloupéens, les Guyanais, et les Réunionnais soient considérés citoyens à part entière, les discriminations persistent.

 

 

14h15-15h45

 

Session I. Poésies francophones

Présidente : Nadia HARRIS

 

« Sociabilité féminine et dynamique sociale. Annette Mbaye d’Erneville (1926- ): Poétesse officiante et précurseur »,  Ibrahima WADE

La participation féminine aux activités littéraires en Afrique constitue une manifestation de l´existence d´un espace social où l´initiative des femmes a pu naître. Car aussi conservatrices et strictes que furent les normes de ces sociétés africaines, leur enfermement ne fut jamais absolu. On a surtout besoin de chercher des états relevant de la thérapeutique psychosociale pour rencontrer la complémentarité entre sociabilité féminine et dynamique sociale. Parmi les écrivains féminins nous relevons le travail précurseur de la Sénégalaise Annette Mbaye d’Erneville. Il est en effet intéressant d´illustrer l´activisme féminin de cette partie du monde à travers les œuvres de cette dernière, surtout parce que la composition de ses travaux littéraires transcende la catégorisation sociale établie pendant l’époque coloniale. Mme d’Erneville assigne à son œuvre une « identité nationale » voire nationaliste et encapsule son inspiration dans « l’humus » traditionnelle. La « Parole » de d’Erneville revêt une signification qui s´ancre dans ce qui constitue et définit la femme africaine. Dans son œuvre l’auteur s´assigna la tache gigantesque d’opérer un mouvement de libération appuyé sur la revalorisation des valeurs des civilisations noires et de là, sur le rôle central et incontournable de la femme dans les structures socioculturelles et politiques des nouvelles « nations » africaines. Aussi, il n’importa point à Mme d’Erneville que son chant poétique éclata en alexandrins ou en vers libres pourvu que sa voix retentît au-delà de son confinement. Il fallait user de la forme pour servir le fond ! 

« Gérard Étienne : Au bord de la falaise. Rythme envoûtant et souffle poétique », Aurelia ROMAN

E. Cioran nous rappelait qu'il y un rapport entre le rythme physiologique et la manière d'un écrivain, entre l' univers de l'œuvre et son style. Dans le monde brisé d'Anna, la jeune femme noire, l'héroïne du roman de Gérard Etienne, les phrases se brisent, elles aussi, sous le lourd poids de la souffrance et de la révolte. Exploit sans précédent: l'auteur a écrit tout son roman sans employer une seule conjonction! Il en résulte une prose poétique d'une force et d'une richesse incomparables au rythme saccadé, convulsé, heurté, rythme de « blues », de  musique populaire issue du jazz et du gospel. Une prose entièrement anti-proustienne dont la syntaxe obéit non pas à « la rigueur de la forme » mais à celle « de la matière » qui fait surgir la poésie, vraie, directe, envoûtante. Comment le lecteur est-il entrainé dans cette magie de l'écriture à bout de souffle? Par quel moyens l'aphasie de l'héroïne ne la conduit-elle pas à l'effondrement mais à l'invraisemblable victoire? Voilà les questions auxquelles ma communication va essayer de répondre tout en nous offrant l'occasion de renouveler notre appréciation pour un art qui ne cesse de nous surprendre et de nous inspirer, l'art de Gérard Étienne.

« Andrée Chedid: Poétique de la migrance »,  Nadia HARRIS

« On dit d’une chose qui est qu’elle a lieu », nous rappelle Pierre Ouellet dans son essai « L’esprit migrateur », montrant ainsi que la langue suggère la corrélation entre localisation et identité. Cette corrélation est entérinée à plusieurs reprises dans l’œuvre d’Andrée Chedid où les questions « qui sommes-nous? » et « où sommes-nous? » se relaient interchangeablement dans le questionnement ontologique que l’écrivaine poursuit dans sa fiction et sa poésie. Pour elle en effet, l’identité ne se conçoit jamais de façon essentialiste. Elle est toujours en train de se faire et se défaire dans un mouvement sans terme et sans « épilogue » au moyen duquel l’individu s’« enfante » en s’« enjamb[ant] » (Poèmes pour un texte 26, 63). Le premier roman de l’écrivaine se clôt sur le départ d’une jeune adolescente qui fuit son village natal pour accomplir sa vocation d’artiste. Elle prend ainsi la tête d’une longue série de personnages migrants – flâneuses, anachorètes, exilés, itinérants. Je me propose de retracer la topographie imaginaire esquissée par la migrance de ces personnages afin d’analyser les processus d’identification qui se déroulent dans les lieux qui la composent: déserts, espace tellurique, fleuves, ponts, villes, et, à l’intérieur de celles-ci, les places publiques, points de rencontre, d’échange, lieux d’urbanité par excellence. En montrant que dans l’univers chedidien, tous ces espaces, y compris le désert, tirent leur sens des échanges auxquels ils donnent lieu entre soi et l’autre, je mettrai au jour la dimension éthique d’une œuvre qui à travers paroles et images construit sans relâche ces « territoires du souffle » dans lesquels notre notion de l’humain peut continuer d'évoluer.

 

Session II.  Esthétique, littérature et créations artistiques dans la Caraïbe francophone

Présidente : Monique BLERALD

 

« Nouveau monde, nouvelles cultures. Peut-on marronner la culture hégémonique ? », Rosa de GENOUD

Au sens ethnologique et sociologique, la culture est ce tout complexe qui inclut les connaissances, les croyances religieuses, l’art, la morale, les coutumes, la manière de penser, de boire, de manger, de sentir, d’agir d’un peuple. C’est particulièrement ces aspects culturels, trop souvent minorés, que nous allons privilégier dans cette communication. Existe-t-il un patron culturel partagé au bassin des Caraïbes ? Ces paradigmes culturels changent-ils dans la même région selon les avatars de la colonisation subie? S’agit-il d’une culture homogène insulaire qui se répète d’une île à une autre ? Qu’arrive-t-il aux rebords continentaux ? La région Caraïbe constitue-t-elle un pont ou une barrière entre l’Amérique du Nord et l’Amérique du Sud ? Ces cultures échappent-elles à la mondialisation, destructrice de toute dissemblance ? Juger selon ses propres modèles culturels, c’est toujours faire preuve d’ethnocentrisme. L’étranger existe. La diversité culturelle semble destinée à augmenter. L’actuel conflit du Moyen Orient le confirme pathétiquement. L’opposition binaire culture populaire / culture « élaborée » (attribut de la classe dominante) revêt le caractère de culture « officielle », créatrice des stéréotypes tenaces qui sont passés dans l’art, la publicité, le cinéma, la littérature. En nous servant d’un corpus des contes, des légendes et des textes littéraires, nous essaierons de dévoiler la dynamique de la culture populaire et de mettre en relief ses modes de résistance, « les détours » (au sens glissantin de l’expression) que la culture subalterne se crée pour sa survie et sa renaissance face à la culture hégémonique.

 

 « Rythme et esthétique dans Cantique des tourterelles d’Ernest Pépin », Marielle LEDY

Cantique des tourterelles. Que cache ce titre ? Quel sens revêt-il sous la plume de l’écrivain guadeloupéen, Ernest Pépin ? Placé sous le signe de l’art mais aussi de la féminité, le roman Cantique des tourterelles est une exaltation musicale mais aussi une méditation douloureuse sur la société antillaise et la condition féminine. Quête artistique et quête identitaire sont liées. La biguine et le blues font écho à des interrogations d’ordre racial, culturel et également sexuel…

« Le critère esthétique mis à l’épreuve pour la définition de la littérature orale créole », André-Marie DESPRINGRE

Ce qu’on appelle « oraliture » chez les créoles des Antilles et de la Guyane semble se définir uniquement comme une littérature fondée sur la nature orale de sa transmission. Or, s’il est vrai que, comme en Afrique, celle-ci demeure encore, au XXIe siècle, en prise directe avec la réalité vécue, peut-on encore la définir simplement par son caractère « oral » ? Les faits divers, certes, alimentent les récits. Contés : ils sont alors exprimés en mêlant des chants et toute une gestuelle physiquement connotée. Chantés : ils s’associent aux danses et, très fréquemment encore, cette expression est une joute oratoire où se mêlent fondamentalement un texte et une mélodie. Les sources de cet ensemble d’éléments (musique, texte, geste…) sont entrelacées voire métissées, - syncrétiques-, sans être pour autant encore bien distinctement référencées aux trois mondes originels : africain, européen et amérindien. Les histoires qui sont ainsi proférées le sont alternativement par des conteurs ou chanteurs, hommes ou femmes, à très forte personnalité. Mais les créations recueillies sont-elles des re-créations  traditionnelles ou des inventions ex-nihilo ? Révèlent-elles une esthétique individuelle, celle qui impose sa marque, ou sont-elles étroitement dépendantes de la culture qui leur est co-extensive ? La méthode comparative et l’approche du symbolique (au sens du sémiologue Jean Molino) qui se référent à Louis Hyelmslev et à Georges Molinié seront pour cette analyse sémiostylistique des aides précieuses pour engager des recherches sur la stylistique de cette véritable littérature, propres à mieux identifier les genres et le sens de ce qu’exprime la culture créole.

 

« L’Ambivalence du beau dans la littérature guyanaise », Monique BLÉRALD

Reproduire le réel ou s’en  écarter, lui donner un sens, l'embellir… telles sont certaines questions auxquelles se confronte  l’écrivain. L’art est un choix  par rapport au réel et, les œuvre s littéraires guyanaises n’y échappent  pas. Une production riche comprenant des  auteurs guyanais (natif-natal) mais aussi des auteurs non–guyanais (chroniqueurs, voyageurs, aventuriers d’hier et d’aujourd’hui…) et où chacun entretient un rapport esthétique et  artistique, particulier, avec son environnement : la  nature, les hommes, les traditions… Emotion, quête spirituelle, quête identitaire, quête historique… Chaque œuvre littéraire guyanaise constitue bien «un coin de la création vu à travers un tempérament.»  

 

 

Session III. Les nouvelles technologies de l’information : modernité et tradition

Présidente : Nicole VAGET

 

« Une approche actionnelle pour découvrir et étudier les cultures créoles par le biais des technologies », Christiane DUMONT

 

L’approche actionnelle, quoique discutable à certains égards, peut constituer un outil efficace d’apprentissage moderne du FLE. Il s’agit même d’un atout remarquable lorsqu’on tente d’aborder des cultures francophones moins connues. En effet, cette approche permet l’élaboration de tâches et projets motivants, centrés sur l’apprenant et effectués en collaboration avec de réels interlocuteurs francophones autrement inaccessibles. Cette intervention propose donc d’examiner les possibilités qu’offre l’approche actionnelle lorsqu’on l’utilise en conjonction avec certains outils technologiques. L’expérience menée au sein d’un cours de FLE sur les cultures du monde créole francophone servira de base de réflexion. En effet, les étudiants de ce cours ne suivent pas un parcours d’apprentissage traditionnel mais élaborent tout au long de l’année scolaire plusieurs projets en collaboration avec des « consultants » créolophones. La classe négocie les tâches communes à accomplir pour mener à bien les projets et sélectionne les outils linguistiques et technologiques appropriés. Dans ce contexte, les échanges internationaux et les vidéoconférences s’avèrent des outils privilégiés parce qu’ils constituent des sources d’activités variées, authentiques, motivantes qui encouragent la collaboration et dont les critères peuvent être clairement identifiables. L’expérience a ainsi permis de mettre en évidence quelques éléments qui permettront d’alimenter la discussion

 

« Modernité et tradition, technologie et lecture: clips audio/vidéo, Blackboard et internet »,  Rose Marie KUHN

 

Cette intervention se propose de discuter du rôle que l’audio-visuel, l’internet et une plate-forme électronique protégée telle que Blackboard ou WebCT peuvent jouer dans l’enseignement d’un texte littéraire. Comment trouver des clips audio et vidéo sur l’internet, comment les manipuler afin de pouvoir les mettre à la disposition de l’étudiant via Blackboard? Comment transformer le simple environnement virtuel de Blackboard, qui vise surtout à faciliter la communication entre étudiants et professeurs et à la dissémination de documents électroniques, en un véritable espace intellectuel qui soit favorable à l’analyse approfondie d’un texte littéraire et qui facilite également le passage de la lecture à la réflexion analytique, voire à l’écriture critique.

 

« Modernité et tradition, technologie et analyse de texte: encodage électronique avec XML des Mémoires de la comtesse de L… », Nicole VAGET

 

Présentation d’un texte inédit et des méthodes d’analyse utilisées par les étudiants d’un cours de littérature et culture du XVIIIe siècle: recherche de thèmes, identifications, notes culturelles, illustrations. Cette intervention se propose de montrer que cette méthode permet une approche systématique du texte et en garantit la lecture approfondie.

 

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mardi 3 juillet 2007

9h00-10h30

 

Session I. Littérature(s) (francophones)  et politique

Président : Mohamed AIT-AARAB

 

 

 « Claude Cahun contre le marquage», Dominique BOURQUE

 

Claude Cahun, pseudonyme de Lucy Schwob, était « profondément attachée à la liberté individuelle, allergique au classement et à l’assimilation » (Agnès Lhermitte). Dans cette communication, je montrerai comment s’articule, dans l’œuvre de cet auteur, ce profond attachement d’une « femme », « juive » et « homosexuelle », qui a vécu à une époque (1894-1954) où ces catégories sociales, parmi d’autres, marquaient l’individu comme « autre », c’est-à-dire non pleinement représentatif de la condition humaine. Plus spécifiquement, j’aborderai les procédés littéraires et linguistiques qu’emploie Claude Cahun pour se distancier ou éviter le marquage de sexe, soit son usage de pseudonymes ambigus (Claude, M., L.S.M.), le caractère inclassable de ses textes (hybrides, intertextuels, anti-biographiques, etc.), ainsi que ses détournements du sexe social et du genre grammatical par l’utilisation de formes génériques (usage du pronom « on », de l’infinitif et d’expressions impersonnelles, etc.). J’ai proposé le terme de « dé-marquage» pour nommer les stratégies faisant ressortir la dimension politique du phénomène de la catégorisation des êtres humains sur une base ou une autre (sexe, classe, religion, etc.). Car en bout de ligne, on le sait, le marquage des femmes, des homosexuels, des personnes de couleur, etc. comme êtres « spécifiques », « différents », justifie la concentration des pouvoirs et privilèges entre les mains des « mêmes ».

 

« Ramsès Younane: chroniqueur copte francophone, peintre et rebelle au carrefour de courants idéologiques», Thérèse MICHEL-MANSOUR

 

Ramsès Younane (1913-1966) penseur et peintre copte francophone est né en Haute Égypte de la classe  moyenne. Éduqué en arabe, lecteur avide et autodidacte en langue française, Younane se déclare rebelle à toute idée préconçue dès le début de sa formation à l'École des Beaux Arts (1933). Dans sa vie se rencontrent trois des plus important courants de l'art et de la pensée de l'Europe du vingtième siècle soit: le surréalisme, l'existentialisme et l'absurde.  Ses peintures reflètent chacun de ces mouvements dans les couleurs, les lignes et le sujet du tableau.  Cependant, le plus grand mérite de Younane se révèle dans sa capacité d'attirer le peuple à s'engager dans la vie sociopolitique de l'époque à travers ses expositions en Égypte comme à l'étranger, de révolutionner les idéologies dominantes de l'époque notamment le classicisme et le traditionnel dans ses publications, mais surtout, de mobiliser les jeunes peintres et la jeunesse égyptiens marqués par des préoccupations à la fois politiques, artistiques et intellectuelles de l'époque.

 

 

« Mongo Béti et ‘le tragique de l’écriture engagée’ »,  Mohamed AÏT-AARAB

 

Dès « L’Enfant noir » et « Afrique noire, littérature rose », deux articles publiés en 1954 et 1955 dans la revue Présence africaine, Alexandre Biyidi / Mongo Béti appelait de ses vœux l’émergence d’une littérature qui dise clairement -appeler un chat un chat, disait Sartre- les réalités du continent africain et dénonce sans hésitation aucune le pouvoir colonial et ses affidés. Or, une « pure » littérature engagée est-elle possible ? Ne confond-on pas trop souvent engagement de l’intellectuel et engagement de l’œuvre ? L’existence, aux côtés de la production romanesque d’une abondante « prose latérale » (Luc Vigier) ne révèle-t-elle pas, sinon les limites, du moins la difficulté d’un tel positionnement littéraire et idéologique ? Telles sont quelques-unes des questions qui guideront notre double exploration des écrits fictionnels de Mongo Béti et de ses textes « théoriques ».

 

Session II.  Histoire et culture guyanaises

Président : Mark ANDREWS

 

« Cayenne et l'Atlantique francais », Bill MARSHALL

S’inspirant en partie du travail de Paul Gilroy (The Black Atlantic: Modernity and Double Consciousness, 1993), cette communication vise à souligner l’importance d’une optique « atlantique» d’ensemble dans l’analyse du fait français aux Amériques, dans laquelle les expériences canadiennes, louisianaises, antillaises etc. trouvent leur place dans toute une série de passages et d’interactions. Ces exemples d’hybridité culturelle française vont dans le sens d’une francité décentrée, « mineure » dans le sens deleuzien, et qui va à contre-courant des orthodoxies et des nostalgies de certains discours officiels et hexagonaux qui évoquent plutôt une francité « majeure » perdue ou menacée. Cette communication parlera donc de la spécificité de Cayenne et de la Guyane à l’intérieur de l’espace atlantique, en ce qui concerne par exemple les pratiques esclavagistes et le système pénitentiaire; l’organisation de l’espace urbain colonial et de son imaginaire; les tensions impliquées dans la notion de frontière vis-à-vis du continent sud-américain; les réseaux peu connus reliant cet espace au Canada;  les discours (ici « périphériques ») sur la diversité, le métissage et l’écologie qui risquent de perturber certaines orthodoxies du « centre » métropolitain. La communication s’appuiera sur certains textes littéraires (Serge Patient, romans policiers), ainsi que sur le film Cayenne Palace (Alain Maline, 1987).

 

« Lectures transversales de Bertène Juminer : Histoire, identité et conscience guyanaise », Rodrigo OLIVENCIA

 

Intellectuel engagé, écrivain de la résistance face à l’assimilation culturelle, Bertène Juminer (1927-2003) constitue une référence littéraire incontournable dans l’espace littéraire antillo-guyanais. Cette communication se propose de revenir sur son premier roman Les Bâtards (1961) et d’effectuer des lectures transversales autour de trois axes thématiques : démystification, histoire et identité.  Nous analyserons ensuite comment la quête identitaire et la volonté de récupération de la mémoire collective deviennent chez Juminer conscience des profondeurs et conscience des horizons.

 

« La Guyane est-elle maudite ? Analyse des origines du mythe et de ses conséquences », Isabelle HIDAIR

 

À chaque période historique, les dirigeants français ont été confrontés à la question du sous-peuplement persistant de la Guyane. Leurs tentatives pour remédier à cette situation se sont souvent soldées par des échecs ou des scandales – tels l’expédition de Kourou et ses milliers de morts ou encore le bagne. Ainsi, s’est perpétué jusqu’à très récemment le besoin de chercher des immigrants susceptibles de peupler le pays. Nous verrons apparaître que ces différentes vagues de peuplement ont eu pour conséquences le renforcement de l’idée que le développement de la Guyane ne pouvait se faire que grâce à l’arrivée de nouveaux migrants. Cependant, parallèlement l’image du pays a toujours été négative. D’« enfer vert indomptable », elle est passée à « terre de bagne » pour aujourd’hui devenir « la plaque tournante de la délinquance ». Quelle est l’origine de ces clichés ? À quoi servent-ils ? Qu’en est-il exactement ?

« Parade et pouvoir: la mise en scène du langage dans Le Nègre du Gouverneur », Mark ANDREWS

Ouvrage qui se désigne comme une chronique coloniale, Le Nègre du Gouverneur de Serge Patient revêt la forme classique d’un roman d’initiation, et présente une narration à la troisième personne centrée sur un personnage central. Rien de plus trompeur que cet éclairage de théâtre, qui se révélera aussi anachronique sur le plan formel que le protagoniste D’Chimbo lui-même sur le plan historique. Celui-ci, afin d’échapper à sa condition d’esclave, cherche son émancipation par la maîtrise de la langue française. En refusant les deux alternatives du marronnage et de l’asservissement, il deviendrait lui-même un être de spectacle, « le théâtre de son propre drame » selon Biringanine Ndagano dans l’avant-propos de l’œuvre. Je me propose d’approfondir la relation spéculaire qu’entretient le protagoniste avec le langage, et d’examiner la façon dont Patient manie le jeu de la représentation afin de mener à bien une dénonciation cinglante de la politique de l’assimilation et d’ouvrir en même temps une interrogation sur l’identité guyanaise contemporaine. Celle-ci demeure élusive dans la chronique de Patient. Elle se fonde d’une part sur une réinvention historique qui transpose les époques, et de l’autre sur les sables d’un langage dont les mouvances servent à déjouer l’attente du protagoniste. En guise de conclusion, j’entreprendrai de replacer la chronique dans l’intertexte de la légende de D’Chimbo pour explorer à quel point l’imaginaire biographique du personnage tissé par Patient reste fidèle aux versions précédentes tout en visant une orientation plus ouvertement politique et moins axée sur une notion folklorique du « brigand ».

 

10h45-12h15

Session I. Histoire occultée/mémoire préservée. Ecrire pour garder la mémoire collective

Présidente : Mimi MORTIMER

« Marie Chauvet: politique et représentation de la mémoire », Elisabeth MUDIMBE-BOYI

Marie Chauvet est devenue une figure marquante dans l’histoire des lettres haïtiennes surtout à cause de sa fameuse trilogie Amour, colère et folie qui a ainsi occulté ses autres œuvre s. Ma communication se veut en quelque sorte un « devoir de mémoire » en se focalisant sur une œuvre  de Marie Chauvet longtemps négligée par la critique: La Danse sur le volcan. Je  considère ce roman comme une œuvre  doublement fondatrice: d’abord d’une mémoire de la révolution haïtienne; ensuite d’un courant romanesque qui fait de la littérature un site mémoriel autant qu’un lieu d’écriture de l’histoire. Ce courant met au premier plan des figures de femmes engagées dans la révolte ou la résistance (politique et psychologique), mais oubliées dans l’histoire officielle de la Caraïbe.  Dans ma communication, je cherche à montrer d’abord que la forte visualisation utilisée comme technique privilégiée dans La Danse sur le volcan, combinée avec l’utilisation du théâtre (espace et représentation) comme lieu d’expression de son personnage et de ses émotions, constitue un mouvement inverse du refoulé ou du réprimé. D’autre part, la scène théâtrale accomplit pour le personnage la représentation à un niveau esthétique visible et de visibilité, en même temps qu’à un niveau politique invisible et d’invisibilité. Cette technique s’exerce comme ce que j’appellerai une ambiguïté stratégique qui a fonction de ruse (metis en grec) et de stratagème politique de subversion. 

 

« Arbres et racines : des généalogies communautaires chez Hélène Cixous et Edmond Amran  El Maleh»,  Mary VOGL

Dans les écrits autobiographiques d'Hélène Cixous et d’Edmond Amran El Maleh, la lutte contre l’oubli de l'héritage judéo-maghrébine se forme autour des symboles des arbres et des racines.  Ces écrivains se servent des métaphores de l’enracinement et du déracinement, de l’arbre généalogique et de l'arbre de vie.  L'écriture est évoquée par les feuilles ; les aïeuls gardent les lettres familiales dans un coffret de bois de thuya, etc. Mais si les racines s’enfoncent dans la terre des ancêtres, l’embranchement s’oriente vers des appartenances multiples.  Les efforts de ces auteurs de raconter leurs propres souvenirs familiaux ressuscitent la mémoire collective de tout un peuple.  Ils interrogent les représentations qui se sont constituées autour de cette histoire occultée dans les annales officielles.

 

 

« Kourouma et Mabanckou : in scriptura veritas (la vérité dans l’écriture) », Biringanine NDAGANO

« La vérité est dans le vin », disaient les Romains. Mais que devient cette vérité une fois le verre cassé? Pour Mabanckou, elle est dans un vieux cahier... La présente communication vise à comparer quelques romans de Kourouma (dont Les Soleils des indépendances et Allah n'est pas obligé) à ceux de Mabanckou, à analyser ce qui fonde leur « africanité » et leur modernité, à rapprocher ces écrivains des « nouveaux romanciers français » en ce qu'ils ont en commun, à savoir l'écriture comme expérience des limites.

 

 

 « L'histoire occultée, la mémoire préservée; Leïla Sebbar, La Seine était rouge », Mimi MORTIMER

Le 17 octobre 1961 à Paris des Algériens manifestent contre l'instauration du couvre-feu. La police du préfet de Paris réagit violemment: arrestations, matraquages, meurtres. Depuis, silence sur cette violence. Conçu comme une mémoire collective, le texte de Sebbar reconstruit cet événement occulté mais jamais oublié, ni par les victimes, ni par les témoins. Bien que plusieurs personnages du récit insistent sur la difficulté de dire la vérité sur le massacre et l'impossibilité de faire confiance à la mémoire, le texte de Sebbar souligne l'importance de la ré-écriture de l'histoire algérienne pour les enfants de ceux qui ont vécu la guerre.

 

Session II.  Île rêvée et île mystique chez Ananda Devi

Présidente : Bénédicte MAUGUIÈRE

« De la terre à la terre, du berceau à la tombe : l’île d’Ananda Devi », Eileen LOHKA

Cette communication se propose de démontrer la relation étroite entre l’écriture d’Ananda Devi et son île natale. Bien qu’elle vive en Europe depuis de nombreuses années, Ananda Devi ancre invariablement ses romans dans le terroir mauricien, des bas-fonds des villes aux fanges des marécages, à l’océan balayé par vents et cyclones, à la langue créole de ses personnages. Le terroir lui-même en vient à devenir un personnage, un terroir multiple comme ses habitants, en proie à l’affrontement, au déchirement, au mal de vivre.  Ainsi se crée une interaction étroite entre l’écosystème et le paysage intérieur des personnages, une résonance entre l’homme et la nature, et qui établit l’identité de l’un comme de l’autre. Cette identité est assise, d’une part, sur la projection dans l’espace romanesque et, d’autre part, sur les figures par excellence de l’altérité : le marginal, le fou, la prostituée, le damné. En se penchant sur les entrailles même de son île, Ananda Devi en fait naître ses personnages qui y retournent, dans une symbiose éternelle. D’où la dimension mystique de cette terre-mère-matricide dont les pouvoirs, souvent maléfiques, se rapprochent de ceux des mythes.  Les voix se devinent dans le vent, dans les vagues, voix d’île, voix de femmes, pour atteindre le cosmique.

« Coolitude et poétique de l’île dans Ensoleillé Vif  d’Edouard J. Maunick et Pagli d’Ananda Devi »,  Nadège DUFORT

 

Je me propose de montrer comment Edouard J. Maunick et Ananda Devi utilisent la figure symbolique de l’île pour redéfinir le concept d’identité métisse. Ensoleillé Vif (1976) et Pagli (2001) sont deux œuvres-clefs dans lesquelles les deux écrivains font éclater les stratifications du métissage traditionnel et le carcan des tabous et préjugés sociaux et ethniques afin qu’émergent une identité à l’image de la société mauricienne actuelle. Edouard J. Maunick et Ananda Devi choisissent de donner la parole aux subalternes de l’île et leur discours s’inscrit dans le concept de « coolitude » développé par Khal Torabully. La « coolitude » repose sur une double articulation : donner une voix au personnage indien souvent mis sous silence ou travesti sous couvert d’exotisme, et aussi tendre vers un rapprochement entre communautés (Bragard 166). Avec Edouard J. Maunick, l’île devient la matrice d’une nouvelle identité métisse qui abolit le premier manège de la mer et établit un pont entre les mémoires antillaises et mauriciennes. Avec Ananda Devi, l’île devient le nouveau « cri-de-cale » de ceux qui pensent à contre-courant, les « subalternes » par rapport aux normes imposées par la société aux hiérarchies et conceptions figées. Ensoleillé Vif et Pagli, textes aux configurations métaphoriques, redéfinissent sur l’espace océanique du papier blanc, un deuxième manège de la mer ancré dans le dialogue trans-océanique des cultures.

 

 

« Stratégies d’évasion chez Ananda Devi et Nina Bouraoui », Fouzilla SAADY

Les romans de Nina Bouraoui, La voyeuse interdite (1991), Garçon manqué (2000) et les romans d’Ananda Devi, Pagli (2001 ), Moi, L’interdite (2000), et Eve de ses décombres (2006) dans une prose poétique, proposent un discours subversif : homme-femme, « être soi, être un autre » dans la matrice enfermement-délire.  L’ambivalence et la dualité intérieure des personnages d’Ananda Devi et de Nina Bouraoui se caractérise ainsi par une grande complexité psychologique en particulier chez des personnages féminins ou masculins qui doivent développer des identités multiples pour avoir l’illusion de vivre leur propre vie. Nous verrons comment pour échapper à l’enfermement, les narratrices créent diverses stratégies d’évasion par l’intermédiaire de rêves et des formes hallucinatoires.  L’image de soi et/ou l’image de l’Autre sont des éléments toujours présents dans les sociétés dans lesquelles la quête de soi est toujours d’actualité. Ce thème peut prendre plusieurs formes en littérature: la narration, la représentation féminine/ masculine, la symbolique des objets et du corps. Nous voulons montrer que si le rapport à l’Autre est une thématique essentielle dans la littérature beure ou maghrébine de langue française et la littérature de l’Océan indien, celle-ci passe invariablement par la symbolique du corps. La représentation multiple du  corps déchiré  peut s’épanouir ou non en corps-sujet ou corps-existant. Une approche symbolique  et sociocritique nous semble la mieux appropriée pour montrer comment la symbolique du corps est constitutive d’une quête identitaire et du corps social. 

 

Session III.  L’Ecriture francophone du voyage

Présidente : Claire KEITH

 

« Portraits de femmes de l’océan Indien dans quelques récits de voyage »,  Norbert DODILLE

 

L’océan Indien constitue un espace de voyages, d’échanges, de migrations d’une grande diversité. La route des Indes permettait au voyageur, parfois dans une même expédition, de rencontrer, ou simplement d’apercevoir, des Hottentotes comme des femmes du royaume de Siam ou des créoles de Bourbon. Si les femmes n’occupent généralement pas une place centrale dans les récits de voyageurs, il est intéressant de confronter, à travers des personnalités diverses (aventuriers, écrivains, journalistes, scientifiques, militaires…) et à travers les siècles (du XVIIe au XXe siècle, de François Leguat à Henri de Monfreid et Roger Vaillant, en passant par Auguste Billiard ou Pavie) les constantes comme les divergences des regards. Les femmes de l’océan Indien se révèlent ainsi d’une très grande diversité de mœurs, d’aspect physique, de conditions, et la manière dont elles sont perçues sert souvent de prisme révélateur d’une certaine forme de « contact de cultures ».

 

« L’Orient Express: ‘Fabuleux  Palace Ambulant’ », Tanju INAL

 

A la suite de sa mise en service jusqu'à Istanbul, le très célèbre « Orient Express »,  a suscité chez nombreux auteurs un intérêt pour l’orient et plus particulièrement pour Istanbul. Très vite, ce « palace ambulant » devint même un des éléments primordial des récits de voyage. Le voyage vers l’Orient à bord de ce train devint même un plaisir coloré d’aventures agréables et périlleuses pour les voyageurs de nationalités et de classes sociales très variées. Si bien que des hommes politiques, diplomates, artistes, courriers d’Ambassades, brasseurs d’affaires, voire même des espions voyagèrent à bord de ce train historique. Par ailleurs, L’Orient Express servait de petites passerelles reliant la culture européenne et la culture des pays qu’il parcourait. Les voyages fabuleux de ce train, remplis de péril et d’émotion à travers l’Europe de l’Ouest, les pays du Balkan et la Turquie, destination finale, ont  inspiré plusieurs écrivains. Dans ce contexte, « De Pontoise à Stamboul » d’Edmond About, « Le Crime de l’Orient Express » d’Agatha Christie, « Orient Express » de Graham Green seront évoqués. Par ailleurs, le rôle que le train a joué dans les relations politiques, artistiques et sociales entre les pays se situant sur son parcours sera abordé dans notre communication.  

 

 

« Nicolas Bouvier : grand-prêtre d’un certain voyage », Claire KEITH    

 

Dans le renouveau du voyage et de son écriture depuis les années soixante-dix,  un ouvrage plus que tout autre a gagné un statut mythique et fait de son auteur le grand-prêtre d’une certaine notion du voyage parmi les lecteurs francophones.  L’Usage du monde,  récit d’un long périple oriental entre 1953 et 1957 par l’écrivain suisse Nicolas Bouvier, est l’objet d’un culte qui demande réflexion car il semble bien lié à une spécificité linguistique et culturelle qui n’a pas de contrepartie exacte dans le renouveau parallèle du récit de voyage anglophone.  Notre présentation tentera de cerner les prémisses culturelles de cette image du voyageur à laquelle toute une jeune génération francophone semble vouloir s’identifier.  Nous replacerons dans un courant intellectuel et historique l’effort très conscient de l’ouvrage d’attacher au voyage et à son interprétation une obligation esthétique, philosophique, morale, parfois politique, en bref, un devoir d’élégance et de transcendance que l’usage de la langue française semble sous-entendre.  Finalement, nous réfléchirons à l’avenir de ce modèle du voyage face aux brassages de la mondialisation .

 

14h15-15h45

 

Session I.  Littérature(s) (francophones)  et politique I

Président : Robert MORTIMER

 

« De la mémoire génétique au savoir philosophique dans Le Vôyage à La Bittt à Tibi », Francis TREMBLAY

 

À titre de forme simple, la chanson d’origine francophone s’inscrit dans une tradition orale qui favorise la transmission de comportements à suivre ou à proscrire. Avec Le Vôyage et La Bittt à Tibi, Raoul Duguay a écrit et mis en musique les paroles de deux poèmes dont les modes d’évocation et d’énonciation diffèrent radicalement. Le premier adopte un ton indéniablement prophétique, tandis que le second se veut populaire. «Le Vôyage » s’affiche d’emblée comme intérieur. Il s’apparente au psaume, à la prière, à un hymne : « Il n’y a de repos que pour celui qui cherche / Il n’y a de repos que pour celui qui trouve / Tout est toujours à recommencer ». La vérité s’y incarne dans l’imagerie d’une insaisissable poignée d’eau. Contrairement à cette amalgame de sentences véhiculant et imposant la soumission à de savantes connaissances venues d’un innommable maître à penser, le deuxième chant s’énonce par l’entremise d’une voix qui se remémore par des fragments autobiographiques son appartenance identitaire à une existence, une Histoire, un territoire et un imaginaire : « Le treize février mille neuf cent trente-neuf / Je suis né à Val d’Ôr en Abitibi /[...] Quand j’étais petit j’allais jouer aux bôis / Dans un banc de neige / Je creusais maisôn / Et dans la glace j’écrivais tôn nôm ». Ce récit allégorique est chargé d’une pulsion émancipatrice appartenant à une culture autre que philosophique ou dogmatique dans ce pays toujours déjà aussi incertain et « À libérer ». Ce sont les différences entre ces deux stratégies discursives (voire politiques) qu’il s’agira d’explorer et d’exposer. L’objectif poursuivi consiste à mettre en lumière la possibilité d’identifier une diversité d’entreprises et d’énoncés didactiques dans le corpus divergent d’un même auteur. Les savoirs ne sont pas innocents des processus d’apprentissage qui les régissent. Ils peuvent servir à soumettre ou à émanciper. Question de pouvoir ?

 

 

« Remarques sur Le Blanc de l’Algérie d’Assia Djebar », Sonia LEE

 

Dans son récit, Le Blanc de l’Algérie, Assia Djebar affirme être à la recherche d’une liturgie destinée à enterrer ses morts, pour la plupart des écrivains assassinés pour cause d’écriture. Bien que Djebar se défende de polémiquer, dans ce rite funéraire où elle officie à la première personne au moyen de cette langue française qu’elle privilégie à l’écrit, elle ne peut néanmoins éviter de témoigner de la réalité tragique de l’histoire de l’Algérie. Cette intrusion du politique dans un récit littéraire d’une facture stylistique très personnelle et que l’on pourrait même qualifier de lyrique remet en question les limites du récit qui prend ainsi des allures d’essai à la manière de Montaigne. Cette fluidité du genre littéraire peu soucieux des règles établies et aujourd’hui très fréquent chez les écrivaines contemporaines africaines, fera l’objet de ma présentation.

 

 

« La mort du rêve lumumbiste », Karen BOUWER

Le refrain de la joyeuse chanson « Indépendance Cha-Cha » sonne avec une ironie cruelle peu après le 30 juin 1960 et un morne silence s’installe au Congo six mois plus tard avec la mort de Lumumba.  Parmi ceux qui refusent d’abandonner les idéaux lumumbistes et leur donnent une deuxième haleine, Pierre Mulule qui mène une rébellion dans le Kouilou.  Le compte rendu que sa femme Léonie Abo donne des années soixante passées dans le maquis se concentre sur les expériences des femmes qui elles aussi se battent contre le pouvoir illégitime de Mobutu Sese Seko.  Nous savons que pendant des périodes de lutte, les femmes jouent souvent des rôles qui sortent du commun, sans que les progrès ne soient nécessairement pérennisés. La rébellion muleliste, représente-t-elle une utopie pour les femmes qui subissent le double joug : les valeurs patriarcales des traditions africaines d’une part et du régime colonial d’autre part ?  Je propose une lecture approfondie de l’histoire présentée par Ludo Martens dans Abo : Une Femme du Congo.  Cette lecture sera complétée par une analyse des écrits de Patrice Lumumba afin de mieux apprécier les possibilités et les contraintes qu’offre le discours de l’époque en ce qui concerne les femmes.  Ceci nous permettrait de demander si cette fin d’un rêve utopique que représente le nationalisme lumumbiste d’avant et d’après l’indépendance, aurait le même sens du point de vue féminin. 

 

 

« La mise en cause du pouvoir dans l’œuvre de Boualem Sansal », Robert MORTIMER

 

Dans son roman L’Enfant fou de l’arbre creux (Gallimard, 2000), l’écrivain algérien Boualem Sansal emploie surtout la satire pour exprimer sa critique politique du pouvoir en Algérie.  Plus récemment il a publié un pamphlet polémique Poste Restante : Alger. Lettre de colère et d’espoir à mes compatriotes (Gallimard, 2006).  Ce papier propose d’étudier l’évolution de l’engagement politique chez Sansal, ancien haut fonctionnaire devenu un écrivain qui suscite en Algérie « des débats passionnés entre admirateurs et contradicteurs » (Benouada Lebdai, El Watan, 19 octobre 2006).

 

 

Session II. Négritudes/créolitudes

Président : Gérard POLICE

« Le mot ‘créole’dans Saraminda, de José Sarney », Gérard POLICE

   

Roman brésilien récent (2000), Saraminda se situe à l’interface de la Guyane Française et de l’Amapá brésilien, à l’époque de la ruée vers l’or du Calçoene dans les dernières années du XIXème siècle. A partir d’un relevé systématique des occurrences du mot « créole » dans le texte original, on montre comment l’auteur brésilien a fait le choix de l’introduire sans guillemets ni italiques dans le texte brésilien. Nous avons identifié, analysé et classé les occurrences du mot dans un tableau comportant 11 catégories définies d’une façon aussi simple et immédiate que possible, dont les plus signifiantes sont : (1) contexte / champ : éléments qui constituent la nébuleuse sémantique gravitant autour du mot à chacune de ses occurrences ; cette catégorie se construit donc sur la portion de texte de longueur variable à l’intérieur de laquelle « créole » est opératoire et signifiant ; et (2) registre / connotations : catégorie à la fois la plus importante et la plus délicate à informer ; c’est la valeur attachée au mot en termes sociaux, éthiques, esthétiques, idéologiques, et politiques. Il est nécessaire ici de faire appel à une intuition de lecture avant tout brésilienne plutôt que guyanaise et créole. En effet, à côté de registres assez facilement et objectivement identifiables, d’autres sont en décalage entre une perception brésilienne et une perception créole : par exemple, la désignation a priori neutre et objective d’habitants créoles pour le lecteur brésilien, devient pour le lecteur créole, ou en contexte créole, un puissant déclencheur de mémoire et de subjectivité.

 

Session III.  Paysages d'Amérique en littérature francophone pour la jeunesse

Présidente : Noëlle SORIN

 

« Représentations des Amériques dans les robinsonnades françaises pour la jeunesse au XIXe siècle », Danielle Dubois MARCOIN

 

Dans son roman fondateur, Daniel Defoe situe l’aventure de son héros solitaire à l’embouchure de l’Orénoque, à l’orée du Nouveau Monde : c’est, par le naufrage, le début d’une renaissance. Si les pédagogues, auteurs de robinsonnades pour la jeunesse en France au XIXe siècle, promènent leurs héros dans divers endroits du monde, certaines aventures ont bien pour cadre le continent américain, du nord à l’extrême sud. Or qu’en est-il de la représentation de ce(s) monde(s) et des peuples indigènes dans les fictions romanesques pour la jeunesse durant ce siècle de colonisation  (qui, rappelons-le, s’exerce surtout en Afrique et en Asie, la France ayant renoncé assez tôt à ses prétentions sur le continent américain), durant ce siècle qui promulgue l’abolition de l’esclavage (1848) et en même temps permet l’émergence de théories sur l’inégalité des races (Gobineau, 1853)? Lorsqu’elles mettent en scène les divers territoires du continent américain, les robinsonnades françaises naviguent entre fascination, émerveillement et nostalgie : en fait, la perception des Amériques y demeurent assez largement mythique. C’est ce que nous nous proposons d’étudier et tenterons d’expliquer à travers quelques exemples emblématiques.

 

 

« Le paysage social dans la tétralogie du Cycle des Inactifs de Denis Côté », Jean-Denis CÔTÉ

 

En 2010, la ville de Lost Ark, capitale du Freedom State situé sur la côte ouest des États-Unis, est séparée en quatre secteurs : la Zone privée, la Nouvelle Ville, l’Ancienne Ville et les Faubourgs. Chacun des trois premiers secteurs est habité par une classe sociale différente. Les dirigeants vivent dans la Zone privée, les travailleurs (appelés « Actifs »), dans la Nouvelle Ville, et les gens sans emploi (appelés « Inactifs »), dans l’Ancienne Ville. Dans les Faubourgs se trouvent les industries et l’amphithéâtre et, dans la Nouvelle Ville, le siège du gouvernement du Freedom State ainsi que celui de la police. Chaque secteur est séparé par des frontières que protègent des gardiens et des policiers et nul ne peut se déplacer librement d’un secteur à l’autre. Les Inactifs sont toutefois autorisés à se rendre à l’amphithéâtre des Faubourgs lors des matchs de hockey. Ces frontières favorisent, bien sûr, le contrôle sur la population, mais elles témoignent aussi des conditions de vie différentes de chaque groupe social. Le protagoniste, Michel Lenoir, meilleur joueur de hockey au monde, est l’idole des Inactifs. Surprotégé, vivant en vase clos dans la Zone privée, Lenoir ignore tout du monde qui l’entoure. Ses quelques sorties, mais surtout, sa rencontre avec la journaliste Virginia Lynx lui font prendre conscience des mensonges de son propriétaire, David Swindler, et des inégalités sociales qui prévalent dans le Freedom State. Révolté, Lenoir rompt avec Swindler et décide de se cacher au milieu des Inactifs. Véritable Bildungsroman, le Cycle des Inactifs offre une représentation de la société future qui s’avère troublante.

 

 

« L’imaginaire de la mer en littérature pour la jeunesse », Noëlle SORIN

 

L’homme, selon sa situation géographique, a toujours entretenu un rapport étroit avec la mer. Objet poétique et espace de rêve depuis des siècles, la mer encore aujourd’hui est source d’inspiration en littérature, voire en littérature pour la jeunesse. À travers des ouvrages tirés de la littérature québécoise pour la jeunesse, nous proposons une lecture à deux niveaux. D’une part, une perception imagée du paysage marin, où la mer – en surface ou dans les sombres profondeurs –, complice ou ennemie, du calme plat à l’impétueuse tempête, affirme une puissance où la rêverie rejoint la peur. D’autre part, une perception symbolique, la mer étant à la fois l’image de la vie et celle de la mort. Lieu des naissances, des transformations et des renaissances, eaux en mouvement, la mer symbolise le transitoire, l’incertitude, le doute, qui peuvent tout aussi bien se conclurent positivement que négativement.

 

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mercredi 4 juillet 2007

 

9h00-10h30

 

Session I. Représentations littéraires et cinématographiques de la guerre

Président : Hervé-Pierre LAMBERT

« La guerre d’Algérie révélée : le cache-cache cinématographique de Michael Haneke dans le film Caché (2005) », Nancy VIRTUE

On a souvent dit que, jusqu’à ces derniers temps, la France n’a pas voulu accepter le rôle qu’elle a joué pendant la guerre d’Algérie. Benjamin Stora, dans La Gangrène et l’oubli, constate que la France, en refusant de confronter l’histoire de la colonisation française en Algérie, a fini par créer des relations malsaines et « gangreneuses » avec l’Algérie. Stora écrit : « (En France) tout un ensemble subtil de mensonges et de refoulements organise la ‘mémoire algérienne’.  Et cette dénégation continue à ronger comme un cancer, comme une gangrène, les fondements même de la société française » (8). Stora parle ailleurs d’un véritable « trou noir » dans le cinéma français, de l’absence de films qui ont traité la guerre de façon franche et directe, pendant la guerre et après.  Dit-il: « il est possible de voir dans le recours à l’explication de l’absence, et de (ce) ‘trou noir,’ un acquiescement massif de la guerre menée en Algérie, à un niveau peut-être très enfoui de la conscience française » (Imaginaires de guerre, 182).  Plus de 40 ans ont passé depuis la ratification des accords d’Evian et le cinéma français, à part quelques exceptions notables (dont La Guerre sans nom de Bertrand Tavernier et La Trahison de Philippe Faucon), serait toujours peu incliné à traiter directement de la Guerre d’Algérie. Dans un sens, le film Caché de Michael Haneke, sorti en 2005, essaie moins de rompre avec cette tradition de refoulement cinématographique que de le commenter. Cette communication examinera la façon dont Haneke semble répondre au critique de Stora en reconnaissant la responsabilité mais aussi les limitations du cinéma de révéler les vérités cachées de la Guerre d’Algérie.

 

« Femmes soumises, femmes pipées, femmes révoltées: réactions féminines à la Grande Guerre dans la poésie française », Gary MOLE

Parmi les nombreuses réactions poétiques—des belligérants et des civils—à la Grande Guerre, celles des femmes méritent une étude à part entière. Cette communication se penchera sur la diversité des réactions des Françaises lors du conflit même, depuis la passivité, l’attente, la résignation, la dévotion religieuse, et jusqu’à l’interrogation de la femme comme victime de l’agression masculine. Pour beaucoup, bourgeoises ou aristocrates, face à la perte de maris, frères, fils, amis, l’espace poétique, même sujet à la censure, devient un espace public pour explorer les questions de genre (gender) et d’identité par rapport à la guerre moderne, à la propagande, à la société patriarcale. Parmi les femmes-poètes étudiées: Henriette Charasson, Lucie Delarue-Mardrus, Anna de Noailles, Cécile Périn, Henriette Sauret.

 

 

« L’imaginaire et le discours de la guerre dans les romans posthumains de Dantec (Babylon babies et Cosmos Incorporated) », Hervé-Pierre LAMBERT

D’origine française, Maurice Dantec a choisi d’immigrer au Canada en 1998. Après des romans de facture policière, l’auteur s’est engagé en s’installant au Canada dans des récits relevant de l’imaginaire posthumain, qu’il a commenté dans des journaux essais comme Le théâtre des opérations, journal métaphysique et polémique (1999) et Laboratoire de catastrophe générale (2000-2001) et dans les romans Babylon babies et Cosmos Incorporated. Ces récits mettent en scène une géo-politique fictive, caractérisée par la présence de conflits réels comme la guerre de Yougoslavie ou plus généralement imaginés, comprenant des guerres civiles comme en Chine ou des guerres globales et leurs séquelles comme dans le Canada de Cosmos Incorporated, où la scène se passe dans les ruines du Québec posthumain de 2050, voisin d’un califat islamique d’Amérique qui a surgi de la dislocation des USA à la suite de la guerre planétaire. Les acteurs conflictuels sont autant les états, les religions que les services secrets, les mafias, les groupes terroristes, incluant un groupe terroriste d’androïdes. L’une des mafias sibériennes joue un rôle majeur dans Babylon babies où elle étend son champ d’action violente sur Montréal. Si le stéréotype du guerrier est conservé, -- samouraï, guerrier de fortune solitaire, tueur professionnel--, il est confronté à une panoplie d’armes posthumaines et pratique pour améliorer ses performances d’une anthropotechnie chimique. A partir de ces récits mais aussi des essais de l’auteur, l’étude décrit et analyse l’imaginaire et le discours de la guerre dans un futur posthumain où le Québec tient une place centrale.

 

Session II. La honte vue par les Africains

Président : Stephen BISHOP

« Le récit érotique de Karmen Gei: Lire la honte dans le tabou de l’homosexualité féminine », Freida EKOTTO

 

Ce travail est axé sur le traitement de la question de l’homosexualité féminine dans la production culturelle africaine. En analysant les rôles de la sexualité, de la race, et de la spiritualité dans la production littéraire et cinématographique en Afrique de l’ouest, nous aborderons la question de la honte associée à l’homosexualité féminine. Notre analyse se portera principalement au film Karmen Gei du cinéaste sénégalais Joseph Gei Ramaka, un film qui représente la culture et la société contemporaines du Sénégal. La question posée par ce film érotique, subversif et transgressif est la suivante : Dans la société sénégalaise moderne est-il possible de transcender le tabou sexuel de l’homosexualité féminine ?

  

« Regard public, regard pudique : le (dé)voilement chez Yasmina Khadra », Bénédicte BOISSERON

 

L'étude s'intéressera à la question de mise à nu et conséquemment de honte dans deux romans de Yasmina Khadra, Les hirondelles de Kaboul (2002) et L'attentat (2005). Ces deux livres ont en commun un même souci de représenter l'ineffable douleur du secret et du non-dit sur fond de guerres et de religions. Les deux histoires, l'une située à Tel Aviv et l'autre à Kaboul, abordent la question de voile et de dévoilement islamique avec un regard nouveau qui nous fait comprendre que ce n'est pas toujours le regard public qui rend l'être vulnérable mais quelquefois le regard privé. Nous verrons comment Khadra remet à jour la définition que Sartre a donnée au sujet de la honte dans L'être et le néant, la honte étant pour l'écrivain existentialiste une affaire de regards indirects où la victime de la honte se découvre vue quand elle croyait voir.

 

« Evolution de la honte littéraire en Afrique francophone », Stephen BISHOP

 

Des déclarations de honte s’apparaissent dans beaucoup de textes africains, de l’époque coloniale jusqu’à aujourd’hui.  Cette communication cherche à comprendre pourquoi ces expressions sont communes mais souvent au deuxième plan, à distinguer les définitions différentes de la honte dans le contexte littéraire et s’il y a quelque chose de spécifiquement «africain» dans ces expressions qui dépassent les particularités locales sans accepter l’ancienne division anthropologique de «sociétés de honte» et «sociétés de culpabilité».  D’autres questions à considérer sont: Quelles identités africaines est-ce que ces visions créent, combattent ou maintiennent? et Est-ce qu’une telle émotion implique forcément une vision négative de soi face à l’Autre?  L’investigation sera menée à travers six textes principaux – les trois textes coloniaux L’aventure ambiguë de Kane,  Les bouts de bois de Dieu de Sembène et Le vieux nègre et la médaille de Oyono et les trois textes postcoloniaux Les soleils des indépendences de Kourouma, Une si longue lettre de Bâ et Chuchote pas trop d’Ekotto.

10h45-12h15

 

Session II. Les représentations de l'Afrique dans la littérature et l’imaginaire antillo-guyanais

Président : Obed NKUNZIMANA

 

« Terre traîtresse, Terre maîtresse dans Pluie et vent sur Télumée miracle de Simone Schwarz-Bart »,  Sarah B. BUCHANAN 

 

La Négritude, comme mouvement social, politique et littéraire, a mis beaucoup d’emphase sur l’idée de la terre, conçue comme source d’identité et de culture. Écrits pendant des périodes d’exil en France, les textes tels que “Chants d’Ombre” de Léopold Sédar Senghor et “Cahier d’un retour au pays natal” d’Aimé Césaire créent une identité noire universelle et essentielle qui surgit du continent africain, berceau des peuples noirs. Dans ce mouvement, la femme représente l’Afrique, la mère et l’innocence précoloniale. Similaire au poème « Femme nue, femme noire » de Senghor, Pluie et vent sur Télumée Miracle présente de nombreux parallèles entre la femme et la terre. Par exemple, Reine Sans Nom, la grand-mère de Télumée, lui dit, « Tu le connais [Élie], je le connais et je peux te dire qu’il t’aime comme un homme sensé aime une terre fertile, une terre qui le nourrit et le supporte jusqu’après la mort… »  Si l’homme voit la terre comme un élément féminin, Télumée la conçoit comme une matrice protectrice dont les plantes et les feuilles créent des lieux de tranquillité et de protection.  Lors de mon intervention, j’étudierai le trope de la terre dans Pluie et vent sur Télumée Miracle de Simone Schwarz-Bart pour illustrer la tension générée par l’esclavage au cœur de l’idée du pays. En même temps, je me pencherai sur la manière dont Schwarz-Bart complique le symbole de la terre par rapport aux théories de la Négritude et de la Créolité, ainsi que la façon dont elle combine la terre avec des éléments tels que le vent et l’eau afin de créer des images et une identité féministe. 

 

 

« La traversée des Esprits: la mort, l’Afrique et les Antilles dans les œuvre s de Maryse Condé », Françoise NAUDILLON

 

La mort, son traitement, sa signification est probablement un des thèmes majeurs de l’œuvre  de Maryse Condé. Depuis la pièce de Théâtre Mort d'Oluwémi d'Ajumako (1973), jusqu’à Célanire cou-coupé (2000), ou encore de Heremakhonon (1976) et sa nouvelle édition En Attendant le bonheur (Heremakhonon) (1988) à La Migration des cœurs (1995), la mort est fondatrice de la fiction. La mort dans l’œuvre de Condé semble l’ultime stratégie qui permette selon le mot de Glissant, la pratique du détour: « la communauté a tenté d’exorciser le Retour impossible par ce que j’appelle une pratique du Détour » (Le discours antillais, 1981). La mort et ses rituels, la mort comme accomplissement tragique ou grotesque est une porte où l’Afrique et les Antilles communiquent. Dans cette communication, nous nous proposons d’explorer ces stratégies et cette mise en scène de la mort chez Maryse Condé dans son processus d’exploration des diasporas africaines.

 

« Témoignages féminins de Guyane et du Togo », Cheryl TOMAN

 

Les écrivaines guyanaises et togolaises ne sont peut-être pas nombreuses mais elles s’expriment d’une voix forte avec leurs sœurs francophones pour décrire la condition de la femme de leur propre milieu culturel et social.  Nicole Dolan et Rita Mensah Amendah de Guyane et du Togo respectivement nous présentent la femme guyanaise et togolaise d’une façon similaire.  Soulignant la pluralité de la Guyane, le recueil de nouvelles de Dolan s’intitule Elles (2006) et décrit avec un mélange de fiction et de réalité la diversité des femmes guyanaises et antillaises. Dolan infuse à chaque nouvelle (chacune avec son prénom féminin comme titre) de nombreuses expressions créoles ainsi que sa poésie.  Comme Dolan, Amendah dans son livre, Mosaïques africaines : chroniques féminines, parle des problèmes et des triomphes de la femme et ce sont ces aspects qui deviennent les titres de ces contes qui rappellent la tradition orale africaine.  Voix authentiques de leurs cultures, Dolan et Amendah dans leur rôle de femme-griot louent la femme tout en montrant qu’elle est parfois victime d’elle-même. Quant à la femme qui est aussi victime de l’homme, les auteures entament cette problématique d’une façon caractéristique du féminisme non-occidental.  C'est-à-dire, Dolan et Amendah se concentrent sur la complémentarité de l’homme et de la femme en raisonnant que si l’homme opprime la femme, c’est parce que c’est plutôt la société et ses attentes qui lui rendent victime comme elle.  Cette communication vise à analyser les similarités de ces deux textes féministes sans oublier leurs particularités guyanaises et togolaises.

 

« Fragments épars d’un continent maudit et mythique. L’Afrique dans Biblique des derniers gestes de Chamoiseau », Obed NKUNZIMANA

 

Dans ce roman fleuve, comme dans beaucoup d’autres récits caribéens, l’espace fragmenté du discours sur l’Afrique s'inaugure par une référence à la tragédie des origines, pivot de la conscience et de la construction identitaires des caraïbes: la traite négrière. L’Afrique devient, ainsi, d’entrée de jeu, l’espace de la malédiction originelle et la traite, un «enfer génésique» auquel certains frères africains ont participé. Nous voulons démontrer qu’à partir de ce positionnement initial d’énonciation entaché d’amertume, l’Afrique se transforme subtilement en une Mère indigne, une entité énigmatique  et obscure à la fois mythique et maléfique, objet de fascinations et de répulsions. Notre intérêt porte sur ce portrait à configuration exotique qui, faisant écran à l’Afrique réelle ou à la Relation avec l’Ailleurs, laisse place à un continent fantasmatique et fantôme, avec ses faits d’armes et ses « fièvres charnelles ».

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jeudi 5 juillet 2007

 

9h00-10h30

 

Session I.  Plagiat, reproduction et « emprunts »

Président : Thomas C. SPEAR

 

« Édouard Duquet (1846-?) ou l'emprunt comme identité »,  Rémi FERLAND

 

L'écrivain québécois Édouard Duquet ne signa que deux courtes œuvres : Pierre et Amélie (1866), un roman pastoral qui démarque Paul et Virginie de Bernardin de Saint-Pierre, et A New and Easy Method of instruction in pronouncing and speaking the French language (1870), qui s'inspire étroitement de A New Method of learning the French language (1860) de Louis Fasquelle (1802-1862). Le cas d'Édouard Duquet n'est cependant pas isolé et l'intertextualité sera aussi envisagée dans le contexte plus large de la production de la littérature québécoise du XIXe siècle. Exerçant son ascendant chez plus d'un auteur (Octave Crémazie, Pamphile Le May...), le romantisme français détermina une pratique de l'emprunt qui à l'époque même fut dénoncée avec virulence par certains critiques (Joseph-Octave Fontaine, Jules-Paul Tardivel...) et même par un poète (William Chapman) envieux du succès selon lui usurpé d'un de ses pairs (Louis Fréchette).

 

 

« Imitation, appropriation, vol: le ‘plagiat’ chez Linda Lê »,  Jack YEAGER

 

Le spectre du plagiat pourrait bien hanter les écrivains francophones, depuis Camara Laye jusqu'à Calixthe Beyala et Marie Darrieusseq. À son tour Linda Lê a été accusée de ne pas avoir écrit son premier roman. En fait elle aborde la problématique de l'autorité littéraire dans plusieurs œuvre s. Nous proposons d'explorer sa propre tentative de redéfinir le plagiat.

 

 

« Couper-Coller : à la recherche de l'original »,  Thomas C. SPEAR

 

L'internet est devenu un réseau de données illimité, s'agrandissant avec une rapidité vertigineuse.  Dans la course à la wikipédiasation des données du savoir, il y a peu de considérations sur la source ou la fiabilité des données, leur provenance ou copyright.  Avec quelques exemples à titre d'illustration des données reproduites dans de nouveaux contextes sur format papier et électroniques, je vais offrir quelques consignes pédagogiques, légales et bibliographiques pour les chercheurs.  En conclusion, je soulignerai le besoin de tous les pays francophones de mieux conserver et diffuser leurs archives patrimoniales, avec une meilleure standardisation des données et  protection des ayants droit.

 

 

Session II.  Diversités théoriques et pratiques en littérature francophone

Présidente :  Béatrice LIBERT

 

« Immigration maghrébine et dilemmes culturels », Michèle LANGFORD

Le mot migration prend un sens spécifique dans le contexte littéraire, puisque la littérature elle-même est en migration. La littérature « franco-française » a non seulement été détrônée par la littérature francophone, mais cette dernière est-elle-même remise en question selon un nouveau concept littéraire : une « littérature-monde » en français. Textes et auteurs n’ont-ils pas de toujours émigrer dans le vaste domaine du monde des lettres ? Il n’en reste pas moins une spécificité à  la littérature « en français » pour l’écrivain originaire d’une culture hors de l’Hexagone. Il atteste le plus souvent une appartenance à une double, voire une triple culture, qui soulève des questions d’identité personnelle et culturelle. Les auteurs du Maghreb ont une relation complexe avec le français lorsqu’ils choisissent cette langue comme moyen d’expression. Des interrogations s’imposent à l’auteur concernant la perte d’identité, l’appartenance, la mémoire, le sentiment de culpabilité, le mythe du retour, l’imagination qui transforment la réalité et le choc des cultures. Je propose de suivre la démarche d’Azouz Begag dans son livre Le Gone du Châaba, un roman autobiographique qui nous mène au cœur de cette expérience personnelle, avec les hésitations, et les difficultés que peut provoquer un désir de s’intégrer à la société française sans pour autant trahir ses racines algériennes.

 

 

« Enseigner l’interculturel dans les cours de littérature francophone », Mana DERAKHSHANI

 

L’importance de l’enseignement de la compétence interculturelle dans le cadre des cours de langues n’est plus à prouver. Néanmoins, cette compétence acquiert une nécessité primordiale dès qu’il s’agit d’explorer des textes littéraires. Pour les étudiants de français langue étrangère, l’analyse de la littérature francophone présente non seulement des difficultés d’ordre linguistique mais aussi des obstacles culturels qui peuvent gêner la compréhension et, éventuellement, diminuer le plaisir de la lecture. Il est donc essentiel de développer chez les apprenants les dispositions et les aptitudes nécessaires à un déchiffrage cohérent et enrichissant. D’autre part, les textes littéraires offrent souvent des ouvertures séduisantes sur l’altérité. Cette communication propose de présenter des considérations pratiques, des approches pédagogiques et des modules d’instruction qui permettent aux enseignants d’initier le développement de la compétence culturelle chez leurs apprenants dans les cours de littérature francophone.

 

 

« Théorie postcoloniale et nouvelles légitimités en littérature africaine », Jean-Christophe L. A. KASENDE

Comment la littérature africaine réagit-elle aux systèmes normatifs qu’elle intègre pour se construire en tant qu’univers de signification dans le contexte postcolonial? Quelles sont les données historiques, culturelles, idéologiques, politiques à partir desquelles l’énonciation littéraire se construit en réagissant positivement ou négativement aux systèmes normatifs qui se posent dans leurs divers fonctionnements comme légitimités institutionnelles? Comment l’œuvre littéraire se fonde-t-elle sur le dépassement des oppositions originelles devenues classiques dans un contexte sociodiscursif postcolonial ? La conscience de l’espace d’interaction et de la coexistence des univers symboliques conduit à l’analyse des aspects narratifs et discursifs comme les processus de légitimation de la norme européenne, les modes de coexistence et d’interaction des systèmes normatifs, les stratégies de réhabilitation ou de récusation des normes non européennes, les modes particuliers d’adaptation à une situation de coexistence, les stratégies d’autolégitimation etc. C’est l’ère du postcolonialisme revisité en littérature africaine. Pour mener cette recherche nous avons recours à la sociocritique et aux théories de la linguistique pragmatique.

 

« Le pays hors du monde, Jean Joubert : Approches didactiques et intertextualités», Béatrice LIBERT

 

L’étude a  pour but de révéler l’axe socio-politique du roman de Jean Joubert, à savoir, les menaces qui pèsent sur un groupe social humain, tant de l’extérieur que de l’intérieur : l’obscurantisme et la manipulation, le naufrage écologique, la perte des valeurs spirituelles, etc. On mettra l’accent sur la thématique du conflit Nord-Sud, société archaïque et technologique avancée, traditions et modernité. On relèvera les intertextualités tant avec la littérature, les mythes qu’avec l’œuvre matricielle de l’auteur, « L’homme de sable », qui lui valut le Prix Renaudot en 1975.

 

 

Session III. L'Identité et la mort dans la littérature francophone

Président :  Jean-Luc DESALVO

« Le roman malgache: la mort -- composant essentiel de l'identité d'un peuple », Raoul HOLLAND

 

La nation malgache, fusion génétique et culturelle d'Afrique et d'Asie, a poussé le culte des ancêtres jusqu'au rite du « famadìhana », le retournement des morts, et chez certaines ethnies les tombeaux dépassent en dimensions les habitations des vivants. Nous allons nous pencher sur les manifestations de ce culte de la mort et des morts dans le roman d'expression française. Il prend chez Pélandrova Dreo la forme d'une description des croyances et des rites funéraires des Antandròy de l'extrême sud, tandis que Michèle Rakotoson fait un travail sur les thèmes mortuaires auprès d'une ethnie de l'ouest dans Le bain des reliques. Cette même auteure fait d'une lutte contre la mort l'objet central de sa nouvelle « Dadabé », avant de nous faire vivre dans « Henoÿ: fragments en écorce » la recherche tourmentée par Tiana du cadavre non-enseveli de sa femme Bodo afin que son âme repose enfin en paix. Son roman le plus récent, Lalana, raconte à son tour l'existence d'un jeune sidéen dont la mort l'accompagne au cours d'un long trajet jusqu'à la mer, où elle l'accueille. Jean-Luc Raharimanana lui aussi nous présente dans Nour,1947 des personnages confrontés à la mort, et notamment un jeune amant qui nous entraîne dans des scènes de folie où il veut nier la mort de sa bien-aimée Nour, traînant partout son cadavre décomposé.

 

 

« La représentation picturale de l’œuvre d’Antonine Maillet »,  Jean-Luc DESALVO

 

Étant donné que la peinture apparaît chez Maillet sous de nombreuses formes, il nous a semblé intéressant, pour enrichir une étude sur l’œuvre d’Antonine Maillet, de rechercher les tableaux dont elle s'est inspirée dans ses descriptions, portraits et paysages, entre autres, afin de préciser leur valeur et leurs caractéristiques dans ses livres. Comme nous allons le voir, les tableaux de Pieter Bruegel l'Ancien, par exemple, représentent, selon la perspective de l'observateur, soit le danger, soit l'espoir d'une révolution. Or, en faisant non seulement référence à Bruegel et à d’autres peintres « révolutionnaires », tels que Delacroix et Picasso, mais aussi une représentation littéraire de leurs tableaux dans son œuvre, Maillet ne cherche-t-elle pas à recréer ce même esprit révolutionnaire qui anime et caractérise leurs tableaux?

 

 

10h45-12h15

 

Session I. La Quête identitaire dans la littérature francophone 

Président : Jean-Denis CÔTÉ

 

«Le mariage mixte dans les romans et nouvelles d’Yves Thériault », Evelyne MÉRON

 

Yves Thériault, le conteur québécois dit « conteur des minorités », a consacré aux Amérindiens, qu'il aime et admire, une grande part de ses œuvres. Dans certaines d’entre elles, il décrit l'aventure de couples mixtes: s'y rapprochent, ou s'y opposent, culture blanche et culture amérindienne. Ce sujet est au cœur de son dernier roman, qui est aussi le plus long, La Quête de l'ourse, et de plusieurs des nouvelles réunies dans l'Herbe de tendresse. Ces textes soulèvent toute une série de problématiques liées à la recherche de l'identité : Que souhaitent les conjoints en s'unissant? S’assimiler à la culture de l'autre, ou assimiler l'autre à sa propre culture? Quelle est la culture la plus séduisante aux yeux de l'autre? L'amour interpersonnel efface-t-il les barrières culturelles? Comment évolue ensuite le mariage? Y aura-t-il concessions? compréhension? colères? tentatives de domination? Des rôles différents sont-ils réservés à l'homme et à la femme? Le milieu parmi lequel le couple choisit de vivre sera-t-il accueillant ou hostile? Quelle sera l'influence de ce milieu? Comment l'éducation d'enfants éventuels est-elle envisagée? Que perpétuer grâce à eux? De quel héritage les faire profiter? Bref, cette attirance, puis ce rapprochement intime entre Amérindien(ne) et Blanc(he) est-il plutôt un enrichissement et un espoir pour la société canadienne, ou plutôt un piège dangereux et redoutable pour les individus?

 

 

« Des poètes à l’abri : identité, mémoire et sacralité en poésie francophone », Christiane MELANÇON

 

Dans le sacré de la mémoire, la poésie forme un chez soi dont nul coup d’état ou guerre fratricide ne peut déloger. Que le poète soit d’Amérique ou d’Afrique, en littérature contemporaine, la mémoire et son expression littéraire ont souvent cette fonction particulière d’installer le souvenir dans le sacré. Le plan historique est ici mobilisé pour monter le fil des continuités et tisser la trame identitaire, mais aussi mettre au jour les accrocs de l’histoire en soi et hors soi. La mémoire sourd des profondeurs et contribue à singulariser le poète en même temps qu’elle lui offre un lieu universel qui transcende le temps et l’espace historiques. C’est cette quête paradoxale que nous étudierons à partir d’un corpus puisé à même les œuvre s de poètes contemporains du monde francophone.

 

« Suivre ‘le chercheur d’or’ de J.-M.G. Le Clézio : de la faille à l’espoir », Adina BALINT-BABOS

 

Périple à la poursuite de l’ailleurs, de l’autre, du trésor du Corsaire inconnu, le trajet initiatique et formateur d’Alexis, le narrateur du Chercheur d’or (1985) de Le Clézio, met en lumière un double échec : l’impossibilité d’endiguer la douleur provoquée par la perte de l’Éden familial (en effacer « les traces, les odeurs, les souvenirs »), et la vanité de la quête d’un trésor, objet mythique de l’aventure. À partir de ces prémisses, nous proposons d’analyser la fonction compulsive de cette quête éperdue, les conditions dans lesquelles s’inscrit l’obligation de « faire avec » afin d’aménager un territoire convenable, un éventuel « devenir-autre » (Deleuze, Critique et clinique) où l’identité sera différemment investie. Dans ce but, nous envisageons d’étudier : la traversée du narrateur depuis son embarquement à bord du Zeta jusqu'à la confrontation avec les ruines de Forest Side; les enjeux et les failles de divers voyages maritimes comme épreuves jetées par « l’autre »; et enfin, les stratégies discursives de la représentation de « l’autre », tant en ce qui concerne l’espace géographique que l’affectif. Nous tenterons ainsi de repérer certains phénomènes particuliers de « devenir » (Deleuze, Mille plateaux), tout en soulignant que c’est grâce à l’espoir dans la découverte d’un autre-ailleurs authentique qu’il est possible de transgresser le manque et des dimensions mineures de la subjectivité (l’angoisse, la douleur) afin de définir une nouvelle identité.

 

 

Session II. Visions et regards de femmes dans la littérature féminine de la Caraibe francophone

Présidente : Mariana IONESCU

  

« Le réel merveilleux de la Martinique dans Rue Monte au Ciel de Suzanne Dracius », Valérie BUDIG-MARKIN

 

L’ouverture de Rue Monte au Ciel (Editions Desnel, 2003) affirme le rapport entre l’œuvre  de Suzanne Dracius et le concept du baroque fabuleux de l’avenir envisagé par l’écrivain cubain Alejo Carpentier. Ce que les historiens voudraient remettre dans leur poche historique est revu, refiguré par Dracius, comme par Carpentier, et reprojeté en avant. Les concepts, les points de vue, les peuples, et les langues entamant un dialogue dans les textes de Rue Monte au Ciel jaillissent d’une source, d’un centre révolutionnaire de la terre natale. Littérature, traités historiques, mythologies, oralité, cultures du monde entier, ainsi que l’histoire de sa propre famille forment la matiére bouillante d’une Montagne Pelée. Le volcan a déjà vomi son message de liberté en 1902 et l’avenir se déclare prometteur d’une nouvelle éruption. Or, de façon discrète, Carpentier a inserré une spirale dans la structure de son roman de 1962, Le siècle des lumières, imitant un coquillage sur la plage qui tient la clé d’une future révolution. Si la justice sociale l’exige et le peuple se dresse dans sa riche multiplicité originaire contre l’oppression ou contre l’imposition d’une identité «autre», cette force inimitable gagnera de l’énergie et s’explosera. La résistance martiniquaise chez Dracius puise dans le métissage, la nature, le nouveau et le traditionnel de la Martinique. Son «vieux diable» réveillé de son sommeil millenaire côtoie la belle Virago aux ongles vernis et l’identité ressortie de cette confluence heureuse pourrait bien être la formule d’un avenir de rupture qui serait à la fois une guérison, une réunification, et une égalisation.

 

 

« La représentation de la maternité dans les textes autobiographiques de Maryse Condé », Laurie CORBIN

Le travail autobiographique de Maryse Condé, surtout dans ses textes récents, Le Cœur à rire et à pleurer et Victoire, les saveurs et les mots, nous montre la spécificité du rapport mère-fille aux Antilles.  L'effet de la Diaspora sur les habitants actuels de ces îles dont le rapport avec leur histoire est toujours difficile, se voit dans les liens entre les femmes, non seulement le rapport entre la mère et sa fille mais aussi les rapports entre la grand-mère, la mère, et la fille.  La manière de Condé d'inventer et réinventer certains aspects de l'histoire de sa famille, surtout de la vie de sa grand-mère comme elle la représente dans Victoire, nous rappelle le concept d'Edouard Glissant, l'opacité, où il voit la possibilité de libérer l'autre en lui donnant le droit à son opacité, c'est-à-dire, en acceptant l'impossibilité de comprendre l'autre. Si on peut donner à sa mere et à sa grand-mère leur droit à l'opacité, on peut transformer une hiérarchie parfois traumatisante à un consentement à la différence, même la différence entre soi et celle qui est fondamentale dans la vie de toute femme, la mère.  Mon travail examinera les différences entre trois textes de Maryse Condé pour essayer de voir comment cet écrivain emploie sa propre histoire comme texte où elle peut montrer la société guadeloupéenne d'une autre époque et surtout les situations des femmes dans cette société. 

 

 

« Victoire, les saveurs et les mots: Maryse Condé entre biographie et fiction », Mariana IONESCU

Le dernier récit de Maryse Condé, Victoire, les saveurs et les mots (2006), se présente au lecteur en tant qu'espace textuel constamment traversé par des tensions familiales et culturelles multiples. Situé entre le biographique et le fictionnel, ce récit émouvant permet à l'auteure de fouiller la mémoire familiale et insulaire afin de reconstituer l'histoire de Victoire, sa grand-mère maternelle. Faute de traces et de souvenirs précis, Maryse Condé remplit les trous de cette histoire lacunaire de mots de sa propre invention; faute de mots qui expriment ses émotions, Victoire Quidal s'adonne à la création toujours renouvelée de mets savoureux. Le récit bio-fictionnel de Condé, fortement ancré dans l'histoire de son île natale, lui permet de repenser sa position de femme noire et d'écrivaine antillaise héritière d'une grand-mère blanche, cuisinière illéttrée. En effet, nombreux sont les rapprochements entre l'acte de création culinaire de Victoire, au cours duquel elle combine les saveurs créoles mieux que tout autre, et l'acte d'écriture qui permet à l'écrivain de talent de jouer avec les mots. En dépit de leurs différences, le même plaisir de la création accomplie en solitude et parfois en souffrance unit la grand-mère et sa petite-fille. Aussi, de Victoire Quidal à Maryse Condé se tisse-t-il l'espace imperceptible des saveurs métamorphosées en savoir.

Session III. Expressions littéraires et enjeux socio-politiques de l’éducation

Présidente : Marie-Christine ROCHMANN

 

« L’apprentissage du français par les enfants hmong », Kao-Ly YANG

Comment les enfants hmong apprennent-ils le français ? Quelles sont les difficultés ou les facilités qu’ils peuvent en avoir si l’on tient compte de leur culture d’origine dans leur apprentissage ou dans l’enseignement du français? Est-ce que les représentations des apprenants de l’école,  du savoir scolaire ont des conséquences sur leurs performances, leurs usages du français comme outils de communication, de connaissance, ou de pouvoir? A l’aide de supports concrets tels que textes, exemples d’erreurs de langage, l’auteur va répondre à ces questions ci-dessus, en analysant les caractéristiques linguistiques et culturelles du hmong avec celles du français. De plus, seront discutées les représentations du rapport à l’écrit, du rôle de l’école, et de la finalité éducative traditionnelle parallèlement avec celle de la société française afin d’éclaircir les motivations des enfants d’apprendre et celles des parents de les soutenir. Cette présentation est basée sur deux sondages menées successivement en 1992 et 2002 sur les représentations des enfants hmong du Gard sur le rôle de l’école et le rapport à l’écrit, ainsi que sur des recherches menées en ethnologie depuis 1994 en France, au Laos et aux Etats-Unis sur la socialisation de l’enfant en milieu hmong, et sur l’expérience de l’enseignement du français et du hmong de l’auteur.  Ce que les participants peuvent apprendre de cette communication : (1) connaître l’origine, l’histoire, la culture, la socialisation des enfants, les traits de la langue des Hmong et  (2) comprendre la dynamique spécifique des représentations de l’école et du savoir dans les motivations d’apprendre.

 

« Tu, c'est l'enfance de Daniel Maximin, une autobiographie sans école? »,  Marie-Christine ROCHMANN

 

Si l’on compare le récit d’enfance de Daniel Maximin, Tu, c’est l’enfance, à ceux de ses compatriotes parus dans la même collection Haute-enfance, on sera frappé par le peu de place faite à l’école. Certes c’est seulement dans le deuxième tome de ces autobiographies de commande que Patrick Chamoiseau avec Chemin d’école et Raphaël Confiant avec Le Cahier de romances, avaient abondamment développé cet aspect. Cependant on imagine mal une suite au récit du poète guadeloupéen qui refuse tout au long d’entrer dans une logique chronologique et a inscrit son récit dans le paradigme clos des quatre éléments.  Tu, c’est l’enfance met en place des « instances éducatives » très prégnantes, qui ne sont pas l’école : l’entour familial, la bibliothèque parentale et les éléments, feu, terre, eau, air, auxquels l’enfant, tel le néophyte des initiations pubertaires, se trouve confronté dans des épreuves où se joue la liquidation de l’œdipe. L’école n’y apparaît que dans la négative des « jours sans école », sur le mode de l’irréel de « s’il y avait eu classes » ou à l’extérieur de ses murs, en diverses « excursions ». Au mieux dans sa cour, théâtre des réjouissances locales, scène offerte aux imaginaires de l’enfant et refuge contre les tremblements de terre. Surnagent malgré tout quelques silhouettes fugitives d’institutrices et d’instituteurs, et de rares évocations qui d’une façon ou d’une autre ramènent toujours l’enfant à la maison. Ayant constaté cette absence, il nous appartiendra de tenter de l'interpréter. 

 

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vendredi 6 juillet 2007

 

9h00-10h30

 

Session I.  Figures du transfert ou la littérature dans tous ses états

Présidente : Jeannine PAQUE

 

« Les mises en scène de Bruges-la-Morte », Josette GOUSSEAU

 

En 1892, Georges Rodenbach publie un court roman qui sera qualifié de symboliste par l’histoire littéraire: Bruges-la-Morte. Ce roman connaîtra de nombreuses rééditions et une diffusion internationale grâce aux traductions dans des langues diverses, avec parfois de sérieux malentendus. En effet, le titre sera aussi utilisé pour la pièce de théâtre que l’auteur avait tiré de son roman, œuvre  en quatre actes publiée après sa mort sous le titre Le Mirage et que certaines bibliographies ignorent encore. C’est pourtant cette pièce qui est à l’origine des transpositions scéniques de Bruges-la-Morte. Mon intervention se propose donc d’évoquer les différentes mises en scène du roman: du théâtre à l’opéra, du cinéma à la télévision.

  

«Fantômas au service d’un poète : Ernst Moerman», Domenica IARIA

 

Le premier film surréaliste belge, Mr. Fantômas (1937) d’Ernst Moerman, montre que le cinéma, plus et mieux que l’écriture, permet aux poètes de faire image avec l’image et d’offrir la poésie au plus grand nombre. Personnage marquant de la tradition des feuilletons et des ciné-feuilletons, Fantômas devient dans l’œuvre de Moerman – poésie, récit, théâtre, mais surtout cinéma – un symbole de transgression, de recherche et de renouveau formel.

 

 

« Réécriture ou dilecture de l'œuvre  littéraire: Robinson Crusoé de Defoe », Françoise ZACCARIA

 

Les mythes ont donné lieu à de multiples variations; ils parlent des origines de l'homme, de sa place dans le monde ou l'univers. Mais comment expliquer leur pérennité,  leur résurgence, leurs modifications? Certes l'intéret de la création littéraire pousse à réécrire l'œuvre littéraire. Nombreux sont les exemples. Le poète Gofette en donne une définition bien précise et la réécriture devient « dilecture ». Les textes du corpus pris en considération, trouvent leur place dans l'objet d'étude des réécritures, situant les différents textes par rapport au roman de Defoe. Les paratextes et les différents repérages nous préciseront les différences majeures existant entre les textes de M. Tournier, Saint-John Perse et Defoe. Après avoir dégagé les différences, nous procèderons, texte après texte en relevant les modifications introduites par rapport au modèle d'origine et nous construirons les bases de la « dilecture » de l'œuvre de Defoe.

 

« La ville ou la vraie vie : ce que nous apprend Alexis Curvers », Jeannine PAQUE

 

De l’érudition au Gai savoir, du sentiment d’extranéité à la découverte de la vraie vie et à sa pleine connaissance, tel est le parcours initiatique accompli par le narrateur protagoniste de Tempo di Roma et tel est l’itinéraire auquel nous invite Alexis Curvers, sinuant du guide touristique au roman et du roman d’apprentissage à la jouissance de soi dans l’autre. Se constitue alors une sorte de modèle social par défaut, à l’écart de la banalité du quotidien, à l’aise dans un environnement nocturne, dans les voies labyrinthiques ou dans les lieux clos de l’imaginaire. Qu’il s’agisse de l’individu, du groupe social ou des limites temporelles ou spatiales, la difficulté de définir est cultivée systématiquement : on est toujours le Transalpin de quelqu’un; on se balance dans une espèce de vide; le Forum est une très vieille province; la via Flaminia reste en-deça de la part triomphale; on ne jouit pas à Rome du droit de naissance; innocent, on est comme interdit de séjour… Il y aurait comme une surdétermination positive de tout ce qui relève de l’étranger.

 

 

Session II. La haine dans la littérature française et francophone I

Présidente : Jocelyne LE BER

 

« Femmes en guerre » dans la poésie contemporaine d’Afrique francophone », Joseph NNADI

 

Dès la nuit des temps, la guerre, apanage paradoxal de l’ « homo sapiens », a toujours été une affaire exclusive des hommes : partout, mais surtout dans le continent noir, connu pour son système social outre-patriarcal. En général, quand il s’agit de guerre et excepté les quelques  manifestations de la Guerrière mythique, la femme est réduite au silence ou à la résignation. Elle en était souvent une spectatrice involontaire et une victime impuissante. Mais ce rôle passif n’est plus. L’ère de « la souffrance dans le silence » de l’Africaine francophone, anglophone ou lusophone est révolue. Car, de sa plume qui lui sert de voix, elle contribue activement au discours, au débat, voire au combat contre la guerre. Après une vue d’ensemble de la représentation des « femmes en guerre » dans les écrits des femmes africaines contemporaines, cette communication s’épanche sur le recueil de poésie, Voyage abyssal, qu’Elizabeth Ewombe-Moundo (Camerounaise et fonctionnaire itinérante de l’ONU) a fait paraître en 2002. Résidant alors en Guinée, où elle était Directrice de l’UNESCO, elle avait effectué des visites sur les ruines des attaques des rebelles libériens le long de la frontière guinéenne. Dans ce recueil, elle décrit les horreurs de la guerre et le désarroi des couches les plus vulnérables de la population : à savoir les femmes. Voyage abyssal est un témoignage choquant et écœurant. C’est aussi une puissante plaidoirie contre la guerre, où s’entend aussi des éléments d’un humanisme transcendantal et d’un féminisme typiquement noir.   

 

 

« Le totem des Baranda : l’amour sera-t-elle jamais plus fort que la haine ? », Judith SINANGA- OHLMANN

 

Les préjugés, le rejet de l’autre, la jalousie, le désir de supériorité, le mépris d’infériorité; comportements humains desquels naît la haine, sont tous des thèmes dont l’œuvre Le totem des Baranda est imprégnée.  Ce roman où l’Autre est une notion ambiguë car difficilement distinguable mais toujours présent, l’Autre constamment à l’esprit des êtres qui peuplent ce monde que peint Melchior Mbonimpa est justement là car il est le symbole de la haine.  Dès l’instant où l’on découvre ou simplement devine que l’être en face de soi est l’Autre, le mépris surgit, injustifié, déraisonné.  Le totem des Baranda nous fait un portrait troublant du racisme entre castes, entre ethnies. Ce livre est un témoignage d’une haine ancrée dans la mémoire de toute une collectivité. Une haine que l’héroïne de cet ouvrage semble être déterminée à éradiquer par l’amour et le sacrifice.  La littérature aura-t-elle jamais assez de pouvoir pour faire triompher l’amour et pulvériser toutes les forces du mal ? Telle est la note de réflexion à laquelle voudrait aboutir cette communication.

 

« Haine et Amour comme faux jumeaux dans Vipère au poing »,  Jocelyne LE BER

 

La haine et l’amour sont des passions violentes. Marcel Jouhandeau l’affirme, dans Algèbre des valeurs morales, en écrivant qu’« aimer et haïr, ce n’est qu’éprouver avec passion l’être d’un être ». D’après lui, on ne peut donc pas haïr quelqu’un sans l’aimer. C’est ainsi qu’à partir de l’amour-passion, il est possible de « désassembler les faux jumeaux et de mieux voir en quoi la haine demeure tout de même une passion, et sans doute la plus grande des deux » (Guery). La haine et l’amour sont des passions violentes qui sont vécues tour à tour dans le roman d’Hervé Bazin, Vipère au poing. Ce roman considéré comme un roman de révolte est aussi un roman plein de haine. Dans le roman, la famille est comme la société, microcosme, jungle où on expérimente des codes, des clés, des prédateurs, des victimes, des pertes, des gains, des rôles, et où l’affection reste un piège permanent. Hervé Bazin présente cette famille, avec cynisme et férocité, comme « l’extrême branche d’un arbre généalogique épuisé, d’un olivier stérile complanté dans les jardins de la foi. Grand-mère mourut, ma mère parut ». Dans cette communication, nous porterons notre attention sur les effets et les conséquences haineux d’une éducation dure et rigide appliquée et pratiquée par une mère. Nous verrons d’une part l’interaction entre les méthodes d’éducation et de correction et d’autre part l’émergence du sentiment de la haine qui est confronté à l’amour.

 

Session III.  Cinéma et francophonie : état de la question

Présidente : Michèle GARNEAU

 

«L’autofiction au cinéma: le cas Truffaut», Sarah GASPARI

 

Chez Truffaut, l’intrusion ou plutôt la greffe (Derrida) de la vie/vérité dans son cinéma est une véritable priorité. Or, ce réalisme ou plutôt vérisme, une fois filtré par l’expérience biographique du cinéaste et par certains mécanismes filmiques de narration, se transforme en autofiction (Dubrovsky) ; là où la ressemblance entre auteur et personnage central laisse une part importante à la fiction afin de dévoiler encore plus profondement la vérité du Moi. L’autofiction se manifeste par exemple par la présence narcissique du metteur en scène lui-même au cours du déroulement de ses films: Adèle H. (1975); L’ Homme qui aimait les femmes (1977); L’ Argent de Poche (1976); Les 400 coups (1959). Etant surtout liée à un projet autofictionnel, cette présence accentue - par l’apport autobiographique que ces œuvres supposent - et diminue – par une sorte d’effet signature -, l’impression de réel que dégagent normalement les films de Truffaut. Nous appelons ce procédé : intrusion autofictionnelle.

En plus, Truffaut partage souvent avec ses personnages principaux des traits physiques et de caractère par le biais des références biographiques même directes ou par des transformations de la donnée réelle. Les soucis du metteur en scène semblent donc être plutôt la pertinence ou la résonance de tel épisode au sein de la narration. Nous appelons ce procédé : identification autofictionnelle. Enfin, ce « Je est un autre » de réminiscence rimbaldienne et, plus tard, lejeunienne peut se traduire dans le cas de Truffaut en un Je qui devient autre en construisant son propre système : un système/monde « à la Truffaut » donnant lieu à un cinéma qui pour le cinéaste devient la vraie vie.

 

 

« Les remakes américains de films français: état des lieux », Colette HENRIETTE

 

De tous les films d'origine étrangère, c'est le cinéma français qui a le plus inspiré, et de loin, les réalisateurs américains.  Cette communication de nature interculturelle a pour objet de proposer une hypothèse pour expliquer cet état de fait.  En se basant sur des exemples précis, l'intervenante se propose d'analyser les modifications qui ont dû être apportées pour adapter les films originaux au contexte du public populaire américain.

 

 

« De la quête de l'identité à l'universel: une dynamique contradictoire? Réflexions sur Daratt de Mahamet-Saleh Haroun », Maryse BRAY et Hélène GILL

L'œuvre  de Mahamet-Saleh Haroun, bien qu'ancrée dans la réalité culturelle africaine, n'en est pas moins une revendication d'universalité, tant au plan thématique qu'esthétique. Grâce à la  sortie du film Daratt en 2006, la filmographie d'Haroun confirme qu'elle a le potentiel de renouveler la cinématographie africaine francophone, et par là même, de la sortir de la marginalité qui l'a confinée jusqu'à présent à des publics restreints.

 

 

« Vieillir en cinéma : réflexion à partir du film d’Agnès Varda, Les glaneurs et la glaneuse »,  Michèle GARNEAU

 

« J’essaie de voir où en sont les glaneurs en l’an 2000 et où en est Agnès en l’an 2000. J’ai basculé dans le troisième âge. Or je ne vois pas pourquoi je n’essaierais pas de le documenter. »  (Agnès Varda)

Comment rendre compte des émotions intimes, souvent gardées secrètes, de son propre vieillissement? Comment le faire affleurer discrètement à la surface de l’écran, dans un geste de filmer qui tient moins de la sagesse ou du pathos que de la gaminerie et de la fantaisie?  Dans Les glaneurs et la glaneuse (2000) la cinéaste Varda part en quête des glaneurs mais aussi d’elle-même, la cinéaste en glaneuse aux mains vieillies. Ce petit film artisanal au succès international inattendu tient à fois de l’autoportrait, du pamphlet social, du documentaire poétique, du film essai et comme Varda l’a elle-même déclaré, du « road documentary ». À 71 ans, la pionnière de la Nouvelle Vague française continue d’expérimenter la forme cinématographique tout en témoignant du peu de temps qu’il lui reste pour le faire. On verra comment la Varda metteure-en-scène et narratrice cède parfois la place à la Varda-personnage qui apparaît à l’écran pour se saisir d’une petite caméra numérique et filmer, entre deux plans de patates, des fragments de son corps devenus soudainement comme étrangers à elle-même. Dans la flétrissure de la chair, c’est la mort qui dépose sa trace et la mini-caméra tenue d’une main par Varda enregistre ce travail sur son autre main. Ce travail de la main, si essentiel aux glaneurs comme à la cinéaste-en-glaneuse, sera notre fil conducteur pour aborder la question du vieillissement et du cinéma.

 

10h45-12h15

 

Session I.  L'Autre au singulier

Présidente :  Elvire MAUROUARD

 

« Le double autre. Le cas de Vassilis Alexakis »,  Georges FRÉRIS

 

Le romancier francophone grec, V. Alexakis se présente dans son œuvre sous une double identité : du grec et du français, du narrateur et de l’écrivain, de l’observateur et du héros. Nous essaierons donc de mettre en évidence son jeu de similitude ou de similarité par le procéssus de ce «cache-cache» entre l’écriture et la mémoire. Nous discernerons qu’il arrive à unir le niveau personnel (le fait de se rapporter sans cesse au personnel) à la mémoire collective (il parvient à presenter l’aspect social de tout élément personnel), traits qui s’opposent à la vanité «traditionnelle» du texte autobiographique, lui apportant de la sorte une certaine nouvelle fraîcheur originale.

 

 « Créations artistiques ivoiriennes et idéologie ivoiritaire », Kanate DAHOUDA

 

Depuis le 19 septembre 2002, la République de la Côte d'Ivoire traverse une crise militaro-politique. Les effets pernicieux de cette crise affecte tous les champs de production sociale, dont celui de la création artistique. En effet, que ce soit dans le domaine de la peinture ou de la danse, dans le champ de la musique ou de la création littéraire, la crise ivoirienne n'a pas manqué d'aiguiser la verve créatrice des artistes qui produisent notamment dans les malaises diffus de l'ivoirité. Ainsi, du musicien Tiken Djah au peintre Kouamé Kouassi Serges, de l'ensemble Koteba à la compagnie Ivoire Colombe, d'Amadou Kourouma à Véronique Tadjo en passant par Venance Konan et Tanella Boni, on peut relever la récurrence d'une préoccupation commune : suivant leur inspiration personnelle, chacun ou chacune de ces créateurs tente d'exorciser la mémoire douloureuse d'une tragédie sociale que leurs œuvres appréhendent sous le sceau de la violence ethnique dans ses rapports intimes avec la singularité complexe de l'Autre. Dans le cadre de cette communication, nous nous examinerons les modalités de représentation de cette figure différentielle et les fonctions idéologiques que les créateurs ivoiriens lui assignent dans l'énonciation de l'identitaire face aux épreuves de l'ethnicité et de l'ivoirité, que le fils d'esclave et l'étranger, l'émigré et le paria affrontent dans les replis rugueux de leurs productions artistiques.

« Kama Sywor Kamanda ou la genèse d'une altérité souffrante », Elvire MAUROUARD

Deux romans de Kamanda feront l'objet de cette communication. A travers Lointaines sont les rives du destin et La traversée des mirages, Kama Sywor KAMANDA nous montre qu'autrui est toujours déroutant, de par l'excès et l'énigme qui sont en lui, sauf pour celui qui a la patience de sonder ses énigmes pour en découvrir la richesse cachée. Sauf également pour celui dont l'élan vers l'autre est tel qu'il lui permet d'entrevoir celle-ci comme mystérieuse et non comme banale. D'ailleurs le romancier écrit avec justesse que « le racisme sert de manteau… aux frustrations et aux aigreurs des personnes complexées et faibles. » Dinanga, paysan attaché à ses traditions villageoises, devient ainsi pour ses contemporains de la ville l'objet de toutes les peurs. Celui qui fait peur, c'est celui qui n'a pas de racines, le nomade, l'errant, l'exilé, celui dont on ne peut identifier clairement le projet et dont il faut se méfier ou au pire supprimer. La cruauté comme instrument politique ne peut être appréhendée avec les mêmes critères que ceux qui sont implicitement à l'œuvre dans nos théories psychologiques et littéraires. Dans le champ sociologique elle relève toujours du point de vue de la victime. À ce sujet, nous étudierons la question des identités multiples en Afrique liées à des contextes  religieux et politiques chaotiques suite à la décolonisation. Comme le souligne Kamanda « Les Noirs pardonnèrent très vite aux auteurs du génocide, de l'apartheid, de l'esclavage et de la colonisation, et ceux-ci  recommencèrent les mêmes tragédies. » Tous ces thèmes seront abordés lors de cette communication.

 

II. La haine dans la littérature française et francophone II

Présidente : Jocelyne LE BER

 

« W ou le souvenir d’enfance de Georges Perec ou la tentation de retrouver une enfance assassinée »,  Zeynep MENNAN

 

Nous allons aborder dans cette communication W ou le Souvenir d’enfance de George Perec, né en 1936 de parents polonais d’origine juive et dont la vie était marquée par l’inhumain de l’Histoire qui tua ses parents à la guerre et à Auschwitz. Perec invente, avec l’alternance de deux récits, l’un réel, l’autre fictif, une forme atypique de l’autobiographie tressée à la fiction afin d’exprimer l’indicible de l’horreur, de signifier sa propre histoire secouée par la perte, la rupture et l’angoisse qu’il ressent cruellement. Notre intérêt se portera sur la dimension collective de cette histoire personnelle et sur son intersection avec la vérité cruelle de l’Histoire. 

 

« Un Dimanche à la piscine de Kigali ou le sanglot de la femme noire », Cécile HANANIA

 

C’est sous un titre anodin, Un Dimanche à la piscine de Kigali, symbolique d’une douceur de vivre et d’un temps heureux et comme figé, que le journaliste québécois Gil Courtemanche publie son premier roman en 2000. Qualifié d’œuvre romanesque et tout à la fois de reportage authentique, dès le préambule, ce texte de fiction, loin de l’instantané paisible que suggère l’intitulé, est avant tout la chronique réaliste d’un Québécois pris dans la tourmente de la guerre au Rwanda au début des années 90. Mettant en scène un narrateur, Bernard Valcourt, qui ressemble en tous points à l’auteur, Courtemanche retrace les atrocités d’un génocide par le biais d’une jeune femme à l’ethnie ambiguë, à la fois Hutu et Tutsi, prénommée Gentille, qui subira les derniers outrages. La communication se propose d’analyser la description métaphorique de la guerre et les déchirements d’une société à travers un corps féminin martyrisée, ainsi que les relations hommes-femmes, en temps de guerre.

 

« Polémique entre Catholiques et Protestants en France au XVIe siècle : Paroles de sang, injures, haine de l’autre »,  Georges FARID

 

Notre étude descriptive porte sur les diverses formes sous lesquelles se présente la violence verbale dans la crise politico-religieuse qui a ensanglanté la France au XVIe siècle. Nous nous sommes arrêté particulièrement sur les procédés littéraires d’attaque entre Catholiques et Protestants où s’enchevêtrent injures, mépris et ironie. Par l’analyse des expressions injurieuses utilisées, nous montrerons comment des adversaires se dévalorisent et ce que traduisent ces paroles véhémentes qui passent de l’expression la plus subtile à l’expression la plus vulgaire : entre autres, incompréhension de l’autre, rejet, haine.