18ème Congrès à Liège

19-27 Juin 2004

Résumés des communications
Vendredi 25 juin 2004

 

Vendredi 25 juin           09h00 – 10h30

 

Session I.        Du Zaïre au Congo : échanges culturels avec la Belgique

Présidente : Thérèse DE RAEDT, University of Utah

Secrétaire : Georges VAN DEN ABBEELE, University of California, Davis

« Identité mise en pièces : Pièce d’identité », Marie-Christine GARNEAU, University of Hawaii

Pièce d’identité, film de Mweze Ngangura, réalisateur né au Zaïre en 1950, a gagné le Grand Prix au FESPACO en 1999. À juste titre puisque toutes les questions très actuelles concernant l’identité, l’africanité, la francophonie et le post-colonialisme impliquant le Congo et la Belgique y sont mis en scène. L’objectif de cette communication sera de répertorier toutes les figures de l’échange culturel entre le Congo et la Belgique à travers ce film.

« V. Y. Mudimbe et l’incommensurable postcolonial », Georges VAN DEN ABBEELE, University of California, Davis

Je parlerai surtout des œuvres littéraires de Mudimbe (L’écart, Entre les eaux, Shaba deux, etc.) aussi bien que L’odeur du père et la problématique philosophique qu’il développe dans L’idée de l’Afrique et L’invention de l’Afrique. Il s’agira aussi de placer Mudimbe par rapport à la pensée d’Édouard Glissant et les penseurs de la créolite d’une part et d’autre part, l’école postcoloniale de Bhabha, Spivak, Said, etc. Y a-t-il une postcolonialité spécifique au contexte belge-congolais ? A poursuivre.

« Relations entre le Congo et la Belgique : amnésie ou sainte colère ? », Thérèse DE RAEDT, University of Utah

Cette présentation étudiera comment, a l’époque post-coloniale, la complexité des relations belgo-congolaises est reflétée dans des textes littéraires (en particulier ceux de Mudimbe: Shaba deux, Entre les eaux, Les Corps glorieux des mots et des êtres et celui de Jean-Claude Marlier, Congo, le septième lot), et dans des œuvres artistiques (surtout celles de Chéri Samba). La discussion examinera les représentations de la colère d’une part et de l’amnésie d’autre part.

 

Session II.       Littérature libanaise francophone I

Président : Antoine SASSINE, Collège Mont Royal

Secrétaire : Lucie LEQUIN, Université Concordia

« L’espace discontinu d’Abla Farhoud », Lucie LEQUIN, Université Concordia

Abla Farhoud est l’auteure de plusieurs pièces et de trois romans. D’origine libanaise, elle vit au Québec depuis plusieurs années. C’est le pays d’où elle écrit. Son écriture s’élabore dans le discontinu représenté entre autres par le pays meurtri, la guerre, la mort d’un être cher, la maladie, l’abandon, le mutisme, les méfaits de l’âge. Ce discontinu multiforme affecte le je de la narration et le maintient dans une indifférenciation paralysante et neutralisante. Dans cette communication, il s’agira, dans un premier temps, d’examiner certaines des formes de discontinu et des fêlures du je qui s’ensuivent. Dans un deuxième temps, seront analysées des stratégies par lesquelles certaines des protagonistes de Farhoud reprennent le fil de leur histoire, de leur soi, afin de recommencer à s’orienter pour se placer à nouveau du côté du vivre.

« La guerre démasquée à travers la voix féminine dans Sitt Marie Rose d’Etel Adnan et Coquelicot du massacre d’Évelyne Accad », Mary-Angela WILLIS, University of Rhode Island

À travers leurs œuvres, Coquelicot du Massacre et Sitt Marie Rose, Évelyne Accad et Etel Adnan réclament la voix exclue et marginalisée de la femme dans une société en train de s’éffondrer. Ces deux œuvres sont situés au Liban pendant la guerre civile qui a duré dix-sept ans, de 1975 jusqu’à 1992. Adnan et Accad thématisent la marginalisation de deux façons, en tant que femmes écrivains qui choisissent de ne pas écrire en arabe, leur langue maternelle, et en tant que femmes dont la voix est marginalisée dans une société patriarcale. La guerre symbolise cette mentalité patriarcale qui détruit non seulement les femmes mais aussi les structures sociales du pays. Néanmoins, grace à la guerre, les traditions de l’oppression sont affaiblies dans le chaos et la destruction de la société. Donc, les œuvres d’Accad et d’Adnan ont pour but de mettre fin à la voix exclue de la femme et de la pousser à se servir de la destruction afin de briser les frontières qui servent à limiter la société dans l’ensemble. Etel Adnan et Évelyne Accad ont ajouté une présence féminine à la littérature jusqu’alors dépourvue de voix de femmes. Leur contribution ne se limite pas au niveau national mais informe toute la littérature francophone. Adnan et Accad servent aussi d’exemples de femmes qui rejettent leur oppression. Elles refont leur milieu et leur situation dans la société à travers l’écriture. Elles démontrent que la femme peut exister en dehors des limites patriarcales, imposer sa propre volonté et créer une ré/vision épistémologique.

« Les symboles de l’Orient dans la poésie de Nadine Ltaif », Antoine SASSINE, Collège Mont Royal

L’Orient occupe une place centrale dans l’imaginaire de Nadine Ltaif. Précisons tout d’abord que l’Orient dans l’univers poétique de cette poète montréalaise d’origine libanaise, c’est surtout le Liban qui hante son imaginaire et lui offre une source d’inspiration et d’apaisement dans une vie déchirée par « un grand vide ». Ayant passé son enfance dans un Liban ensanglanté par une guerre meurtrière, elle vient s’installer au Canada en 1980, et commence à se sentir comme « une branche tombée / Souffrante / Encore tremblante ». Elle ressent les sentiments du déracinement et de l’exil, et ceux de « la rupture » et de « l’errance » loin de la terre maternelle. Sa poésie est alimentée par une soif authentique et toujours inassouvie de cette terre d’origine. Dans cette communication, on s’interrogera sur les significations poétiques de certains symboles qui se manifestent constamment dans la parole poétique de Ltaif. On aura donc à analyser la symbolique du désert et des figures mythiques comme Ishtar, Hécate, Agar, ou historiques comme les Phéniciens. Même la nature, ce « paysage méditerranéen divin », avec sa « poétique des ruines », ainsi que « la fidélité du soleil dans le Levant », portent pour la poète des significations « orientales » qu’il sera intéressant de découvrir. Ce jaillissement continuel de l’enfance dans le vécu quotidien s’accompagne d’images obsédantes qui viennent de loin. On verra comment l’Égypte et le Liban, respectivement pays de naissance et d’enfance de Ltaif, se transforment en des figures archétypales qui permettent à l’esprit de vivre dans un état de nomadisme imaginaire qui libère l’esprit du sentiment de l’exil, transcende le lieu réel et facilite un retour aux sources. Ainsi l’écriture poétique devient une tentative de reconstitution d’un moi déchiré par cette quête incessante d’un ailleurs oriental. Serait-ce un élan vers un nouvel enracinement?

« Le rire de l’eau ou comment se libérer de la notion d’identité », Nadine LTAIF, Montréal

 

Vendredi 25 juin           10h45 – 12h15

 

Session I.        Actualité de la littérature haïtienne-québécoise

Président : Mark ANDREWS, Vassar College

Secrétaire : Danielle DUMONTET, Johannes Gutenberg-Universität

« Pour ne plus être victime : comparaison des voix chez Gérard Étienne et Émile Ollivier », Corinne BEAUQUIS, Université Western Ontario

Les quatre écrivains qui feront l’objet de ma communication, Gérard Étienne, Émile Ollivier, Dany Laferrière et Stanley Péan, mettent en scènes des personnages qui sont marqués et travaillés par les relations de pouvoir et qui, de plus, tentent par des moyens différents d’inverser leur position de victime. J’envisage dans ce travail d’identifier et de comparer, dans quelques ouvrages de ces auteurs, la ou les voix narratives impliquées dans ces relations de pouvoir et exprimant la souffrance de la victime ou qui mettent en scènes des tactiques pour surmonter, avec succès ou non, leur position d’infériorité.

« Le Nègre crucifié de Gérard Étienne : du noir au nègre? », Judith OHLMANN, Université de Windsor

Avec l’esclavage et la colonisation, les êtres humains d’Afrique sont devenus nègres – chairs à vendre aux enchères. Ensuite les indépendances ont libéré les Noirs et ces derniers dans leur pleine souveraineté ont pris leur destin en main. C’est là que commence la tragédie, celle que nous rapportent nombreux écrivains de la littérature noire du monde entier. L’un de ces derniers, Gérard Étienne dans son Nègre crucifié, nous peint le portrait de la dégénérescence du Noir. Bien que nous basions notre étude sur l’œuvre de Gérard Étienne, des pensées d’autres auteurs, notamment ceux d’Afrique noire francophone, seront explorées afin de mieux montrer comment et pourquoi on assiste à cette trajectoire du noir au nègre et puis du nègre au noir.

« Montréal, ville exotique ? Ou d’une ville nordique dans les textes des écrivains haïtiens au Québec », Danielle DUMONTET, Johannes Gutenberg-Universität

Les textes travaillés par l’exotisme ont habitué le lecteur européen ou nord-américain à retrouver certains paysages tropicaux dans lesquels se meuvent des êtres simples et naturels vivant en harmonie avec une faune inquiétante et une flore luxuriante. Dans les textes écrits et publiés au Québec par des écrivains d’origine haïtienne, ce même lecteur se trouve cette fois confronté à une mise en exotisation d’un univers nullement exotique pour lui : en effet l’approche de la métropole québécoise dans les textes de ces romanciers haïtiens laisse présager qu’il y a une « nordification du paysage et la nature ». C’est justement cet aspect de la nordification que nous voudrions étudier dans certains textes d’Émile Ollivier et de Gérard Étienne, entre autres.

 

Session II.       La vie est un roman ou les enfances exaucées : littérature de femmes I

Présidente : Jeannine PAQUE, Université de Liège

Secrétaire : Josette GOUSSEAU, Università di Palermo

« Se (re)construire une vie : identité, altérité et intertextualité dans l’écriture de Neel Doff, Dominique Rolin, Jacqueline Harpman et Amélie Nothomb », Susan BAINBRIGGE, University of Edinburgh

Cette communication a pour but de présenter une analyse comparative des écrits autobiographiques ou autofictionnels de quatre écrivaines francophones belges. Toutes quatre font preuve d’une fascination pour l’altérité dans leur mise en scène du moi, ce qui se manifeste de façons différentes dans leurs textes. Pour certaines, la construction d’un alter ego est essentielle à leur présentation du moi et leur reconstruction d’une vie. De plus, pour toutes les quatre, l’intertextualité occupe une place importante dans leurs explorations littéraires, surtout le fait d’apporter d’autres voix à leurs textes. La présence de l’autre ou d’une altérité rend complexe les rapports de ces auteurs aux notions d’identités culturelle et nationale. Tout en tenant compte des différentes prises de position de ces quatre écrivaines, cette communication va essayer d’établir dans quelle mesure et jusqu’à quel point on pourrait dire qu’elles s’inspirent d’un héritage littéraire, géographique et/ou national dans leur manière de reconstruire la vie, d’exaucer l’enfance.

« Les personnages de l’enfance dans l’oeuvre de Caroline Lamarche », Francisca ROMERAL, Universidad de Cadiz

L’enfance n’est pas un sujet que Caroline Lamarche ait traité directement dans son œuvre. Cependant, au fil des récits et dans quelques poèmes, sa propre enfance se fraie un passage à travers l’évocation de personnages de l’environnement familial. Mais ce ne sont jamais que des personnes secondaires, des accessoires qui permettent de créer une perspective temporelle. Parfois, dans un processus de symbolisation, certains de ces personnages quittent leur lieu d’origine, n’appartiennent plus à des souvenirs concrets ; ils émergent du passé, émigrent, se déplacent maintenant dans un contexte qui n’est pas le leur, enrichis de nouvelles connotations grâce à la fiction et prennent en charge l’accomplissement de fonctions particulières.

« Le déconditionnement de la femme dans Denier du rêve de Marguerite Yourcenar (1959) », Michèle LANGFORD, Pepperdine University

Denier du rêve dans sa version de 1934 constitue pour beaucoup le premier roman véritable de Marguerite Yourcenar. Yourcenar reprendra ce texte pour une publication en 1959. Ce choix de ré-écriture indique en même temps un cheminement sur le plan personnel et le parcours de l’auteur jusqu’à cette période en tant que romancière. Les personnages féminins sur fond historique révèlent-ils les transformations d’un être ?

« Véra Feyder : se mettre en mots, se mettre au monde », Jeannine PAQUE, Université de Liège

 

Session III.     La traversée sémiotique dans l’écriture de quelques auteurs maghrébins

Présidente : Lélia YOUNG, York University

Secrétaire : Thérèse MICHEL-MANSOUR, Collège Seneca

« La Muse gnostique : l’écriture du paradoxe », Lucy Stone McNEECE, University of Connecticut

On dit souvent que les cultures du Maghreb fascinent parce qu’elles gardent des traces indélibles de traditions fort diverses, et que les empreintes de ces traversées font la richesse de leurs productions littéraires et artistiques. Pourtant, la critique (plutôt extérieure) précise que c’est la proximité à l’Europe qui a rendu possible la « traduction » d’autres patrimoines en formes modernes. Ce point de vue risque, d’une part, de méconnaître le legs berbère ou africain, et de l’autre, d’assimiler l’héritage méditerranéen à des influences compatibles avec le monde classique et judéo-chrétien. Que l’Islam ait joué un rôle majeur, soit, mais ses échos se cherchent surtout dans l’architecture, la musique et la décoration andalouse, domaines où il reste figé, à l’écart des débats politiques et religieux qui sévissent à travers le monde actuel. Mais l’Islam a laissé d’autres traces, à la fois épistémologiques et poétiques, qui elles, renvoient peut-être même plus loin, vers les traditions anciennes de la Perse, de l’Inde, et de la Chine. Elles puisent à la fois dans d’autres types d’écritures et dans d’autres types de pensée. Cette communication a pour objectif d’examiner le rapport entre l’esotérisme et l’écriture chez certains auteurs maghrébins : A. Kilito, A. Meddeb, et chez les poètes A. Laabi et T. Bekhri.

« ’Un jour pas comme les autres’ : l’écriture de l’équivoque chez Mohammed Kenzi », Anne CIRELLA-URRUTIA, Huston-Tillotson College

Mohammed Kenzi est né en 1952 en Algérie, et a ensuite grandi dans l’immigration, à Nanterre, dans la banlieue parisienne. Il travaille depuis 1983 comme aide soignant à Genève auprès des personnes âgées. […] Mohammed Kenzi, dans son œuvre autobiographique La menthe sauvage (Bouchain, 1984), nous livre les souvenirs attendris de l’enfance, où se mêlent les bruits de la guerre qui fait rage. Le départ vers la France pour rejoindre le père. Paris et son étrangeté. Nanterre, la « zone », et les bidonvilles, encore la guerre dans la communauté en formation. Mélange équivoque de repli sur soi et d’ouverture au mode de consommation français, soumission d’une mère à la fatalité de reproduction de gestes ancestraux. Crise de la famille traditionnelle faite d’affirmation grinçante d’une autorité paternelle désormais contestée. Tout est déjà là, en gestation, visible vingt ans après. […] Le recueil de poésie autobiographique de Mohammed Kenzi intitulé Temps maure offre l’image d’un moi divisé, fracturé ; un paysage double, altéré : celui de l’Algérie mêlé à des images oppressantes d’urbanisation française. Le choc des cultures auquel les Beurs sont chaque jour confrontés se situe à l’intersection des valeurs de leurs parents. […] Toute la poésie de Kenzi tourne autour d’une perte, d’une absence: la terre natale. Elle exprime le déchirement et la perte d’identité de l’exilé dans un monde d’ouvriers, pour la plupart des hommes. […] Ainsi nous verrons comment à travers son récit et sa poésie, Kenzi mêle les images d’Algérie et de son peuple à celui du paysage urbain français pour créer une écriture de l’équivoque. L’imagination du poète voyage entre deux cultures et deux mondes opposés. Aux odeurs parfumées de jasmin et aux vives couleurs rougeâtres se superposent des images ternes et grises de l’hexagone qu’est la France. […]

« La création artistique dans l’oeuvre N’zid de Malika Mokeddem », Thérèse MICHEL-MANSOUR, Collège Seneca

Nous proposons une étude investigatrice du signe « créatif » dans le roman N’zid (2001) de Malika Mokeddem. La création artistique dont jouit la protagoniste Nora, notamment le dessin et la peinture, semble jouer plus qu’un rôle d’espace refuge dans l’énonciation. Vu la prépondérance de l’auteur à utiliser la création artistique dans chacune de ses oeuvres antérieures pour véhiculer un discours occulté mais conjoint au discours sonore réprobateur sur l’Algérie meurtrie par l’intégrisme, il nous semble fructueux d’investiguer diverses instances de la création artistique et le rôle de celle-là dans l’énoncé et l’énonciation. Surtout, il faudrait souligner sa fonction discursive par rapport à certains thèmes récurrents chez l’auteur, à savoir : l’identité, la mort et l’Algérie parmi d’autres.

« La femme d’entre les lignes dans Le Parchemin de la mémoire et la notion du Migramour d’Hédi Bouraoui », Lélia YOUNG, Université York

Cette communication constitue une réflexion sur la dernière œuvre d’Hédi Bouraoui qui s’intitule La Femme d’entre les lignes et qui a été publiée aux Éditions du GREF en 2002. Le parchemin de la mémoire et le Migramour sont les sections qui partagent cette œuvre en deux. Dans ce roman, qui se veut sensuel et érotique par sa présentation, l’auteur expose une façon toute particulière de vivre son identité dans un monde où les frontières sont facilement franchissables. La femme joue un rôle primordial dans les écrits du narrateur, même absente, elle n’arrête pas d’habiter le déroulement des événements et celui de sa pensée. Dans ce travail, j’essayerai d’analyser la signification de la femme, son image, dans l’acte de création du poète au sein de plusieurs notions comme celles du manque et du mensonge de l’imaginaire. Le monde terrestre semble rejoindre le monde onirique chez Hédi Bouraoui et le mener à se demander s’il  existe un plaisir hors du texte. Dans ce livre où la mémoire, le désir et l’amour se liguent ensemble pour occuper une place essentielle l’auteur se crée une présence féminine pour susciter son œuvre, traverser l’ère moderne et vivre l’exil inhérent à la condition humaine.

 

Session IV.      Les temps de l’histoire dans la fiction postcoloniale

Présidente : Karen McPHERSON, University of Oregon

Secrétaire : Christina VANDER VORST, University of Oregon

« L’ogresse et la bête : le temps chez Zola et Mimouni », Robert VITI, Gettysburg College

Dans La Bête Humaine de Zola, le système de temps primitif s’oppose au système temporel moderne. Le chemin de fer représente ces deux systèmes, l’horaire exact faisant contraste avec les trains incontrôlés, galopants, retardataires, tout un chaos provoqué par la nature (tempête de neige) ou par la nature humaine (jalousie, meurtre, guerre). Dans ses nouvelles, Mimouni ridiculise et rejette les deux systèmes, le temps précis de la période coloniale et le chaos qui le remplace, surtout le temps chaotique du post-colonialisme. Il fait appel à un autre temps primitif, un temps meilleur et « ancestral, » un retour à un monde pré-colonial qui respecte le naturel.

« Temps mêlés : l’histoire au carrefour de l’Histoire chez Marie-Célie Agnant et Maryse Condé », Florence RAMOND-JURNEY, Gettysburg College

Dans Le Livre d’Emma et Histoire de la femme cannibale on trouve des histoires de femmes bousculées par l’Histoire – celle qui raconte les origines – et où le temps colonial s’entremêle irrémédiablement au temps postcolonial. Je propose d’analyser ces chevauchements et leur influence sur les personnages féminins. En considérant aussi les manipulations historiques et temporelles qui influencent les deux narrations, je poserai la question: quelle H/histoire se dégage de ces chevauchements incessants? S’agit-il d’une réécriture qui exhume la pluralité et l’histoire féminine, ou se trouve-t-on face à une vision « tout-monde » de l’H/histoire où les barrières spatiales et temporelles se trouvent brouillées pour ne faire qu’un?

« Dépiécer le temps apocalyptique, rythmer l’histoire : La Polka de Kossi Efoui », Christina VANDER VORST, University of Oregon

Efoui refuse l’exotisme d’un romantisme style « enfant noir », l’essentialisme de la négritude, le militantisme de l’engagement, et la stase de l’afropessimisme. C’est un refus qui s’accomplit paradoxalement par une plongée narratologique dans tous ces mouvements, et par la création d’un pastiche de ces « héritages » accumulés qui prend la forme du roman apocalyptique. Dans son récit, toute conception du temps est réduite à avant ou après « les événements » et le présent est vidé. L’impossibilité de la narration se solde par l’exploration du mouvement dans le temps : la rencontre des danses sur le continent et la migration de rythmes à travers le monde.

« Anniversaire de la fin du monde dans la littérature martiniquaise », Karen McPHERSON, University of Oregon

Chamoiseau, Confiant et Dracius ont tous écrit des textes qui associent la fin apocalyptique du monde (l’éruption de la Montagne Pelée en 1902) à un moment originaire et fondateur de la (post)histoire de ce monde. Je propose de lire ces récits de destruction et de survie à la lumière de l’idée d’Edouard Glissant d’un « discontinu dans le continu ». Je vais soutenir que cette fin du monde emblématique – en répétant la rupture à la source de l’histoire martiniquaise – opère une interrogation glissantienne des temps de l’histoire. Je considérerai aussi les causes et les effets d’une construction littéraire des histoires à la place d’une Histoire explosée.

 

Vendredi 25 juin           14h15 – 15h45

 

Session I.        Mémoire et identité dans les littératures francophones III

Président : Kanate DAHOUDA, Hobart and William Smith Colleges

Secrétaire : Joubert SATYRE, Université de Guelph

« L'écriture comme travail sur la mémoire individuelle et collective chez Gaston Miron », Yannick RESCH, Université Aix-Marseille I

 

« Le souvenir expulsé : retrouvailles et perdition dans la poésie de Tahar Ben Jelloun », Luisa PALANCIUC, écrivaine, École des Hautes Études en Sciences, Paris

La poésie, comme l’art, nous ont habitués depuis longtemps avec le pouvoir inquiétant du vide. Larges espaces vides – comme dans les villes de Monsù Desiderio ou Giorgio de Chirico, silences, distances inouïes, le noir d’une caverne, tout ceci éloigne ou déchire, nous délie brutalement de notre univers quotidien et nous fait découvrir un autre univers. Dans la poésie de Tahar Ben Jelloun quelque chose semble avoir déjà eu lieu, qui casse la marche habituelle des choses, de l’histoire. Mais ce qui s’est passé n’est pas l’irruption de l’étrange dans l’habituel, mais la corruption intérieure de ce dernier. La mort, ce grand trouble, ne vient pas de l’extérieur, mais de l’intérieur. La « leçon du spectacle » mise en scène dans La Remontée des cendres est aussi l’une de la fusion et de la confusion entre les plans; de l’intégration du poétique et du non-poétique, ou de la récupération de l’unité perdue entre l’existent et le mot. Ses histoires sont impossibles à décortiquer des apparences profanes, ce qui veut dire que le sous-texte n’existe que dans et par le texte : « 20 décembre 1988 / A Naplouse / après les blessures / la mort s’est glissée dans la douceur des mots / et le ciel a dépêché une prière / calme et sereine. » La création poétique de Tahar Ben Jelloun se distingue aussi bien par la diversité des techniques et des formules esthétiques, que par la continuelle et la substantielle modification de la nature de l’épique. Son œuvre développe les tensions de la problématique de l’altérité et les forces insinuantes ou éruptives de l’identité, la fluidité et la profondeur du discours indirect libre et les effets percutants du récit du fait nu, la discontinuité des plans ou l’évolution coursive d’une seule piste épique, de généreuses perspectives subjectives ou austères regards objectifs, omniscients. La poésie est ainsi un univers compensatoire, où le regard et la pensée se libèrent de la rigueur, et la vérité reste dans la masse des exactitudes ; la fiction continue le monde par sa nature « créative » et « révélatrice », par sa capacité à restructurer des univers signifiants. L’ouverture et la diversité de cet univers sont orientées par la force de configuration d’une vision qui met sous le même signe toute la création littéraire et l’œuvre de Tahar Ben Jelloun. Cette perspective ordonnée nous apparaît centrée sur la problématique de la mémoire et du souvenir. « Il est un pays / dit par la lueur du temps / à l’insu du souvenir. » annonce un espace de perdition et de retrouvailles, tendu et aliénant, qui se cherche désespérément. Le souvenir se camoufle sous l’apparence d’une impassible identité avec l’histoire. Sans doute, ne saurait-il être saisi qu’en prenant les apparences du connu ; immergé dans le magma uniforme du connu, le souvenir est expulsé, il libère d’une histoire lourde et douloureuse, d’un chemin où la perdition a de nombreuses voies. Le souvenir serait le médiateur avec l’histoire, et, avec ce regard archétypal qu’ont tous les conteurs nés, il sauve de l’oubli le passé et les ancêtres.

« La mémoire chez Émile Ollivier et Gérard Étienne : les figures de la nostalgie et de l’utopie », Joubert SATYRE, Université de Guelph

Émile Ollivier et Gérard Étienne sont parmi les romanciers les plus représentatifs de ceux qu’on appelle au Québec les écrivains migrants, lesquels ont tous fait l’expérience de l’exil, qu’il soit volontaire ou forcé. On comprend alors que l’un des thèmes de la littérature migrante soit la mémoire, médiation entre le pays d’accueil et le pays d’origine. La mémoire est ce qui permet d’affronter l’inconnu, puisque grâce à elle, le migrant (personnage ou écrivain) a des repères, des points d’appui qui lui servent de boussole. Mais la mémoire est aussi le lieu de la nostalgie par excellence : elle peut être le signe du refus de l’utopie, c’est-à-dire, de ce futur que rend possible l’exil. Comment les deux romanciers susmentionnés ont-ils représenté l’espace mémoriel ? Et si leurs œuvres n’étaient qu’un long exercice mémoriel toujours recommencé ? Nous nous proposons dans notre communication d’explorer quelques-unes des figures de la mémoire dans des romans d’Émile Ollivier et de Gérard Étienne, celles de la nostalgie et celles de l’utopie. Pour notre propos, nous nous baserons principalement sur les Urnes scellées (Émile Ollivier) et La Romance en do mineur de Maître Clo (Gérard Étienne).

 

Session II.       Georges Simenon ou l’intrusion de l’universel dans le fait divers

Présidente : S.Pascale VERGEREAU-DEWEY, Kutztown University

Secrétaire : Alexandre DESSINGUÉ, Universitetet i Stavanger

« Simenon et le cinéma », Sonia LEE, Trinity College

Les personnages de Simenon ont fasciné les réalisateurs les plus prestigieux du cinéma français et un nombre considérable de ses oeuvres ont été adaptées à l’écran. Les Fiançailles de Monsieur Hire, un roman que Simenon publia en 1933, a été par deux fois mis à l’écran: Panique de Julien Duvivier en 1946 et Monsieur Hire de Patrick Leconte en 1988. Dans ma présentation, je me propose d’examiner l’évolution cinématographique du personnage de Monsieur Hire ainsi que les différences et similarités qui existent entre le texte écrit et le texte filmique. A quarante ans d’intervalle, l’image que la camera nous donne de l’ambigu Monsieur Hire reflète d’une part l’évolution de la société et de l’autre l’éternelle médiocrité des mentalités.

« La polyphonie chez Simenon : une alternative à la représentation du mystère existentiel de l’être humain », Alexandre DESSINGUÉ, Universitetet i Stavanger

Terminant une thèse sur « le polypohonisme chez Georges Simenon » en me fondant sur les thèses de Bakhtine sur la polyphonie, j’essaie de mettre au point un nouveau modèle de recherche : le polyphonisme. Je tente de montrer que la polyphonie chez Simenon est pressentie à bien des niveaux différents : l’auteur, le texte (les personnages) et la réception. Ce phénomène polyphonique chez l’auteur de roman policier tente de montrer que justement l’auteur est en quête perpétuelle de « l’homme nu » et que cette quête passe par un dialogue continu qui commence avec l’acte de création, se poursuit dans le texte pour arriver au lecteur. Simenon ne détermine pas un modèle de roman policier où il est établi une vérité absolue, mais utilise ce mythe de la recherche de la vérité dans le roman policier pour créer un processus toujours en marche. De nombreux romans policiers se terminent en posant d’une manière ou d’une autre la question même de la culpabilité. « Est-ce que l’homme peut être coupable? », sachant que comme le dit Simenon, il n’est pas suffisamment « armé » pour affronter la vie.

« Simenon : le drôle de commissaire d’une France ‘raffarinesque’ disparue », S. Pascale VERGEREAU-DEWEY, Kutztown University

Auteur étonnamment prolifique et populaire, Georges Simenon qui publia sous 19 différents pseudonymes et créa le commissaire Maigret, l’homme à la pipe, est un cas rare dans l’histoire de la littérature belge et francophone. Devant le succès qui ne se dément pas de son oeuvre traduite en 28 langues et qui a donné lieu à d’innombrables adaptations à l’écran, à la scène et pour le petit écran, l’on se demande même s’il s’agit bien de littérature ou d’infra littérature. Par certains aspects : son rythme industriel, son attachement au fait divers, l’enquête policière où le style est si neutre qu’on a pu le taxer de nul, il semble que cette prodigieuse collection appartienne au sous-genre du feuilleton policier, mais de cette masse inégale se détachent de vrais petits chefs d’œuvre : Trois chambres a Manhattan, Lettre à mon juge, La Neige était sale, La Mort de belle, Les Complices, En cas de malheur, pour ne citer que quelques exemples. Les caractères qu’il crée sont rarement inoubliables, ce sont les petites gens de « la France d’en bas » d’avant la seconde guerre mondiale, une France désormais disparue ; mais il décrit admirablement comment à l’occasion d’un accident ou d’un fait divers, le personnage se décompose et comment une conscience se révèle à elle-même dans l’échec ou dans la chute. Il mêle alors à une sorte de coup d’oeil médical qui sonde les coeurs, un don de sympathie voire d’empathie qui lui fait épouser la quête de ses personnages, tâtonnant vers une vérité d’eux-mêmes qu’ils ont dû se cacher, souvent liée aux secrets de l’enfance ou du désir. La catastrophe n’est là que pour arracher les masques mal ajustés de la vie sociale et révéler l’existence dans ce qu’elle a d’anxieux et d’incertain. En fait , la racine du mal provient de la peur existentielle du destin, des autres et de soi. Nous essaierons de cerner l’originalité et l’universel chez Simenon pour qui tout être humain, et donc nous mêmes, ses lecteurs poussés a la limite, sommes tous des assassins en puissance.

 

Session III.     Sociolinguistique et variété du français

Président : Jean N. DE SURMONT, Centre de recherche Valibel

Secrétaire : Mark LOGUE, Université de Toronto, Scarborough

« La morphologisation de qui dans le français parlé en Suisse romande », Bonnie FONSECA-GREBER, Bowling Green State University

Cette communication présente les résultats d’une analyse d’un corpus de la conversation romande et démontre que le pronom relatif/interrogatif qui a développé une forme cliticisée inaccentuée qui est en voie de mophologisation en tant que préfixe flexionnel, de la même façon que certains chercheurs ont attesté en certaines variétés du français parlé pour les préfixes nominaux, c’est-à-dire, les anciens clitiques nominaux je, tu, il/elle, etc. (Fonseca-Greber, 2003a, pour la Suisse ; Auger, 1994, pour le Québec ; et Ashby, 1980, pour la France). Les tests de morphologisation sont ceux proposé par Schwegler (1990). Ce qui cliticisé inaccentué existe en parallèle avec un qui interrogatif accentué et non-cliticisé.

« Les emprunts germaniques du français de la Suisse romande », Mark LOGUE, Université de Toronto, Scarborough

En juin 2002 l’Agence universitaire de la francophonie m’a fourni les fonds nécessaires pour aller en Suisse pour faire de la recherche sur les mots d’emprunt germaniques du français de la Suisse romande. Ma recherche se composait de deux volets : un dépouillement de dictionnaires historiques suisses romands et une enquête sociolinguistique auprès de 26 Neuchâtelois. Le but de l’enquête était de déterminer la vitalité d’un certain nombre de mots germaniques du français de la Suisse romande. Dans ma communication je parlerai des résultats de la recherche. On peut observer que certains mots sont connus par à peu près tout le monde, tandis que d’autres ne sont pas connus du tout ou ne sont connus que par quelques informateurs. Cette enquête laisse entrevoir le processus de désuétude. Une conclusion à tirer est que certains de ces germanismes semblent perdre de leur vitalité et il est possible qu’ils deviennent désuets.

« Le discours épilinguistique des belgicismes », Jean N. DE SURMONT, Centre de recherche Valibel

Dans cette communication je m’intéresserai dans un premier temps aux discours épilinguistiques manifestés dans la nomenclature des belgicismes. Je montrerai que l’existence de certains termes (comme fransquillonner) marquent une distanciation vis-à-vis du français de référence. Dans un deuxième temps, j’analyserai la place des belgicismes et la variété de leur référenciation géographiques dans les marques diatopiques dans les dictionnaires de langue française contemporains. Je comparerai les divergences de traitements entre les belgicismes et les autres variétés topolectales du français.

 

Session IV.      L’altérité et ses représentations II

Présidente : Nathalie HEYNDERICKX, University of Stellenbosch

Secrétaire : Marcia PARKER, University of Wisconsin, Stevens Point

« ‘Faudrait-il le dire à vous, Étranger ?’ : l’interculturel dans Vingt Ans de Nguyên Duc Giang », Susan DIXON, Université Paris VIII et Rutgers University

En Indochine entre les deux guerres, le roman vietnamien connaît un essor spectaculaire correspondant à l’engouement des Vietnamiens pour un genre nouveau et aussi à l’alphabétisation massive facilitée par l’alphabet de caractères latins, le quoc ngu. Le lectorat francophone étant comparativement restreint, pourquoi un écrivain vietnamien choisirait-il d’écrire en français ? Le paradoxe d’un tel choix est souligné dans Vingt Ans de Nguyên Duc Giang. Publié d’abord en feuilleton de 1938 à 1939 dans la Nouvelle Revue Indochinoise et en volume en 1940 et 1942, Vingt Ans fascine par son discours multiple et le métissage de ses références culturelles. D’un côté, Hanh, le narrateur vietnamien, utilise de nombreuses références à la culture occidentale pour mieux établir sa crédibilité aux yeux du lecteur « étranger ». En même temps, dans quelques passages aussi surprenants qu’inattendus, il brise le lien créé par cette multiplication de connaissances communes avec des allusions vietnamiennes ou chinoises qu’il laisse sans explication. Surtout, les jeunes Vietnamiens aisés décrits par Hanh, aspirant au baccalauréat et inspirés par Lamartine, semblent exister en dehors de la réalité de la colonisation française, fond quasiment invisible de ce roman exubérant. Nous aborderons les références obliques à la situation coloniale en creusant l’espace entre l’absence de personnages français et la multiplication de références à la culture française. Ainsi, nous espérons démontrer comment Hanh, en fournissant des repères au lecteur présumé français pour mieux les brouiller, transgresse le pacte liant narrateur et lecteur et révèle par là son ambiguïté vis-à-vis de ce dernier, dont l’hégémonie se retrouve subitement remise en cause.

« La question de l’altérité dans des films francophones », Marcia PARKER, University of Wisconsin, Stevens Point

Des exemples de l’altérité trouvés dans des films francophones fourniront les matériaux d’une discussion sur les questions suivantes : Qui est « l’autre » (d’après ce réalisateur) ? Comment ces autres peuvent-ils aider nos étudiants à apprendre le français, à comprendre d’autres cultures, et comment peuvent-ils inviter nos étudiants à examiner le monde sous des perspectives différentes ? Une discussion des idées et des expériences en enseignant le français et des aspects culturels à travers le film sera basée sur des questions telles que 1) Quelles sortes d’activités mènent les étudiants à une discussion des perspectives différentes – de l’altérité, et comment les étudiants peuvent-ils aborder une idée d’une autre perspective ? de la perspective de « l’autre » ? 2) Quelles sortes de films attirent l’intérêt des étudiants d’aujourd’hui ? Y a-t-il des exemples clairs de l’altérité dans ces catégories ? 3) Comment peut-on trouver / choisir des films pour des étudiants qui viennent des expériences variées – des films qui comprennent l’idée de l’altérité ? Où peut-on trouver ces films ? 4) Comment peut-on profiter des documentaires aussi bien que des films commerciaux ? et des dessins animés ? Tout le monde sera invité à un échange d’idées pédagogiques afin de partager des techniques déjà utilisées en classe par les participants. Un échange animé offrira de nouvelles idées pour l’enseignement en général de la langue et de la culture à travers des films francophones, et spécifiquement pour des approches qui visent la question de l’altérité.

« L’altérité dans L’Enfant de sable et La Nuit sacrée de Tahar Ben Jelloun : une approche pédagogique », Nathalie HEYNDERICKX, University of Stellenbosch

La problématique de l’Autre et de la différence dans une société multi-raciale et multi-culturelle comme celle que l’on rencontre en Afrique du Sud intéresse beaucoup les étudiants de français à l’Université de Stellenbosch. En voulant établir, former et affirmer sa propre identité, il faut passer par l’Autre et tenter de remplir l’espace séparateur. Cet espace invite la diversité, la pluralité et une certaine communion entre le familier et l’inconnu. Tout en découvrant l’Autre, l’être se découvre aussi lui-même et devient conscient de sa propre étrangeté au monde. C’est ce phénomène d’étrangeté au monde que nous voudrions discuter en particulier. Pour nous permettre d’entrer plus dans le vif du sujet, nous nous sommes appuyés sur L’Enfant de sable et La Nuit sacrée de Tahar Ben Jelloun. Nous analyserons d’une œuvre à l’autre l’évolution et la transformation du personnage androgyne Ahmed en Zahra. Nous allons mettre en contexte les deux œuvres de Tahar Ben Jelloun dans un cours de littérature française pour des étudiants de troisième année d’études universitaires (qui ont pour la plupart commencé leurs études en première année). En s’appuyant sur la fonction de l’androgyne, nous allons tenter de mettre en rapport la quête de l’identité avec la question difficile de l’altérité.