19ème Congrès à Ottawa-Gatineau

27 Juin - 3 Juillet 2005

Résumés des communications
Mardi 28 juin 2005

 

Mardi 28 juin     09h00 – 10h30

Session I.   Viol et violence dans la littérature francophone

Présidente : Heather WEST, Samford University

Secrétaire : Alisa BELANGER, University of California, Los Angeles

« Du viol à la liberté : l’émancipation féminine dans Les hommes qui marchent de Malika Mokeddem », Tamara EL-HOSS, Université de Toronto

Dans Les hommes qui marchent (1990), la romancière algérienne Malika Mokeddem met en scène Saâdia, une femme arabo-musulmane violée lorsqu’elle quitte son espace clos familial, à savoir la maison du père. Elle est alors marginalisée de la communauté dont elle est issue et sera poussée, par la violence sexuelle masculine, à la prostitution. Or, ce personnage de Mokeddem devient une femme moderne et, ce faisant, confirme son statut « autre » dans sa communauté : elle enlève le voile, s’habille à l’européenne, ouvre un magasin, s’achète une voiture et circule librement dans le domaine public, espace traditionnellement masculin. Dans cette communication, je me propose d’analyser la manière dont ce personnage de Mokeddem réussit à transcender les conséquences sociales qu’a le viol dans sa communauté afin de réinventer son identité en tant que femme et en tant que musulmane. Paradoxalement, c’est grâce au viol que Saâdia parvient à échapper à la domination masculine qu’actualisait précisément cette violence corporelle. Les études critiques de Malek Chebel, Fatima Mernissi et Nawal El Saadawi me permettront d’étudier les rapports de pouvoir entre les sexes dans un contexte musulman tout en traçant la trajectoire de Saâdia, qui passe de la soumission à l’émancipation.

« Un cadeau d’adieu : les bibelots du viol et de l’abandon dans Incendies de Wadji Mouawad et Soupir d’Ananda Devi », Alisa BELANGER, University of California, Los Angeles

S’il ne succombe pas à la mort, alors l’enfant né du viol et/ou abandonné par sa mère semble voué à une vie minable, étant rejeté aux marges de la société en même temps qu’il est expulsé du foyer familial. Cet enfant grandit, semble-t-il, sans amour, sans origines et, le plus souvent, sans ressources. Sous ces circonstances, un cadeau d’adieu – jeté aux déchets avec le bébé ou mis soigneusement à côté de lui dans un seau – peut devenir un important symbole identitaire, ainsi qu’une source de vigueur inattendue. Dans cette communication, nous examinerons l’intérêt à la fois symbolique et structural de ce genre d’objet dans la littérature. D’abord, nous montrerons comment Wadji Mouawad fait d’un nez de clown le noyau de la trame dramatique dans sa pièce de théâtre Incendies (2003). Ensuite, nous analyserons la façon dont une serviette d’hôtel se transforme également en axe du récit dans le roman Soupir (2002) d’Ananda Devi. Par les valeurs dissemblables que les personnages leur confient, ces objets arrivent à rendre concrets les obstacles à la communication qui traversent l’ensemble des deux textes, évoquant tour à tour tendresse et haine, violence et paix, ainsi qu’inceste et réconciliation. La lecture parallèle de ces œuvres nous permettra donc d’avancer quelques hypothèses sur l’emploi de l’objet comme médiateur de l’intersubjectivité dans la littérature francophone récente. Se nourrissant de la notion du sinthome, notre étude proposera que les bibelots du viol et de l’abandon n’ouvrent pas la voie au dépassement des conditions de naissance tant qu’à leur contournement.

« La violence comme punition de l’indépendance dans Laurence de France Théoret », Heather WEST, Samford University

À une époque où la plupart des Québécoises quittaient le foyer patriarcal pour se marier ou pour prendre le voile, Laurence, le personnage principal du roman du même titre, choisit de s’échapper d’un environnement hostile à la campagne. Au lieu de se faire transférer du contrôle du père à celui d’un mari ou d’un prêtre, Laurence s’intéresse plutôt à la liberté. La violence qui existe dans la maison de son père ne résulte pas de la pauvreté familiale. Le père frappe uniquement Laurence comme punition de sa tendance indépendante. Dans cette communication, on examinera comment Laurence échange sa liberté du foyer paternel contre la pauvreté personnelle ce qui, pour sa part, la mène à subir la violence externe. Lorsque Laurence effectue une formation en ville pour devenir infirmière tout en travaillant pour subvenir aux besoins financiers de sa famille, elle est violée. L’agression a lieu quand elle cherche à récupérer « la somme totale de ses économies », qu’elle avait prêtée à une copine. Le fait que la nouvelle Montréalaise compromet sa sûreté cherchant une adresse inexistante pour se faire rembourser les vingt-cinq dollars montre son besoin urgent d’argent, et par suite la relation entre sa condition socioéconomique et son risque de se faire agresser. Je me propose d’analyser la manière dont Laurence réussit à transcender les effets du viol afin de se créer une identité de femme moderne. Les études par Botta et Pingree et par William et Holmes me permettront d’étudier comment Laurence fait face à l’action violente, s’ajuste psychologiquement et réussit dans la vie.

Session II.   Marianne face au hidjab : mettre le voile vs. mettre les voiles

Président : Alek Baylee TOUMI, University of Wisconsin, Stevens Point

Secrétaire : Hafid GAFAITI, Texas Tech University

« La politique française de l’Islam à travers la question du voile islamique », Hafid GAFAITI, Texas Tech University

La politique française de l’Islam à la fin du vingtième siècle est caractérisée par l’ambiguïté et le paradoxe. D’un côté, l’Islam est considéré par certains comme l’expression d’une culture fondamentalement différente et les descendants d’immigrants de culture arabo-musulmane comme impossibles à « intégrer ». D’un autre côté, les conséquences de l’insurrection islamiste en Algérie dans les années quatre vingt dix illustrent les changements de la politique française pour ce qui est de la question de l’Islam. Du fait de sa gestion catastrophique de l’immigration maghrébine en particulier, qui a résulté dans l’exclusion objective d’une partie importante de sujets français d’origine ou de culture arabo-musulmane, et de ses relations complexes avec le régime algérien, aujourd’hui la France se trouve confrontée à la question de l’Islam à l’intérieur même de son territoire (physique et socio-culturel). Dans cette communication, j’explorerai les conséquences de la gestion politique de l’Islam par la France ainsi que les tentatives du gouvernement actuel de développer un « Islam français ». Cette analyse se fera à partir de la question du « foulard islamique » et des problèmes qu’elle soulève des deux côtés de la Méditerranée.

« Le cuir chevelu comme voile islamique ultime », Ali YEDES, Oberlin College

À la rentrée scolaire 2004, une lycéenne d’origine turque de 15 ans s’est présentée à son lycée de Strasbourg le crâne rasé en réaction à l’obligation qui lui était faite par l’administration scolaire d’ôter son voile. Cet acte extrême est emblématique du fait que le voile a fini par devenir le foyer où gravitent bon nombre de paradoxes qui agitent l’islam par rapport à la modernité. Je propose de lire ce rasage de crâne tout à la fois comme le geste occidental par excellence et une déclaration d’appartenance religieuse. Ce « discours » reflète implicitement le fait que l’islam pratiqué en terre d’immigration tend à être de forme plus traditionaliste que dans le pays d’origine. Cette communication aura pour objet de déconstruire les paradoxes exhibés par cette mise à nu symbolique.

« La perception du voile en Amérique du Nord », Alek Baylee TOUMI, University of Wisconsin, Stevens-Point

Le hidjab est-il seulement un signe religieux certes ostentatoire, apparemment inoffensif, ou bien n'est-il que le cheval de Troie de l'islamisme international ? Que faire de la lutte des femmes de l'autre coté de la Méditerranée, notamment des femministes algériennes dévoilées ? Dans ma communication, j’expliquerai les différence des contextes « musulmans » avec l’Amérique du Nord. Je remonterai aux origines du voile, aux versets du Coran et montrerai que tout dépend de l’interprétation que l’on donne au texte religieux. Que celle des imams rétrogrades voire réactionnaires est questionnable à bien des égards et va à l’encontre de l’esprit même du (con)texte religieux. Enfin, que l’interprétation femministe, qui pourrait paraître étrange ou excentrique, est très proche de l’esprit de l’Islam originel qui se voulait être un message de paix.

Session III.   L’œuvre de Kama Sywor Kamanda

Présidente : Barbara KELLER, Capital University

Secrétaire : Marie-Madeleine STEY, Capital University

« Kama Sywor Kamanda ou les contes du bonheur aux accents philosophiques », Elvire MAUROUARD, Université Paris VIII

Écrivain, poète, philosophe, conteur, Kama Sywor Kamanda fait partie des magiciens du réel, ces voyants qui découvrent de mystérieuses harmonies, des rapports insoupçonnés entre la nature et l’homme. Les contes de Kamanda sont une idéalisation et une exaltation de la vie selon une logique entièrement symbolique. Quel que soit le critère retenu pour définir le conte, dimension, unité de tension dramatique, équivalence des personnages et de leurs fonctions, « Aton et l’oiseau sacré, », « La femme-serpent » et « Le génie du lac » entrent aisément dans cette catégorie. Les glissements de l’instance narrative, ou du sujet de l’énonciation, et corrélativement du destinataire, les chevauchements des différents niveaux du réel auxquels renvoient ces textes, la nature et la fonction du merveilleux paraissent poser le problème du conte moderne dans sa trajectoire écrit-oral. Dans ces trois contes distillant un bonheur certain la littérature apparaît comme une entreprise de vitalité et de santé. « Le génie du lac » célèbre les merveilles de l’eau, « Aton et l’oiseau sacré » scintille par son mystère, et « La femme-serpent » nous révèle une musique unique. Le premier charme des contes de Kama Sywor Kamanda vient de l’écriture, un nouveau type de phrases, pleine de ramifications et de doutes sur les points de vue spatial temporel et de niveau de réalité. Les lecteurs de Kamanda sont habitués aux mélanges du déterminé et de l’indéterminé, du successif et du simultané. Ces caractéristiques correspondent à une série de variations sur des techniques de retour à l’oral, une tentative de donner au texte littéraire, de façon très subtile, une dimension orale.

« L’ennui dans l’œuvre poétique de Kama Sywor Kamanda », Isabelle CATA, Grand Valley State University

L’ennui est la condition du poète qui doit vivre dans un monde où les hommes oublieux du passé détruisent les rêves. Les horizons proches, le présent monotone et cynique – double exil – rendent l’expérience humaine amère. En contemplant son monde intérieur, le poète y découvre aussi l’ennui accompagné du silence et de l’absence. Désireux d’infini et d’éternité, il souffre. La réalité grise nie l’absolu. Dès lors, les extases sexuelles et la poésie toutes deux prometteuses de transcendance sont ses seules échappées.

« Des animaux et des hommes dans Les contes du Griot », Marie-Madeleine STEY, Capital University

Le lecteur des Contes du Griot ne peut manquer d’être surpris par la profonde différence de ton et de point de vue qui imprègne les contes dont les héros sont des personnes et ceux dont les héros sont des animaux. Cette communication va tenter de recenser les éléments qui provoquent ces différences et d’en trouver les causes. On étudiera ensuite les outils que l’anthropozoologie nous fournit pour expliquer cet état de choses.

Session IV.   Les émissions de télévision francophones

Présidente : Astrid BERRIER, Université du Québec à Montréal

Secrétaire : Antoine SASSINE, Mount Royal College

« Une émission qui fait parler d’elle des deux côtés de l’Atlantique », Astrid BERRIER, Université du Québec à Montréal

Comme on le sait, Radio-Canada a acheté les droits de l’émission d’Ardisson intitulée Tout le monde en parle. Ardisson reçoit environ la modique somme de 50.000 dollars par émission faite au Québec. La communication (ou interaction verbale), le sexisme et les stéréotypes (si le temps imparti le permet) nous intéressent ici. Au plan communicatif, nous chercherons à savoir si les intentions de communication et les règles de communication établies entre les invité-es et l’animateur sont les mêmes de chaque côté de l’Atlantique. On peut dire qu’Ardisson chercherait plutôt à déstabiliser certains de ses invités (les femmes blondes en particulier) et il privilégierait la critique et l’ironie, voire la provocation (gratuite ?). L’émission au Québec chercherait plutôt à ce que tout le monde passe un bon moment, prétendrait faire connaître la personnalité non professionnelle de l’invité-e (voir l’entrevue avec Normand Brathwaite) ; elle peut réussir à émouvoir le spectateur/la spectatrice mais laisse aussi le spectateur/la spectatrice se faire sa propre opinion sur la personne invitée. Nous voulons également, au plan de la communication, comparer les modes de prises de parole, d’interruptions, les thèmes abordés par les deux animateurs et la place du désaccord. Il serait intéressant de comparer le même invité ou la même invitée interviewé-e par Ardisson et par Lepage, mais nous n’avons pas encore ce spécimen dans notre corpus (un invité comme Renaud par exemple, mais il a refusé de passer chez Ardisson).

« Les écrivains québécois à la télévision française : des stéréotypes-écrans aux écrans de l'interculturel », Maria POURCHET, Université de Metz

Sous prétexte d’un propos visant à actualiser une analyse sémio-pragmatique des émissions de télévision francophones, cette communication envisage de questionner et de rendre compte de la place de l’écrivain canadien au sein des émissions littéraires télévisées francophones. Si la télévision littéraire française (distribuée extra-muros par TV5) – et celle de Pivot doit être ici mise en exergue – , a pu ménager un espace de représentation conséquent et régulier aux écrivains canadiens, l’observation des sommaires actuels laisse apparaître un fléchissement de ce « partage »... Si d’aucun parlerait de quelque « nationalisme culturel » dommageable, le chercheur voit là l’occasion d’effectuer, à travers l’étude des identités médiatiques canadiennes, l’analyse diachronique de la nature et de l’évolution d’une forme cathodique de l’inter-culturalité et du rayonnement de la littérature de langue française : Comment, dans l’espace d’un flux télévisuel France/Canada (Québec), se joue et se réalise la francophonie des lettres ? Précisément, quelles expressions l’instance critique (journaliste de télévision) s’applique-t-elle à donner de l’actualité littéraire canadienne et québécoise ? S’agit t-il de rendre compte d’une communauté culturelle francophone ou de témoigner de particularisme d’écriture, de lecture, etc. ? Et lesquels ? S’agit-il ou non de figer la figure de l’écrivain francophone dans une représentation stéréotypée ( nous observerons les régularités, les invariants dans le traitement médiatique) ? Quels « rôles communicationnels » peut-on assigner à ces invités « exceptionnels » sur les ondes françaises et comment ceux-ci les investissent-ils effectivement ? En somme, quels discours et appréciations de la francophonie émergent-ils des occurrences télévisuelles singulières ?

« La télévision francophone ou défi de l’interculturalité », Nabil ALIOUANE, Université de Metz

La Francophonie avance, doucement mais sûrement. Après avoir été un espace langagier et culturel, puis s’être enrichie d’une dimension politique au sommet de Bamako, la Francophonie prend avec le sommet de Ouagadougou une pleine dimension économique. Notre sujet d’étude, les médias et plus précisément la télévision francophone, a pour avantage d’englober ces trois dimensions et de pointer les forces et faiblesses de ce pôle bientôt élargi au Maghreb et aux pays de l’Est. La production télévisuelle nous donne un aperçu des échanges culturels (et économiques) entre les différents pays, mais ce que nous voulons mettre en évidence ici, sont les raisons pour lesquelles il y a peu de mobilité dans les productions télévisuelles francophones. Ces raisons sont, entre autres, d’ordre linguistique (surtout le problème de l’accent), culturel et langagier (les références culturelles, le vocabulaire et les expressions), c’est aussi une question d’habitus télévisuel que nous aborderons à travers la question des formats, et la nécessaire adaptation au public visé – par exemple « 1 gars, 1 fille » qui dure 30 min au Québec contre 6 minutes (au maximum) en France. On s’aperçoit, qu’à l’inverse des produits américains dont les codes culturels sont assimilés et reçus partout, les produits francophones « voyagent mal ». Après avoir mis en exergue les raisons majeures, nous proposerons de solutions pour améliorer la tranposabilité des œuvres.

Session V.   Enseigner la francophonie en concret : exemples pratiques

Présidente : Nicole VAGET, Mount Holyoke College

Secrétaire : Rose Marie KUHN, California State University, Fresno

« La francophonie dans toutes ses couleurs », Margaret R. FÊTE, Ohio Wesleyan University

Cette intervention discutera de la collaboration entre des professeurs de français de Wesleyan Ohio, Lawrence University et Earlham College dont le but est de promouvoir l'enseignement des langues étrangères dans le Midwest. Ces professeurs travaillent sur une série de vidéos destinées aux étudiants de FLE de premier année aussi bien qu’à ceux qui suivent des cours plus avancés. Ces vidéos contiennent un ensemble d’interviews qui sont accessibles sur le site Internet d’Ohio Wesleyan University. Elles présentent des francophones des quatre coins du globe et offrent une peinture vivante des divers modes de vie, de pensée et de culture qui existent dans le monde de la francophonie.

« Enseigner la Francophonie au Japon », Raoul HOLLAND, Université Nanzan

L’intervention sera axée avant tout sur un cours de notre Faculté de Sciences Politiques comme exemple concret d’une initiation de la Francophonie. Mais on abordera bien sûr l’apport des technologies de l’information (la Toile), ainsi que des observations sur les problèmes spécifiques d’un tel cours dans le contexte nippon. Conçu pour des étudiant(e)s de la première à la quatrième années n’ayant aucune notion de la langue de Hugo, et s’échelonnant sur douze semaines, ce cours facultatif comporte trois grands volets : 1. La Francophonie géographique et politique : Un survol de la situation géographique de chaque pays ou région membre de l’O.I.F., accompagné de documents authentiques, imprimés, sonores et surtout audiovisuels. L’ensemble francophone conçu en forme de trois cercles concentriques représentant les degrés d’utilisation du français par leurs ressortissants. L’éventail des organisations internationales d’expression française et les grandes villes francophones hébergeant de nombreuses autres organisations mondiales : Paris, Genève, Bruxelles, Montréal…L’histoire des Sommets de la Francophonie : leur pays hôtes, les thèmes abordés… 2. Des mini-cours de français facile : Une initiation très sommaire au vocabulaire de base en sciences politiques et économiques et lié au contenu même du cours. 3. Des renseignements sur la civilisation française de l’Hexagone. À l’aide de documents polycopiés et audiovisuels, surtout en langue japonaise, une présentation des divers aspects de la vie quotidienne en France : famille, loisirs, système scolaire, sports…

« Les voix de l’Afrique ou comment enseigner l’Afrique sub-saharienne francophone aux étudiants anglophones », Rose Marie KUHN, California State University, Fresno

« Les voix de l’Afrique » est un « General Education Course » destiné aux étudiants de troisième et quatrième année qui préparent leur « Bachelor of Arts » à California State University Fresno aux États-Unis. Il a pour but d’initier ces étudiants aux cultures et traditions de l’Afrique subsaharienne à partir des écrits de certains écrivains africains francophones, de les encourager à explorer les liens historiques et culturels qui existent entre l’Afrique et l’Occident, et de leur faire comprendre comment ces textes révèlent la vision du monde de leurs auteurs qui ont à faire face à la fois aux traditions et cultures de leur passé et aux exigences du monde occidental contemporain. Mon intervention se propose de montrer comment les techniques de l’information peuvent faciliter la création d’un espace intellectuel unifiant dans lequel les étudiants de ce cours entreprennent une démarche critique résolument afrocentrique dans leur étude de l’Afrique postcoloniale, des disparités Nord-Sud et du choc des cultures de l’Islam et de l’Occident. J’expliquerai comment le matériel didactique que j’ai créé pour ce cours en utilisant ces techniques tente d’illustrer les œuvres des auteurs que nous discutons en classe et vise également à encourager les étudiants à remettre en cause leurs propres croyances et convictions, à entrer en dialogue avec d’autres idéologies, à respecter les divergences de vue et à prendre conscience des disparités et injustices sociales afin de travailler à les éliminer dans leur propre communauté et peut-être même dans un contexte international.

« Au Pipirite chantant de Jean Metellus : la technologie au service de la poésie et de la peinture », Nicole VAGET, Mount Holyoke College

Présentation multimédia (Digital Story Telling) créée à partir de logiciels tels que iMovie, Photoshop et SoundEdit, pour servir d’introduction à l’histoire, à la poésie et à la peinture d’Haïti. Destiné à des étudiants de deuxième année ce DVD a pour but de faire connaître Haïti en présentant des extraits du poème de Jean Metellus Au Pipirite chantant. L’utilisation parallèle d’images de peintres haïtiens facilite la compréhension du texte et du contexte sans avoir recours à la traduction. Après une introduction rapide rappelant la situation actuelle en Haïti, le narrateur du DVD lit un passage du poème qui décrit la dureté de la condition du paysan haïtien, écrasé entre l’horreur du passé et la peur de l’avenir, tandis que défilent des images empruntées à divers peintres contemporains traitant des mêmes thèmes. Couleurs, formes et sujets peints font échos aux métaphores, aux références historiques et aux mots du poète pour hurler détresse, angoisse ou extase. Ainsi, grâce aux nouvelles technologies qui permettent de produire des histoires électroniques selon la méthode dite « Digital Story Telling », il nous est possible en présentant des média différents, de juxtaposer le messages des artistes et d’en faciliter le décodage.

Mardi 28 juin     10h45 – 12h15

Session I.   La poésie et l'écriture de Kama Sywor Kamanda

Présidente : Marie-Madeleine STEY, Capital University

Secrétaire : Barbara KELLER, Capital University

« Du nouveau sur l'eau dans l'œuvre poétique de Kama Sywor Kamanda : des eaux terrestres aux inépuisables eaux de l'éternité », Barbara KELLER, Capital University

Nous avons constaté, lors de notre communication de Liège d’il y a un an, à quel point les différentes formes de l’eau figurent dans l’œuvre poétique de Kama Sywor Kamanda. Il s’agit surtout de formes naturelles – la mer, le fleuve, la rivière, l’océan, le lac, le torrent, la source, les ruisseaux, la fontaine, la rosée – ainsi que des différentes manifestations de ces phénomènes telles les vagues, les marées, les ressacs, les ondes, le courant, les cascades, les rapides, les flots et leurs parties constituantes comme l’écume et la houle. On y trouve presque aussi fréquemment les formes climatiques de l'eau : la pluie, les orages, les averses, les déluges et les cataractes, ainsi que leurs parties composantes. Une catégorie différente comprend les formes qui représentent les réactions à la condition humaine : les larmes, les pleurs, la sueur. Ayant déjà porté notre attention sur les grandes eaux, nous nous bornerons dans cette communication à une discussion des autres formes de l’eau énumérées ci-dessus, afin de montrer que l’eau permet au poète de communiquer, surtout métaphoriquement, les états et les transports de l’âme et du corps, les épreuves de la vie, la liberté autant intérieure qu’extérieure, le désespoir qui mène au néant et l’éveil de la conscience qui conduit à l’absolu.

« Écrivain et Africain », Kama Sywor KAMANDA, écrivain

Session II.   Littérature libanaise francophone

Président : Antoine SASSINE, Mount Royal College

Secrétaire : Arzu ETENSEL ILDEM, Universite d'Ankara

« L’espace vécu comme miroir mémoriel : le cas d’Amin Maalouf », Vassiliki LALAGIANNI, Université de Thessalie

L’auteur, par le biais d’une fiction toute personnelle, donne une dimension mythique au matériau historique qu’il utilise, mêlant l’individuel au collectif-national, instaurant des niveaux narratifs, selon la technique du retour en arrière. À travers les différents angles sous lesquels il approche les événements, Amin Maalouf entreprend de recomposer et d’organiser le passé récent en faisant coexister la mémoire personnelle, familiale et collective, et invente ainsi une parole romanesque en partie auto-reférentielle et en partie autobiographique, une parole qui est, également, consignée à partir des récits de l’entourage familial. Dans son « voyage » en quête de l’identité culturelle et idéologique, bien qu’il choisisse de recourir très souvent à un contexte historique, Maalouf implique des noms de lieux et des villes où il a vécu dans le passé. Son texte vient confirmer que « le lieu fait irruption en littérature de deux façons, en tant qu’idée et que forme : en tant qu’attitude, par rapport aux lieux et aux catégories de lieux que l’auteur choisit dans ses réserves sociales et spirituelles, et à partir de ses expériences personnelles, et en tant que matériaux, pour les formes auxquelles il a recours pour restituer les événements, les caractères et ses sujets » (Lutwack), ainsi le lieu d’origine impose-t-il l’horizon national de l’auteur, comme symbole et porteur d’idées, comme élément structurel dans la quête identitaire.

« L’empire ottoman dans l’œuvre d’Amin Maalouf », Arzu ETENSEL ILDEM, Université d’Ankara

Dans Origines, Botros, le grand-père d’Amin Maalouf «  se proclamait fièrement ‘citoyen ottoman’ et rêvait d’un vaste État aux nations innombrables, où tous les hommes seraient égaux, quelles que soient leur religion ou leur langue ». Malheureusement le rêve de Botros ne se réalisera pas et l’Empire ottoman disparaîtra, accompagné d’un grand « chambardement ». Que signifiait être « citoyen ottoman » pour un libanais du début du 20ème siècle ? Cette identité ottomane de son grand-père a-t-elle marqué Amin Maalouf en tant qu’écrivain ? Comment a-t-il présenté l’espace ottoman dans son œuvre ? Ce travail sera une réflexion sur les « origines » ottomanes d’Amin Maalouf.

« L’éloge de l’identité ‘composée’ chez Amin Maalouf », Antoine SASSINE, Mount Royal College

Dans une entrevue accordée à La revue du Liban en 1996, Amin Maalouf avoue qu’il « puise dans l'Histoire le matériau nécessaire pour bâtir des mythes de rencontre, de réconciliation ». Son œuvre témoigne d’une époque d’harmonie et de paix où toutes les cultures ont coexisté harmonieusement et sans affrontement. La question de l’ouverture à l’Autre ou celle du dialogue avec l’Autre occupe donc chez Maalouf une place prépondérante. Dans « les identités meurtrières » il qualifie l’identité aux multiples appartenances culturelles comme « une expérience enrichissante et féconde » et invite tout être à « assumer harmonieusement son identité composée » et à la « vivre pleinement ». D’autre part, il dénonce la « prétendue appartenance fondamentale » et les conséquences désastreuses du fanatisme ethnique ou religieux qui enfante des intégristes et sème l’intolérance, la terreur et le meurtre. Maalouf reconnaît que l’affirmation d’une identité plurielle se trouve « en butte à l’incompréhension, à la méfiance ou à l’hostilité » et reconnaît dans une entrevue récente que le monde actuel traverse une période de « régression ». Entre l’époque de l’harmonie et celle de la terreur surgit une question brûlante : comment l’humanité a-t-elle dérapé ainsi et s’est-elle transformée d’une société paisible et harmonieuse en une société militariste qui engendre des meurtriers ? Dans une telle société peut-on établir un dialogue entre un fanatique et un pacifiste ? Que fait-on quand le fanatique refuse le dialogue ? C’est cette problématique qui sera explorée et analysée afin de trouver une réponse dans l’œuvre de Maalouf.

« Silence et immigration dans Le bonheur a la queue glissante d’Abla Farhoud », Anne Marie MIRAGLIA, Université de Waterloo

Dans cette communication, je me propose d’étudier le roman Le bonheur a la queue glissante (1999) d’Abla Farhoud, dramaturge et romancière québécoise d’origine libanaise. Je m’intéresse, en particulier, à la protagoniste Dounia, et donc à la représentation de la femme libanaise (épouse, mère et grand-mère) immigrée au Québec. Je m’attarderai à la fois sur la stratégie discursive adoptée dans la transcription de l’expérience de l’immigration et sur les rapports de cette vieille femme avec son pays d’origine et avec son pays d’accueil.

Session III.   Réécriture des mythes I

Présidente : Joëlle CAUVILLE, Saint Mary’s University

Secrétaire : Metka ZUPANČIČ, University of Alabama, Tuscaloosa

« Moderne ou modernité de la mythologie : le conteur – meddaâh – et la polyphonie des voix (Serhane et Chraïbi) », Leonor MERINO GARCIA, Universidad Autónoma de Madrid

L’oralité est un trait commun aux deux romanciers marocains. Plusieurs registres linguistiques se mêlent pour représenter les niveaux de langue et de discours dans l’espace scriptural des deux récits que j’analyserai (Les enfants des rues étroites et Le passé simple). Ils sont truffés « d’éléments intrus » tels que les proverbes traduits littéralement de la langue arabe à la langue française, des mots français déformés par l’utilisateur africain. Les traductions littérales cohabitent avec un français soutenu. Parfois, ces écrivains marocains tentent de réactualiser les formes rituelles en usage dans la tradition orale en Afrique : Serhane inscrit les sources de la tradition orale marocaine grâce à l’évocation du mythe de Malkaroûn [en langue arabe : mal = argent ; kar = corne]. Voilà l’enracinement du récit dans une tradition très vive au Maroc : celle du narrateur du conte populaire – meddaâh - et celle de la Halqa dans cette histoire allégorique. Chraïbi, en pionnier, délègue la parole au mendiant dont le verbe sibyllin – sa mélopée : discours pamphlétaire - dénonce des valeurs d’un certain Maroc. L’auteur, connaisseur aussi de l’idiosyncrasie populaire, conscient de cette tradition orale, introduit – dans l’axe principal de la narration – d’autres textes qui enrichissent – avec leur enchâssure – le joyau principal : Ces discours sont, de ce fait des métarécits virtuels, des récits dans un récit, au même titre que le récit encadré ou enchassé. Ainsi, ces écrivains créent une esthétique propre : tout en assumant leur rapport génétique à la littérature française, ils s’en démarquent par le recours à la tradition orale populaire. Par leur traduction et leur transcription de l’oralité, Driss Chraïbi et Abdelhak Serhane font revivre la mémoire collective et la rechargent d’un sens nouveau. Ils créent une mythologie moderne dont les racines sont ancrées dans l’imaginaire populaire africain.

« Mythes revus et corrigés : les projets de films de Pierre Perrault entre 1961 et 1994 », Gwenn SCHEPPLER, Université de Montréal

Cinéaste et homme de lettres, co-réalisateur du film Pour la suite du monde (1963), l’un des fleurons du patrimoine cinématographique québécois, considéré comme l’auteur national du Québec par les Cahiers du Cinéma, Pierre Perrault a exploré par son « cinéma du vécu », trente ans, un Québec à la fois réel et imaginaire, entre mythes et réalités, souvent loin des préoccupations de ses contemporains. Au travers de son œuvre, on constate l’évolution de cette démarche « mythologisante », qui s’accompagne systématiquement d’une recherche de l’expérience vécue : le mythe n’est pas chez Pierre Perrault qu’un récit, il est aussi et avant tout un vécu s’accompagnant d’une pratique. Il a eu comme ambition première de rendre compte des épopées humaines, grandes ou petites, afin de bâtir une mythologie du Québec moderne au travers d’une démarche documentaire : le passage de la « modernité » dans les sociétés traditionnelles du Québec, le projet d’électrification de la Baie James, les soubresauts de la colonisation de l’Abitibi, le Mouvement Souveraineté-Association, la revendication linguistique des Acadiens francophones. Il a aussi eu comme ambition de traquer chez l’homme ordinaire sa part de mythe, de récits fondateurs : les chasses anciennes, les pêches miraculeuses, les voyages mémorables, les luttes. En me fondant sur les archives de ses projets de films (aboutis ou inachevés), dans lesquels sont formulées clairement ses intentions de départ, j’aimerais présenter les étapes ainsi que les modalités de cette démarche « mythologisante » de Pierre Perrault.

« Écrire dans la gueule du loup », Christiane MÉLANÇON, Université du Québec en Outaouais

De tout temps, l’imaginaire humain recourt à des figures anthropomorphes pour peupler les mondes littéraires. Dans cette communication, nous nous proposons d’explorer, par l’étude de différents textes littéraires faisant appel aux mythes, la place des figures anthropomorphes – du loup notamment –, dans l’imaginaire francophone, leurs formes d’expressions comme archétypes de dévoration et leurs significations nouvelles pour les contemporains. Cette recherche s’effectue en parallèle avec celle d’Ana Francine Béland, qui explore les dimensions picturales des figures anthropomorphes dans le monde francophone.

« Art, francophonie et anthropomorphisme », Ana-Francine BÉLAND, Université du Québec en Outaouais

Intéressée d’abord par les dimensions plastiques des représentations anthropomorphes dans le conte traditionnel francophone, nous poursuivons l’exploration du côté des dimensions archétypales des figures animales-humaines en étudiant leur inscription dans les mythes anciens ou modernes en littérature, mais transposés dans l’art du dessin. Cette réflexion se concrétise par une recherche de nouvelles formes picturales dans les représentations de la figure du loup. Cette recherche s’effectue en parallèle avec celle de Christiane Melançon, qui explore les figures anthropomorphes dans les littératures francophones.

Session IV.    Réalisatrices francophones et la vision documentaire

Présidente : Janis L. PALLISTER, Bowling Green State University

Secrétaire : Elizabeth LOCEY, Emporia State University

« Les passeurs : entre la fiction et la réalité, inspiré du cinéma de Groulx et de Godard », Hejer CHARF, Réalisatrice et Productrice, Nadja Productions Inc.

 

« Inch’Allah docu ? Le cinéma hybride de Yamina Benguigui », Elizabeth LOCEY, Emporia State University

Yamina Benguigui, l'auteure de documentaires tels que Mémoires d'immigrés (1997), s'est transformée en scénariste pour son premier long-métrage narratif en 2001, Inch'Allah dimanche. Reprenant bien des thèmes de Mémoires d'immigrés mais inspiré par les expériences de sa mère nouvellement arrivée en France d'Algérie, Inch'Allah dimanche met en scène l'histoire de Zouina qui vient rejoindre son mari qu'elle connaît à peine, accompagnée de sa belle-mère et de ses trois enfants. Zouina est tirée entre l'Algérie et la France, entre la modestie traditionnelle et la libération féminine française, tout comme le film est tiré entre le documentaire et la narration. Encadrement historique, photos sépias du port d'Alger, caméra tenu à la main, volonté de persuasion : les éléments sérieux apportés par les techniques documentaires sont déjoués par les bouffonneries des voisins français, les Donze. Qui aura le dessus – la tradition (chez Benguigui) du documentaire, ou la libération narrative ? L'assimilation n'est jamais évidente.

« Écrire un documentaire et le réaliser : méthode et procédés », her PELLETIER, Université Laval

Écrire un documentaire et le réaliser : méthode et procédés. Dans le cadre de cette communication, nous nous proposons, à l'aide d'un cas concret que nous avons réalisé, soit le documentaire d'art biographique Sur les pas de René Richard (2004, 52 minutes ; couleur et Noir et blanc), de montrer : l) en quoi consiste l'écriture scénaristique d'un documentaire basée sur une solide recherche ; 2) en quoi les procédés pressentis à l'étape du scénario se concrétisent au moment du tournage et du montage ; 3) et finalement en quoi les procédés choisis servent le discours du film. Dans le cas qui nous occupe, de nombreux procédés ont été utilisés : le cinéma direct, l'entrevue, le film d’archives, la reconstitution historique, les effets spéciaux (transformation de toiles de l’artiste en paysages réels), la fiction, la voix-off au ‘JE’, la voix-off du sujet (l'artiste René Richard), la photographie, la musique originale composée avec des instruments d'époque, l'emprunt au texte littéraire (La Montagne secrète de Gabrielle Roy, amie de René Richard qui lui a inspiré ce roman), etc.

« Léa Pool et le documentaire », Janis L. PALLISTER, Bowling Green State University

Depuis quelques années les cinéphiles sont attirés par les beaux films de Léa Pool, une Suisse née à Soglio en 1950, émigrée au Québec en 1978. L'attention qu'on prête à ses œuvres est pour la plupart consacrée aux films de fiction, tels que La femme de l'hôtel, Anne Trister, À corps perdu ; La demoiselle sauvage, et plus récemment à Emporte-moi, aussi bien qu'à ses films en anglais – Lost and Delirious (La Rage au cœur ; 2001) et The Blue Butterfly (2002). Pourtant, Pool a montré qu'elle s'intéresse beaucoup au documentaire, et dans ce genre elle a créé plusieurs films remarquables. Ce sera donc le but de cette étude d'exposer le contenu et la nature des docu­mentaires de Léa Pool. Ceci s'impose non seulement parce que les documentaires de Pool sont des chef-d'œuvre en eux-mêmes, mais aussi parce que ce genre s'établit comme ayant de l'avenir, après le succès inattendu (mais controversable) de Bowling for Columbine, Être ou avoir, etc. Nous essaierons de dégager ici l'importance des documentaires ou docudrames de Pool, et de suggérer leur place dans son corpus.

Mardi 28 juin     14h15 – 15h45

Session I.   Vivante, un film sur Louise Dupré

Présidente : Karen McPHERSON, University of Oregon

Projection du film et discussion avec le réalisateur Jean Pierre MASSÉ

Session II.   Le déplacement des frontières culturelles au Canada

Président : Patrick IMBERT, Université d’Ottawa

Secrétaire : Maria-Fernanda ARENTSEN, Université d’Ottawa

«Sergio Kokis ou la blessure de l’impossible retour», Maria-Fernanda ARENTSEN, Université d’Ottawa

Le déplacement caractérise la vie et les relations de notre monde globalisé. De ce fait, les pratiques culturelles ouvrent vers ce que l’on appelle la Tierce Culture, une culture nomade. La problématique du déplacement, liée à celle du chez-soi (foyer), ne peut pas être pensée sans aborder la question de la frontière. Or, un de nos défis, dans notre monde postmoderne et postcolonial, est d'apprivoiser la réalité du déplacement. La traversée de la frontière, en effet, laisse des blessures, des traces. De quelle manière les discours des romanciers représentent-ils ces blessures / cicatrices ? Nous analysons dans ce travail comment le discours de Sergio Kokis met en scène un des défis posés par la culture nomade : l’apprivoisement de la blessure de l’impossible retour au point de départ.

« Altérité et passage », Daniel CASTILLO DURANTE, Université d’Ottawa

Comment définir la frontière à partir de ce qu’elle provoque dans l’esprit et dans le corps des voyageurs que nous sommes ? C’est au niveau de sa capacité d’altération que nous comptons l’analyser afin de la mettre en relation avec autrui. À certains égards, le « front d’armée » auquel renvoie l’étymologie du mot souligne précisément la violence d’une interaction se tissant dans le franchissement et le passage. « Violence » voulant dire ici transformation de l’un et l’autre, de l’un dans l’autre, de l’un par l’autre. Tissage donc et modification à la fois de ce qui, tout au « front » de chaque limite (la mienne et celle de l’autre) nous interpelle et fait de nous des exilés ou des citoyens d’un lieu qui nous reconnaît comme ayant droit d’accès. En ce sens, la frontière serait la métaphore épistémologique des réseaux d’exclusion et d’inclusion que le processus de mondialisation des économies mettent en place souvent de manière chaotique. Réelle, imaginaire, symbolique, la frontière se déploie comme un espace dans l’espace. La temporalité qui l’anime obéit à des logiques parfois contradictoires, voire antagoniques.

« La vie comme jeu à somme nulle et sa remise en question dans la littérature et les médias au Canada », Patrick IMBERT, Université d’Ottawa

Une partie des modes de pensée de la modernité repose sur le stéréotype que la vie est un jeu à somme nulle. C’est le propre d’une conception avant tout territoriale de la vie puisque la planète à une surface limitée. On étudiera donc les manifestations de ce stéréotype et aussi sa remise en question par un nouveau stéréotype fondé sur la croyance que la vie est un jeu à somme non-nulle, dans des textes littéraires et médiatiques contemporains. Cela nous mènera à examiner la logique postmoderne et libérale ouverte sur la société du savoir et sur le tiers non exclu qui transforme les cultures des Amériques

Session III.   Facettes du métier d’écrivain : les rituels d’écriture

Présidente : Évelyne WILWERTH, écrivaine, Belgique

Secrétaire : Colette NYS-MAZURE, écrivaine, Belgique

« Écrire ici maintenant », Colette NYS-MAZURE, écrivaine, Belgique

J’écris n’importe où et n’importe quand, au crayon, à la main sur un carnet de poche, un titre de transport, une publicité qui traîne ; juste de quoi ne pas laisser filer la vision, l’idée ou la sensation ; mais ce n’est que le premier jet, reflet d’une sorte d’illumination. Lorsque je veux vraiment écrire, j’ai besoin de l’aube et du silence, d’une pièce dans laquelle je suis rigoureusement seule, d’un temps à moi, d’un ordinateur. J’imprime mes ébauches afin de relire, retravailler longuement sur papier. Il m’arrive d’écrire sous la pression d’une force incontrôlable plusieurs heures d’affilée même la nuit.

« Des rituels, comme des secrets de métier… », Nadia GHALEM, écrivaine, Canada

En parcourant de longs chemins, l’adolescent Rimbaud rythmait-il ses vers au rythme de ses pas ? Du fond de sa chambre de malade, Proust donnait-il à sa phrase son souffle d’asthmatique ? Voltaire élaborait-il ses arguments dans le brouhaha du Procope ? Est-ce dans le regard de ses chats que la romancière Colette trouvait les émotions que traduisait son fidèle Parker ? (…) Mes propres rituels ne cessent de me surprendre moi-même : d’abord, la création du chaos dans mon environnement de travail. Il y a des papiers et des livres partout. Le rangement, c’est mon rocher de Sisyphe. Autre rituel : aller voir, même quand il fait moins trente dehors, le soleil se lever derrière la montagne et traîner sur moi un petit calepin et un stylo miniature pour empêcher les mots de disparaître dans les remous de la mémoire. Mais il s’agit là du « côté caché » de mon travail, nous en reparlerons…

« Pour écrire j’ai besoin de… », Nadine LTAIF, écrivaine, Canada

Pour écrire j’ai besoin d’un cahier, et de mon stylo, qui glisse, qui dessine, plutôt qu’écrit. Je dessine d’ailleurs souvent en même temps que j’écris. Je fige le lieu de l’inspiration, que ce soit en campagne ou en ville. Assise au café, ou emmitouflée dans mon lit. Le moment privilégié est celui que je vole à mon emploi du temps chargé. Avant de commencer mes heures de bureau, celui des cours que je donnais, ou à Nadja Productions quand je travail sur un projet de film. Mais c’est surtout dans l’"anarchie" que j’écris le premier jet, car j’ai besoin de cet espace de liberté. Un espace sauvage. L’ordre et l’organisation viennent après. Lors de ma communication à Ottawa, j’évoquerai mes manies (mes pulsions créatrices) qui peuvent rester des mois à sec. Mes lectures qui sont des carburants à la création, le dessin ou griffonnage nécessaire : la fiction que j’utilise pour accompagner le réel, le journal intime, pour échapper, ou consolider mon besoin de solitude. Écriture : entre méditation, exaltation et souffrance. J’ai appris à faire confiance à ces moments d’arrêt qui m’ont longtemps parus terrifiants, mais qui sont nécessaires pour renforcer le moment de la naissance. Il y a surtout des moments déclencheurs : le déplacement, le voyage, l’isolement dans la foule…etc.

« Solitude avec chat », Évelyne WILWERTH, écrivaine, Belgique

Je pratique l’immersion totale. Donc, quand je décide de me lancer dans un roman par exemple, je tourne le dos au monde entier et je m’enferme dans mon appartement. Je peux vivre ainsi, pendant des semaines. J’écris le matin et en début d’après-midi, avec mon chat sur les cuisses. Nous sommes installés à une table bancale. Devant nous, le ciel, les oiseaux, avions, toits et chats. Puis je vais marcher dans un vaste domaine presque désert. La nuit et son travail souterrain m’aident précieusement. Je vis alors dans une autre galaxie. Ma fiction est ma réalité. À 100 %. Et je mets tout mon soin à préserver ma bulle…

Session IV.   Les petits (textes) de Nothomb et certains grands aussi !

Présidente : Frédérique CHEVILLOT, University of Denver

Secrétaire : Yves-Antoine CLEMMEN, Stetson University

« Ouverture appétissante pour faim mauvaise : des limites des petits textes de Nothomb », Frédérique CHEVILLOT, University of Denver

Ma communication a pour but d’introduire les thèmes généraux de la session – notamment les questions de « taille » relative des textes nothombiens – en faisant un rapide tour d’horizon des petits textes que nous connaissons d’Amélie Nothomb. Contes, commentaires, vignettes, nouvelles… les textes courts de l’écrivaine sont si divers qu’on ne sait quel terme générique employer. Par ailleurs, j’aimerais explorer la question de l’ouverture de ces textes courts, et les comparer aux ouvertures de certains des treize autres romans d'Amélie Nothomb (eux aussi, relativement courts pour des romans, mais certainement plus conséquents que ses nouvelles). D’autre part, la question de la « chute » ou « clôture » des textes dits courts sera également discutée. Il semblerait, en effet, que la lectrice reste quelque peu sur sa faim dans ce domaine…

« ‘Légende peut-être un peu chinoise’ : une petite histoire qui en dit long », Yves-Antoine CLEMMEN, Stetson University

Cette communication est une lecture du conte d’Amélie Nothomb intitulé « Légende peut-être un peu chinoise » visant à explorer, au-delà de l’apparente légèreté burlesque du texte, une structure que j’avais déjà remarquée dans Le sabotage amoureux. C'est-à-dire un passage dans l’évolution de l’enfant d’un monde imaginaire à un monde symbolique. À partir de là, tous les choix narratifs et langagiers du conte commencent à signifier et à faire de ce texte court un opus nothombien d’envergure où Lacan et Kristeva trouvent de longs échos.

« Le dernier Nothomb serait-il trop long ? La surprenante langueur de Biographie de la faim », Dawn CORNELIO, Université de Guelph

D’emblée Biographie de la faim est l’exception parmi les autres textes d’Amélie Nothomb : il ne porte pas la mention « roman » sur la couverture et compte quelques 252 pages, une longueur pas vue depuis Mercure, 234 pages en 1998. De même, les personnages et les endroits où ils évoluent sont aussi exceptionnels : en beauté, en amour, en plaisir, en misère, ou en maladie. Des abondances de Vanuatu et de New York, aux misères de Pékin et du Bangladesh, de la potomanie à l’anorexie, ce document autobiographique explore l’exception dans sa forme pleine en juxtaposition à sa forme vide, cette communication, par la suite, mettra en évidence les abondances et manques sur les plans personnel et global, et cherchera à tracer les liens et les découvertes qu’ils agencent.

Session V.   Les écrits professionnels – enjeux et défis

Présidente : Christiane MELANÇON, Université du Québec en Outaouais

Secrétaire : Isabelle CLERC, Université Laval

« Relation entre l’État et les citoyens : le cas des courriers administratifs en France et au Québec », Isabelle CLERC, Université Laval, et Karine COLLETTE, Université de Franche-Comté

À l’occasion de cette communication, Karine Collette, de l’Université de Franche-Comté, et Isabelle Clerc, de l’Université Laval (Québec), présenteront dans un premier temps les études menées en France et au Québec sur les courriers administratifs que l’État adresse aux citoyens. Elles expliqueront ensuite, dans une analyse comparative, ce qui de part et d’autre de l’Atlantique, accentue la dissymétrie de la relation entre l’instance énonciatrice et les usagers-récepteurs.

« La non-utilisation des instructions de travail écrites : un problème de langue ou de communication ? », France SAINT-HILAIRE et Véronique BARRET, Université Laval

À cause des nouvelles normes de qualité qui « garantissent » la traçabilité, les écrits techniques pullulent en milieu industriel. Une part importante de ces écrits techniques concernent les instructions de travail. Or une majorité des ouvriers possèderaient de faibles capacités de lecture et les instructions de travail qui leur sont fournies présenteraient plusieurs obstacles à la compréhension. Comment expliquer dès lors que des ouvriers travaillant dans l’ère de l’innovation technique arrivent à accomplir la tâche demandée et à assurer ainsi la production ? Nous postulons que pour répondre aux exigences de la production, les ouvriers en milieu manufacturier développent une littératie du travail qui leur permet de compenser leur faible niveau de lecture et la faiblesse rédactionnelle de certaines instructions de travail.

« Le protocole épistolaire – évolution temporelle et spatiale », Geneviève PATENAUDE, Université du Québec en Outaouais

Le protocole épistolaire, recueil de règles à observer dans la correspondance administrative, subit des variations notables d’une époque à l’autre et d’un pays francophone à l’autre. Notre recherche consiste à étudier, dans un premier temps, l’évolution temporelle et spatiale des protocoles épistolaires québécois, européens et autres pour mettre en relief ces variations et nous interroger sur leur signification. Nous nous intéressons ensuite aux formes de politesse, aux aspects typographiques et autres des protocoles modernes pour formuler enfin des observations sur les traits culturels des administrations et des peuples francophones qu’ils desservent.

« La rectitude politique : une forme de protection du scripteur dans les écrits administratifs ? », Georges FARID, Université du Québec en Outaouais

La rectitude politique, aussi désignée au moyen du calque « politiquement correct », est une expression moralisatrice du langage introduite aux États-Unis dans les années soixante par des universitaires et des partis de gauche dans l’intention de rectifier les préjugés de langage et de culture de l’homme blanc contre les minorités et les opprimés, c’est-à-dire, au départ, les Noirs (Afro-Américains) et les Améridiens (Américains de souche) et, par la suite, les femmes, les handicapés, les homosexuels… Les partisans et les pourfendeurs de la rectitude politique sont nombreux. Notre recherche souligne les raisons de ces dissensions et s’intéresse essentiellement, à cette étape-ci, à cerner les politiques et usages dans des écrits administratifs tout en interrogeant les retombées (positives ou négatives) dans l’observation de la rectitude politique. Des exemples concrets seront analysés.