CIEF, Congrès 2006, 25 juin

Index des résumés

20e Congrès à Sinaïa

25 Juin - 2 Juillet 2006

Résumés des communications

Dimanche 25 juin 2006

 

Dimanche 25 juin    14h15 – 15h45

Session I. Variations sur l’enseignement de l’interculturel

Présidente : Donatille MUJAWAMARIYA

Secrétaire : Mirela MOLDOVEANU

« Apprendre l’interculturel : expériences de stage d’enseignement d’étudiants-maîtres en milieu francophone minoritaire pluriethnique », Mirela MOLDOVEANU, Université d’Ottawa

Trente ans après l’adoption de sa politique multiculturelle, le Canada est encore dans une étape de quête identitaire. La minorité francophone d’autant plus, surtout dans un contexte où l’immigration internationale en a changé radicalement le profil. L’apprentissage de l’interculturel, accompagné souvent de troublantes remises en question, constitue une dimension marquante de cette quête identitaire. Les enseignants jouent selon nous un rôle important dans l’orientation de ce processus. Mais comment les futurs enseignants apprennent-ils eux-mêmes l’interculturel ? Cette recherche se propose de décrire et d’analyser l’apprentissage de l’interculturel à travers les perceptions que dix étudiants-maîtres francophones se sont formé de leurs expériences de stage d’enseignement en milieu pluriethnique. L’analyse de leurs témoignages, recueillis à l’aide d’entrevues individuelles et de réflexions notées dans le journal de stage, fait émerger un parcours hésitant. Les apprentissages réalisés se situent au niveau des connaissances culturelles (fêtes, religion, traditions, créations artistiques). La plupart des participants se sont confrontés au besoin de rajustement des représentations culturelles et d’évitement des stéréotypes. Comme l’intervention des enseignants-associés a réservé peu de place aux aspects interculturels, les étudiants-maîtres ont essayé de développer des stratégies personnelles de travail en milieu pluriethnique. Au plan théorique, les résultats de cette recherche permettent de proposer un modèle de compétence multiculturelle d’enseignement centré sur le sujet. Du point de vue pratique, on pourrait envisager la conception de programmes de formation qui mettent l’accent sur les représentations culturelles positives et prennent en considération les caractéristiques du sujet comme facteurs favorisant l’apprentissage.

« Le texte comme expression linguistique dans l’enseignement/apprentissage du FLE », Angelica VALCU, Université Dunarea de Jos, Galati

On ne peut pas acquérir une langue sans être en contact direct avec les productions écrites et/ou orales de celle-ci. Les difficultés rencontrées par nos étudiants dans l’apprentissage du FLE, portent moins sur des éléments appartenant à la grammaire de la phrase (constituants de la phrase, types et formes de phrases, classes de mots, groupes et fonctions syntaxiques, etc.) que sur des phénomènes linguistiques qui assurent la production de textes (cohérence et progression textuelles, marqueurs d’énonciation, opposition des plans, typologie textuelle, etc.). Dans l’activité d’enseigner le FLE à nos étudiants, l’analyse des caractéristiques des différents types de textes appartenant à la culture roumaine et/ou à la culture française nous aidera à aborder des activités interculturelles très enrichissantes.

« À quoi servent les connaissances sur les cultures étrangères des enseignants de FLE ? », Béatrice BOUVIER, l’UCO – IRFA – Angers

Dans le centre de FLE dans lequel nous travaillons, nous avons constaté que sous l’impulsion du courant culturel et interculturel qui a soufflé ces dernières années sur le monde du FLE, les enseignants ont acquis de nouvelles connaissances sur les cultures représentées dans leurs classes. Un grand nombre s’est formé, informé et autoformé pour mieux connaître la culture de leurs apprenants étrangers. Forts de ces nouveaux savoirs, beaucoup d’entre eux ont la possibilité, la capacité de proposer des interprétations aux comportements, aux attitudes supposés culturels de leurs étudiants étrangers. Ces acquis en matière de cultures étrangères sont essentiels pour une meilleure compréhension du sujet-apprenant, et ont permis d’objectiver les discours. Cependant, nous avons remarqué que, par rapport à des situations données ou dans des contextes bien précis, les enseignants ne font pas toujours un bon usage de leurs connaissances et qu’ils maintiennent des discours généralisants sur la culture des apprenants. Il semble alors que ces nouvelles connaissances aient des effets contraires et « pervers » à ceux qui sont escomptés et engendrent des interprétations erronées. Pour comprendre cette ambivalence, nous avons fait un état des lieux des connaissances sur les cultures étrangères des enseignants, enquêté sur la manière dont elles ont été acquises puis, cherché à savoir comment elles étaient utilisées dans la classe de FLE. De notre recherche, il ressort que les connaissances culturelles aident l’enseignant à mieux gérer le groupe multiculturel, à améliorer la qualité des relations avec l’apprenant, et à prendre de la distance par rapport à lui-même et par rapport aux cultures étrangères. Mais elles mènent aussi à l’élaboration de stéréotypes culturels collectifs, de généralisations construites sur l’expérience et d’interprétations parfois contradictoires.

« Vers un modèle d’éducation interculturelle des futurs enseignants : étude contrastée de deux programmes canadiens francophones de formation initiale des maîtres », Donatille MUJAWAMARIYA, Université d’Ottawa

Le discours politique officiel décrit le Canada comme une société multiculturelle qui puise sa richesse dans la diversité. Des recherches récentes dénoncent des formes de discrimination qui menacent les valeurs d’équité, de justice et de cohésion sociale promues par la politique multiculturelle (James, 2005). Parmi les pistes d’intervention qui visent à pallier la discrimination, l’éducation apparaît comme la plus prometteuse. Comment les futurs enseignants sont-ils préparés à éduquer à l’interculturel ? Nous nous proposons de répondre à cette question par l’analyse contrastée de deux programmes francophones de formation initiale de maîtres. Des données quantitatives et qualitatives ont été recueillies à l’aide de questionnaires écrits administrés auprès des étudiants-maîtres de la cohorte 2002/2003 aux universités de Montréal et d’Ottawa. Les deux échantillons ont été constitués en suivant la technique aléatoire et sur une base volontaire. La taille de l’échantillon s’élève à 112 participants à l’Université de Montréal et à 227 à l’Université d’Ottawa, ce qui représente un taux de réponse supérieur à 50% dans chacun des deux cas. Le questionnaire invite les participants à apprécier le curriculum, les cours et les stages d’enseignement suivis pendant le programme de formation initiale à l’enseignement, et cela de la perspective de la préparation à l’éducation multiculturelle. Ils ont également suggéré des améliorations au programme. Au travers les résultats des analyses statistiques descriptives et inférentielles et des analyses de contenu, nous proposons un modèle d’éducation interculturelle pour les programmes francophones de formation initiale des maîtres.

Session II. Mythes et exotismes : optiques transculturelles

Présidente : Patricia CAILLÉ

Secrétaire : Nicholas SERRUYS

« Nanook of the North et le cinéma ethnographique : cinédoc ou synecdoque ? », Nicholas SERRUYS, University of Toronto

Robert Flaherty, explorateur et ethnocinématographe, a conçu Nanook of the North (1922), le premier film documentaire, dans le but d’exalter la survie des plus aptes auprès de l’Eskimo (l’Inuit). Certes, comme tout discours qui s’occupe de la question d’autrui, l’œuvre de Flaherty exploite une herméneutique à la fois glorieuse et condescendante. Quoiqu’il se trouve dans un milieu socio-historique dans lequel l’anthropologie et la cinématographie affirment la capacité de documenter et interpeller l’autre d’une manière objective, son analyse est souvent romancée par le biais d’une idéologie préétablie, telle la mystification d’autrui dont témoignent les récits de voyage de l’Ancien Régime. La tension entre la réalité et la fiction est aux centres de l’appréciation et de la dénonciation de ce film en particulier et du genre documentaire en général, voire de tout discours ethnographique. Mais, il faut tenir compte des intentions de Flaherty, ainsi que des contraintes, choisies ou imposées, par lesquelles le film est délimité afin d’apprécier son envergure. En raison de la nature synthétique de l’appareil cinématographique, ce qu’il révèle ne peut être que partitif, substituant inévitablement la valeur d’une composante pour la valeur du tout. Ainsi, nous avancerons l’hypothèse suivante : le cinédoc est une synecdoque. En nous écartant prudemment de la critique postcoloniale de l’exotisme et de l’artifice, c’est plutôt dans l’optique d’une comparaison entre les communications mythique et allégorique d’une histoire que nous voudrions entreprendre non forcément une apologie du projet de Flaherty, mais plutôt une reconnaissance du potentiel transculturel qu’aurait pu engendrer son œuvre.

« Des “êtres en attente” : mythe et révolution chez Jean Ray (Malpertuis) et Michel Tremblay (La Cité dans l’œuf) », Arnaud HUFTIER, Université de Valenciennes

Lorsque dans son roman Malpertuis (1943) l’auteur belge Jean Ray insère les divinités de l’Olympe dans des baudruches humaines et dans la société contemporaine, il leur fait adopter les critères de la petite bourgeoisie, où mesquinerie et vénalité l’emportent. Dès lors, si les divinités laissent uniquement « parler » leurs corps, s’adonnant aux plaisirs de la chair, les sens l’emportent et l’essence est en sommeil. Vingt-six ans plus tard, le roman de Michel Tremblay, La Cité dans l’œuf, s’ouvrait par une épigraphe tirée du récit de Jean Ray ainsi que des épigraphes déjà utilisées par Jean Ray (dont notamment celle de Voltaire : « De la croyance des hommes sont nés les dieux »). De même, les plans des deux ouvrages s’avéraient presque similaires. Pourtant, La Cité dans l’œuf se contente apparemment de ces similitudes de surface, le texte renvoyant essentiellement à la « mythologie » créée par H.P. Lovecraft, faisant la part belle à la tératologie avec la découverte d’un panthéon aux noms auparavant inconnus. Comment expliquer alors le système de reprise, qui s’arrête, pour les exégètes, à un simple hommage ? Il nous semble au contraire que Michel Tremblay a parfaitement lu le roman de Jean Ray, et l’a lu selon une perspective belge : si le mythe de la société, qui phagocyte tout, s’impose, c’est non seulement l’image stérilisante de la petite bourgeoisie qui est proposée, mais c’est aussi l’image de la Belgique, qui n’a plus de place dans l’Histoire. Dans cette perspective, les divinités de l’Olympe, restées en attente sur une île de la mer Égée, sont contaminées par l’esprit contemporain qui n’attend plus rien, si ce n’est la reproduction infinie d’un système autorégulé. Ainsi, s’il reprend par les épigraphes les phrases-clé du récit, il retourne l’argument, pour le réécrire selon une perspective québécoise. Il propose en effet des êtres en attente, qui partent du réel québécois pour s’inventer de nouveaux dieux, pour se comprendre à travers eux, et jauger l’avenir. S’il refuse de la sorte la mythologie préexistante, s’il refuse de s’enferrer sur le mythe de la société avec la fuite dans l’imaginaire, le roman peut parfaitement se lire à la lumière de la révolution tranquille au Québec. On se propose donc ici de relire ses deux récits, non seulement en vis-à-vis, mais aussi par rapport à leurs zones d’inscription, et ce que représentent leurs utilisations du mythe lorsqu’il renvoie à des effets de fantastique.

« Le Film “sur la condition de la femme” : Effets de la double marginalisation des figures du masculin dans la réception du cinéma contemporain tunisien en France (1990-2005) », Patricia CAILLÉ, Université de Strasbourg

L’objectif de cette communication est d’examiner, à travers la réception chiffrée et la réception critique des films tunisiens en France, les critères opérant dans l’évaluation des films et les hiérarchies culturelles qui régissent ceux-ci. Dans ce cadre, nous nous attacherons à comprendre la construction, par le discours critique, du spectateur en France vis-à-vis des films sur la condition de la femme, devenus l’image de marque du cinéma tunisien, la marque de son succès relatif au box-office, celle de son succès critique et, paradoxalement, celle de sa permanente immaturité artistique et culturelle. Nous examinerons plus particulièrement l’effet de la double marginalisation des figures du masculin, dans les films et dans le discours critique, sur la construction d’un vague espace culturel Arabo-musulman défini dans son essence par l’inégalité des sexes. Si les figures du masculin sont marginalisées, leur marginalisation n’affecte paradoxalement pas leur omnipotence, pas tant celle que les films leur accordent dans la narration et l’image mais bien davantage celle que le discours critique leur octroie « automatiquement » dans le cadre d’une mise en cause implicite des capacités du cinéma tunisien à produire de bons films. Le discours critique, en s’appuyant sur les films, crée deux catégories du masculin : l’homme de la rue dans l’image, le père/mari dans l’histoire, et occulte les figures marginales du masculin, tel un point aveugle, alors même que ce sont ces figures qui nous permettraient par une analyse contextuelle de comprendre les enjeux de la représentation. Là encore, les hiérarchies culturelles laissent peu de place à l’analyse contextuelle dans le discours critique, le dédouanant ainsi de toute réflexion sur le contexte postcolonial de la réception de ces films.

 

Dimanche 25 juin, 16h00-17h30

Session I. Parcours littéraires européens

Présidente : Ilinca BALAS

Secrétaire : Catherine DU TOIT

« Casanova et l’écriture ou le récit d’une “auto-mythification” », Guy-David TOUBIANA, The Citadel

L’autobiographie qui peut se caractériser comme une littérature racontant le passé décrit des faits qui se sont déjà produits et que l’écriture va figer d’une manière permanente. Cependant, la « fraîcheur » qui existait au moment de l’événement est atténuée par la vision rétrospective offerte par l’auteur. Malgré la narration de péripéties depuis longtemps révolues, les Mémoires de Casanova ne rentrent pas complètement dans ce moule autobiographique. Les critiques reviennent avec insistance sur la sensation d’actualité et de mouvement qui se dégage à la lecture des douze volumes. Casanova organise son récit de manière à faire apparaître le temps de l’écriture parallèlement au temps de l’histoire racontée. Selon les épisodes, il propose une identification ou une distanciation entre narrateur et personnage. La représentation qu’il offre de lui-même apparaît alors comme une mosaïque intemporelle où passé et présent peuvent se substituer l’un à l’autre. Il construit ainsi son mythe, car ce jeu entre le présent et le passé édifie l’image d’un personnage éternel vivant dans le passé comme dans le présent et qui s’évade d’un espace temporel donné.

« Les racines de Jules et Jim : Henri-Pierre Roché entre affinités et authenticité », Catherine DU TOIT, Université de Stellenbosch

La vie d’Henri-Pierre Roché trouve son rythme singulier dans le balancement continu entre la dispersion et la recherche d’une harmonie unificatrice. La dispersion – morale et physique – paraît être pour lui un mal nécessaire car il le considère comme sa vocation, sa tâche humaine, de créer à partir d’un large éventail d’expériences une œuvre utile, une œuvre qui doit mener à « une meilleure compréhension ». La forme précise que doit prendre cette œuvre et même son fond exact se modifient au cours de sa vie, mais sa finalité reste inchangée : satisfaire en parcourant la terre « sa vaste curiosité humaine, sociale et sexuelle » (Journal intime de Roché : le 20 mai 1920) et accumuler une expérience étendue dans de nombreux domaines dans l’espoir de produire une œuvre unique, unificatrice et salutaire. Ces visées expliquent pourquoi on constate dans la vie comme dans l’œuvre de Roché une dynamique qui semble à première vue contradictoire : un mouvement de dissipation qui se manifeste par une curiosité de tout, de tous et de toutes, des voyages de longue durée et des amours en parallèle – éphémères ou durables – s’accompagnent d’un fort désir de dégager de cette apparente désarticulation une seule sagesse essentielle et authentique. Parmi ses nombreux voyages, celui qu’il fait en Allemagne et en Autriche en 1903 s’avère décisif pour son devenir-écrivain. Nous en reconstituons dans cette communication les étapes et les rencontres majeures afin de tracer leur influence dans son œuvre à venir, dont son roman le plus célèbre, Jules et Jim, conçu en premier lieu (en 1942) comme un roman franco-allemand qui devait jeter un pont entre ces deux cultures.

« Rousseau et la Suisse », Ilinca BALAS, Université de Bucarest

Cette communication sera centrée sur la problématique de l’espace suisse, tel qu’il se définit à travers l’œuvre de Jean-Jacques Rousseau. Une première partie sera consacrée au statut historique et culturel de la Suisse au XVIIIe siècle, pour passer ensuite à la valeur de ce pays pour le développement de la personnalité de Jean-Jacques Rousseau. Deuxièmement, une théorie de l’espace sera proposée, qui fournira les outils nécessaires à l’approche analytique de la question de la présence de l’espace suisse dans l’œuvre de Rousseau. L’analyse proprement dite de l’espace suisse chez Rousseau sera fondée sur une typologie de l’espace. Quelques-unes des coordonnées majeures de cette typologie seront : la fragmentation de l’espace, les valeurs de l’espace, les fonctions de l’espace.

Session II. Théorie et pratique du cinéma africain contemporain

Président : John Kristian SANAKER

Secrétaire : Maryse Bray

« Exilé(e) dans La Vie sur terre et La Petite vendeuse de Soleil », Vlad DIMA, University of Minnesota

Un motif récurrent dans certains films africains est l’impossibilité de se déplacer ou le manque de mobilité. Ces problèmes semblent apparaître du conflit entre le monde traditionnel et l’avancement technologique. Au cœur de ce conflit nous trouvons deux personnages : la femme africaine et le créateur (cinéaste) africain. La femme est isolée, puisque l’homme africain a tendance à s’abandonner au passé et aux normes de la tradition. Le metteur en scène, lui aussi, est isolé, partagé entre oralité/tradition folklorique et son nouveau moyen de s’exprimer, la caméra. Les deux, alors, se retrouvent dans une position de catalyseur – ce sont eux qui doivent pousser la société dans une direction progressiste, mais en le faisant ils se soumettent à un exil psychique et physique. En utilisant les films La Vie sur terre de Abderrahmane Sissako et La Petite vendeuse de Soleil de Djibril Diop Mabéty, j’aimerais analyser la manière dont les deux traitent les questions de locomotion et technologie avec la nouvelle position de la femme et du cinéaste dans la société africaine.

« Abouna de Mahamat-Saleh Haroun (2003) : classicisme et/ou nouvelle vague dans le cinéma francophone ? », Maryse BRAY et Hélène GILL, University of Westminster

Abouna (Notre père), film du Tchadien Mahamat-Saleh Haroun, essentiellement en langue française, a été présenté à la Quinzaine des Réalisateurs au Festival de Cannes en 2002 et a été salué par des critiques élogieuses notamment en France et en Grande-Bretagne. Cette reconnaissance internationale le singularise par rapport à une production africaine francophone de qualité mais qui reste souvent marginale dans le monde du cinéma contemporain. Notre présentation explorera les raisons d’un tel succès par une analyse du langage filmique de l’auteur (tout à la fois ancré dans la grande tradition cinématographique française et débouchant sur un regard profondément novateur), et du traitement original des thèmes principaux qu’il choisit d’aborder (le désert comme frontière, la liberté comme irresponsabilité – et vice-versa, la langue française : espace et véhicule d’identité). Au terme de plusieurs décennies de fascination pour l’identité comme enracinement, nous nous efforcerons de présenter le film d’Haroun comme la possibilité d’un dépassement : un langage qui tourne résolument le dos à ce que Jean-François Bayart définit par le concept d’illusion identitaire, et qui s’ouvre sur l’extérieur, et la richesse du métissage culturel.

«… À s’en écarteler… – le sport et le dépassement de soi dans le cinéma contemporain », Michèle LANGFORD, Pepperdine University

Le dépassement de soi et la poursuite du plus haut but dans le contexte sportif sont des thèmes qui se détachent de tous les autres dans la littérature et le cinéma contemporains. Cela parce qu’il fait écho aux exigences et aux aspirations de notre époque. Celui (ou celle) qui, dans l’effort, accomplit sa légende personnelle se trouve en présence des dures vérités du monde dans lequel il s’exprime. Le film Les épaules solides d’Ursula Meier, forme vivide par excellence, donne à voir l’athlète confronté aux problèmes psychologiques ou sociaux contre lesquels il lutte. Chaque sport semble donner corps de façon unique à ses propres interrogations. Il s’agit tour à tour de problèmes de classe sociale et de culture, d’aliénation, d’égalité des chances pour les hommes et les femmes, d’éducation ou de famille.

Session III. (Re)penser la francophonie

Présidente : Ayelevi NOVIVOR

Secrétaire : Agnes PALFI

 « Le plan interculturel d’André Malraux pendant son ministère : un appel à l’unité culturelle entre les peuples », Maria Bettina GHIO, Université de la Sorbonne Nouvelle Paris III

Pendant les années de son ministère, André Malraux a manifesté sa conception de la France comme un pays missionnaire s’adressant au monde et portant l’espoir à tous. Cette mission consistait à former une entité capable de faire face aux deux grandes puissances menaçant les richesses culturelles que sont les États Unis et l’URSS. L’écrivain considérait ces deux grands pays comme une véritable menace aux valeurs spirituelles nécessaires pour l’évolution du monde, car leurs idéologies étaient trop matérialistes. Il considérait cependant qu’il existe d’autres pays qui, sans posséder une puissance économique, possèdent, chacun à sa manière une valeur exemplaire. Ils forment, aux yeux de Malraux, un troisième continent qui doit se montrer capable de forger la civilisation planétaire. Ce troisième continent prendra la forme non pas d’une communauté politique, mais essentiellement d’une unité culturelle et spirituelle. Pour ce faire Malraux a considéré qu’il était nécessaire d’entamer deux actions : d’une part privilégier et développer toutes les manifestations culturelles, d’autre part tenter de faire disparaître tout ce qui s’oppose à la culture. Pour lui les principaux opposants de la culture sont la servitude et la faim, problèmes qui touchent la plupart des pays envisagés pour cette alliance culturelle. Pour faire disparaître ces barrières, il a suggéré notamment que les nations possédant des richesses naturelles aient la possibilité de les exploiter pour leur seul bénéfice. Par cette favorisation des développements culturels, le ministre a montré une ouverture au monde et un principal intérêt pour les relations interculturelles. On montrera, en outre, comment le ministre proposait de favoriser le développement de ces cultures afin que ces pays puissent lutter contre la servitude et le sous-développement auxquels ils sont soumis.

« Chaque jour est résurrection avec la complicité de la terre », Agnes PALFI, École Supérieure : Kodolanyi Janos

Nadia Tuéni, née au Liban en 1935 sous le signe du Cancer, meurt de cancer à quarante-huit ans. Poète de l’angoisse, de la crise et de la métamorphose, elle se reconnaît et se recrée dans l’écriture. Sa poésie est un long voyage intérieur, un voyage d’initiation, au cours duquel elle doit endurer des souffrances extrêmes pour pouvoir accéder à une lumière complexe par la transmutation de son âme. Ses poèmes sont des perles, rayonnant d’une beauté infinie, cachés pourtant des yeux incompétents. Elle emploie des symboles universels, et elle en crée de nouveaux aussi, proche du surréalisme, de l’alchimie, de l’hermétisme. Les mots du langage quotidien sont remplis de significations nouvelles, et sa poésie devient un autre langage. Dans cette poésie hermétique, qui « ne veut pas dire complication, mais complexité », il y a la « fusion dans un même être de [. . .] la nature terrestre, et... l’autre. Elle rapproche l’homme de ce point alpha, d’où l’esprit embrasse le tout ». L’ambiance libanaise, sa sensibilité orientale, sa culture druze et chrétienne se confondent dans ses poèmes. Écrivant en français, elle ne se sent pas moins libanaise et arabe. Elle dit souvent qu’elle « écrit l’arabe en français » (La Prose), c’est-à-dire dans la construction de ses phrases, nous retrouvons le rythme et la musicalité de la phrase arabe.

« Vers une définition et une vision transcendées de la francophonie littéraire », Ayelevi NOVIVOR, Université de Montréal

Pour les écrivaines et écrivains africains et antillais, la francophonie en tant qu’élément intrinsèque à leur production littéraire, représente-t-elle une aporie ou une expérience fructueuse de la diffusion du littéraire ? La perspective d’un détachement de l’axe français se manifeste autant dans l’inscription textuelle de nouveaux espaces géographiques, qu’à travers la diffusion de ces œuvres auprès d’un public linguistiquement hétéroclite. Depuis quelques années, la traduction de ces écrivains devient plus courante en anglais, en espagnol ou dans des langues vernaculaires. Effet de concomitance ou résultante, l’écrivain opère un nouveau rapport avec son œuvre, de même qu’avec son public en modifiant les paramètres existants pour construire un imaginaire sémiotique, sémantique et social inclusifs de l’Autre, avec en contrepartie la réduction de la représentation de la France. De fait, cette démarche participe du besoin de mettre un terme aux discours ascétiques, surannés et superficiels afin de donner vie et corps textuels à des personnages voisins géographiquement, idéologiquement ou historiquement. À partir de ces considérations, ma communication mettra en lumière quelques mécanismes de l’écriture dans la représentation de l’étranger, qui véhiculent une autre approche de l’exotisme ou qui participent d’une véritable poétique de la relation, entendue selon l’acception glissantienne. Le deuxième axe de réflexion concernera les enjeux de promotion du livre se réalisant à travers la conquête d’un nouveau lectorat. De ces contacts fertiles, la définition de la francophonie aux contours déjà très flous, ne fait que raviver le besoin de construire au-delà des circonférences politiques, des relations transcendantes à cette donne.