18ème Congrès à Liège

19-27 Juin 2004

Résumés des communications
Mercredi 23 juin 2004

 

Mercredi 23 juin                          09h00 – 10h30

 

Session I.        Esclavage et / ou colonisation

Président : Raoul HOLLAND, Université Nanzan, Japon

Secrétaire : Tunda KITENGE-NGOY, Université du Botswana

« Périple(s) africain(s) ; la société coloniale dans les écrits de Simenon », Marie-Hélène K. TESSIO, Princeton University

Après Batouala en 1921 et Djouma Chien de brousse (1927), ouvrages dans lesquels Maran dénonçait l’impact désastreux du travail forcé - cet esclavage qui ne dit pas son nom - sur les populations de l’Oubangui-Chari, Gide (1927, 1928) puis Albert Londres (1929) suivi de Simenon (1932) et de Denise Moran (1934), publient à leur tour, leurs propres « pamphlets ». Il y aurait certes, beaucoup à dire sur tous ces ouvrages, mais puisque cette année est une « année Simenon », il est tout a fait acceptable de lui donner ici la primeur. Nous avons donc choisi de nous pencher sur l’image de la société coloniale telle qu’elle apparaît dans la série d’articles que Simenon écrivit pour le magazine VOILA en 1932, et plus tard la peinture de cette même société coloniale reprise dans trois de ses romans s’échelonnant entre 1933 et 1937, à savoir Le Coup de lune, 45 degré à l’ombre et Le Blanc à lunettes. Le Coup de lune, rappelons-le, lui valut un procès, et lorsqu’il voulut en 1936 repartir en Afrique, ses visas lui furent retirés. Du reportage aux romans, Simenon utilise la même genèse : son voyage en Afrique au cours de l’été 1932. Pourtant, les représentations du monde colonial qu’il donne dans le reportage et dans les romans, diffèrent. Entre les deux genres, il y eu un curieux déplacement de la satire.

« La quête du passé chez les anciens esclaves marrons aux Antilles », Tunda KITENGE-NGOY, Université du Botswana

Le thème du passé occupe dans les romans de Glissant une place prépondérante. Mais ce thème est lié aux thèmes de la terre et de l'identité. Il s'agit d'une tentative de réappropriation par la mémoire collective d'un fondement culturel authentique qui permette de reconstituer en Nation les diverses couches sociales et raciales qui constituent l'Île. De ce point de vue, la quête du passé peut être regardée comme un motif d'espérance. La remontée du temps, que ce soit dans Le Quatrième siècle ou dans Malemort, commence en 1788, c'est-à-dire à la date de la révolte des esclaves marrons pour recouvrer leur liberté. Or, l'histoire des esclaves a commencé bien avant cette date. C'est que pour Glissant, l'histoire des Antillais commence aux Antilles. D'où l'enracinement de l'histoire sur la terre et le refus de la nostalgie de l'Afrique. Mais la trace tant recherchée par les différents personnages est perdue à jamais. Impossibilité donc de remonter jusqu'au Négateur. Impossibilité de bâtir l'avenir dans cette île de la souffrance par le rassemblement autour du passé. Glissant veut montrer par là que l'idée de vouloir à tout prix ordonner le rassemblement à partir de la racine commune est dépassée dans la mesure où cette dernière a tari dans les consciences des habitants. L'analyse de ses romans va nous éclairer sur ce problème.

« Étude comparative de l’esclavage dans le roman malgache : deuxième volet », Raoul HOLLAND, Université Nanzan, Japon

Notre communication précédente avait confronté les œuvres malgaches au roman américain Mandingo et aux écrits de Nerval et de Kessel sur l'esclavage « en amont » et ses conséquences pour les victimes, tandis que cette fois nous proposons une analyse « en aval », axée plus spécifiquement sur les rapports au quotidien entre maîtres et esclaves tels que les révèlent ces mêmes ouvrages. Parmi les thèmes abordés : l'esclave comme propriété absolue du maître et tout ce qui en découle de dénigrement, de tyrannie, de sévices, de droits de cuissage et de vie ou de mort; déification du maître ; les tâches des esclaves ; ceux qui sont complices du système et ceux qui arrivent à en profiter ; refus au contraire de l'asservissement, insolences, chantages et révoltes ; les esclaves qui s'amusent; renversement des rôles entre maître et esclave.

 

Session IV.      Session II.       L’étranger dans la littérature francophone d’hier et d’aujourd’hui

Président : Yvon LE BRAS, Brigham Young University

Secrétaire : Pamela V. SING, Faculté St-Jean, Université d’Alberta

« Le Sang de l’Anglais : étrange étranger à Maurice », Anne DOUAIRE, Université Paris IV-Sorbonne

La fin des années 1960 à Maurice est marquée par l’accession de ce pays à l’indépendance, après plus de150 ans de domination anglaise, elle-même ayant succédé en 1810 à un siècle de présence française sur « l’Ile de France ». Les fils d’anciens colons français coexistent avec les « créoles » d’origine africaine ou indienne, les mulâtres, les Chinois, les Anglais et une majorité indienne. La notion d’étranger, dans une telle configuration, gagne en complexité. Le Sang de l’Anglais (1993) de Carl de Souza s’attache au personnage de Howard Hawkins, qu’il étudie par le prisme d’un narrateur franco-mauricien opposé à l’indépendance. Dans ses yeux, Hawkins est l’Autre, d’abord à cause de sa nationalité, métaphorisant le pouvoir colonial tout entier, et aussi l’étranger dans un sens camusien, indifférent au monde, tout en étant au cœur des regards et des débats.

« L’altérité : un regard sens dessus-dessous », Catalina SAGARRA, Trent University

Dans Les Douceurs du bercail, la Sénégalaise Aminata Sow Fall rend compte des multiples regards que des immigrés africains portent sur la France, terre promise d’où ils sont déportés. À travers les discours des divers personnages apparaissent les enjeux axiologiques jouant à l’encontre de l’Africain, figure menaçante à laquelle sont encore associés les paradigmes qui définissaient la figure archétypale du colonisé. Nous analyserons précisément les valeurs associées à ces paradigmes qui accompagnent la figure de l’Africain et nous les mettrons en parallèle avec celles que les Africains portent sur eux-mêmes et sur ceux qui les jugent et les stigmatisent dans leur être ontologique. La mise en discours de ces multiples regards de l’altérité, prise au sens général et d’un point de vue plus strictement africain, aboutit à une affirmation identitaire idyllique où le rejet de l’Autre devient réciproque, sans pour autant être irréversible.

« Lorsque le ‘eux’, c’est nous : le Franco-Métis étranger ‘chez lui’ », Pamela V. SING, Faculté St-Jean, Université d’Alberta

Les Métis de l'Ouest canadien sont nés de la rencontre entre l'autochtone et l'Européen. Ayant des traditions, des pratiques culturelles et une identité participant de l'héritage autochtone et de l'héritage européen, ce peuple est cependant exclu par l'une et l'autre cultures ayant contribué à définir la sienne. Or, après les « troubles » de 1885, les Métis d'ascendance française ont dû se redéfinir. L'opprobre les a contraints au silence. Entre 1912, l'année où a paru la dernière partie des mémoires de Louis Schmidt, contemporain de Louis Riel, et 1973, année de la parution de Halfbreed de Maria Campbell, on n'entend parler ni Métis ni de Métis. Depuis une décennie et demie, cependant, la voix mitchif s'est remise à s’exprimer : des textes écrits sont de plus en plus nombreux, ainsi que des enregistrements d'entrevues de Métis qui ne savent pas écrire.

« Les Autres chez Gabrielle Roy », Yvon LE BRAS, Brigham Young University

L’œuvre de Gabrielle Roy, de nature essentiellement autobiographique, est indissociable d’une réflexion sur les rapports problématiques entre soi et les autres. Dans La Détresse et l’Enchantement publié à titre posthume en 1984, cette dialectique apparaît plus clairement encore que dans ses récits antérieurs et révèle de manière explicite la genèse d’une écriture nourrie par les souvenirs de son enfance et de sa jeunesse au Manitoba dans une communauté francophone minoritaire. La quête identitaire chez Gabrielle Roy étant inextricablement liée à la prise de conscience de n’être qu’une étrangère dans son propre pays, il en résulte dans le texte une continuelle tension entre inclusion et exclusion, appartenance et éloignement. Lorsque le « je » est « autre », il ne peut s’établir entre la narratrice et l’étranger qu’une relation privilégiée, source de compréhension mutuelle et de solidarité.

 

Session III.     L’Algérie : histoire et mémoire

Présidente : Mildred MORTIMER, University of Colorado

Secrétaire : Pamela PEARS, Washington College

« Yasmina Khadra : le soldat va-t-il tuer l'écrivain? », Robert MORTIMER, Haverford College

Je propose une analyse de deux textes ; l'article de Yasmina Khadra « A ceux qui crachent dans nos larmes », paru dans Le Monde (13 mars 2001), et l'entrevue de Françoise Naudillon avec l'auteur (10 mai 2001), parue dans son livre Les Masques de Yasmina (Editions Nouvelles du Sud, 2002). La carrière du soldat peut-elle nuire à la réputation de l'écrivain qui a vécu dans un pays où on pose la question « Qui tue qui? ». En réfléchissant au rôle de l'armée nationale populaire dans l'histoire et dans l'imaginaire algérien, j'examinerai la situation difficile de ce soldat devenu écrivain dans un pays déchiré, livré « aux charognards » (Entrevue, p. 136) et « aux loups » (Khadra, A quoi rêvent les loups, Julliard 1999).

« La littérature sans nom de René-Nicolas Ehni ou ‘Quand la patrie de papa n’est pas la mienne’ », Mireille ROSELLO, Northwestern University

Le récit de René-Nicolas Ehni, Algérie roman (Denoël 2002) commence par le témoignage d'un jeune enfant qui nous parle de la guerre d'Algérie. Nous comprenons qu'il est le fils d'un soldat français et d'une femme arabe. Son père a retrouvé et épousé sa mère alors qu'il avait assassiné le propre père de celle-ci (donc le grand-père de l'enfant). Cette (ré)union apparemment impossible entre l'assassin et la fille de la victime a besoin d'un récit lui-même apparemment impossible que le narrateur, désormais exilé en Grèce, appelle un « paramythe » et dont je voudrais analyser ici les caractéristiques textuelles.

« L’Histoire (in)connue chez Assia Djebar », Pamela PEARS, Washington College

Dans son historiographie de l'Algérie, Djebar se sert d’approches diverses et multiformes. A la fois un récit des événements et un enregistrement de dialogues reconstruits et inventés, sa technique littéraire nous propose une nouvelle reconstruction du passé de l'Algérie. Deux oeuvres qui sont particulièrement intéressantes à aborder sont Le Blanc de l'Algérie (1995) et La Femme sans sépulture (2002). Ces deux textes ont comme but la lutte contre l'oubli et la remise en valeur de la mémoire. Pour le premier, il s'agit d'une mémoire polyvocale de l'Algérie à travers ses auteurs qu'elle préserve. Pour le deuxième, il s'agit d'une réévaluation de l'histoire de l'Algérie à travers l'histoire d'une guerrière disparue. Avec ces deux textes , Djebar pose les questions suivantes : comment se souvenir de l'Algérie ? Comment parler du passé de l'Algérie ? Comment construire l'histoire de l'Algérie à travers la mémoire ? Dans Imperial Leather Anne McClintock analyse de près la construction de la nation et ses impacts sur la femme postcoloniale. Dans cette communication je voudrais me servir de la théorie de McClintock et les textes de Djebar pour examiner la redéfinition de la nation.

« Mémoire collective, mémoire personnelle dans les écrits de Leïla Sebbar », Mildred MORTIMER, University of Colorado

Si la mémoire compte parmi les thèmes les plus fréquemment abordés dans la littérature francophone postcoloniale, elle réapparaît souvent dans les écrits de Leïla Sebbar. En fait, la mémoire joue un rôle fondamental dans deux textes récents, Je ne parle pas la langue de mon père, et Mes Algéries en France. Dans le premier, Sebbar explore les lacunes et silences provenant d'un dialogue entre le père et la fille lorsque le père algérien, francophone et arabophone, n'apprend pas à sa fille, Leïla, la langue de sa terre natale. Dans le deuxième, également autobiographique, Djebar puise dans la géographie personnelle, recréant ses lieux de mémoire et de rencontres. Je me propose d'examiner le rôle de la mémoire personnelle et collective dans ces deux textes.

 

Mercredi 23 juin           10h45 – 12h15

 

Session I.        L’ironie du sort académique de la littérature beur

Président : Stephen BISHOP, University of New Mexico

Secrétaire : Mohammed HIRCHI, Colorado State University

« Les nouveaux Francophones : le tiers espace des littératures allochtones de la Belgique francophone », Jean-Frédéric HENNUY, Brown University

À travers la mise en parallèle de textes écrits par des écrivains francophones issus de la seconde génération d'immigres, cette communication tentera d'analyser la manière dont ces écrivains tentent de définir et d'exprimer une identité qui leur est propre. Sont-ils toujours des étrangers? Ou se considèrent-ils Belges ? Dans ce sens, rejoignent-ils les préoccupations identitaires des écrivains francophones (Belges) ? Ne peut-on pas considérer, qu'à leur tour, ils génèrent un nouveau questionnement sur la (leur) Belgitude ?

« L’écriture des marges : la littérature ‘beur’ des femmes », Kathleen SMITH, Kalamazoo College

Le terme « la littérature beure » se réfère à l'écriture de la deuxième génération, les enfants des immigrés nord-africains en France. Mais comme Mireille Rosello a noté, l'existence d'une « culture beure » comme telle est problématique. Elle note que divers discours concourants autour de cette culture sont eux-mêmes constitutifs de l'entité que le terme « la culture beure » désigne. Donc, l'écriture de la deuxième génération met en scène l'origine même de la culture beure dont elle parle. Le mot « beur » lui-même, venant du verlan, naît d'une inversion de syllabes du vocable « arabe ». Ainsi, ce que nous pouvons appeler provisoirement la culture beure émerge des inversions des cultures françaises et maghrébines. Par conséquent, au coeur du projet d'écriture de la deuxième génération est la question d'identité. Quelle est la culture beure ? À qui appartient-elle ? Ou comme suggère Rosello : qu'est-ce qui et qui est-ce qui constitue cette culture comme objet d'étude ?

« La géographie des langues dans la littérature maghrébine », Mohammed HIRCHI, Colorado State University

La géographie des langues dans la littérature maghrébine est une source de polémique qui continue à alimenter des débats concernant la spécificité de la littérature maghrébine d'expression française. Des auteurs tels que Khatibi et Djebar se sont penchés sur cette problématique et ont offert de solides argumentations sur la pluralité des langues et des cultures. Leurs homologues arabophones se sont plutôt inclinés vers une célébration de la langue arabe et de sa capacité de traduire l'imaginaire collectif des maghrébins. Cette étude va servir de forum pour s'interroger sur la nature de la bilingue dans la reformulation de l'identité culturelle maghrébine.

« Pannes d’essences dans Panne de sens de Mouss Benia », Stephen BISHOP, University of New Mexico

Le livre Panne de sens de Mouss Benia semble présenter l'histoire devenue presque clichée après les années 90 du jeune beur (ici Jilali) qui ne peut pas s'intégrer pleinement a la société française à cause de ses origines algériennes. Mais Benia démontre que ces problèmes d'identité ont moins à voir avec des différences intégrales ou permanentes et plus à voir avec les représentations des media en France et en Algérie. En fait, au travers les expériences de Jilali, on voit que les identités essentielles des Algériens, des Français et des Beurs sont imbriquées, réactionnaires et surtout fausses et en France et en Algérie. On finit par voir qu'il y a une panne d'essences autant qu'une panne de sens en ce qui concerne ces stéréotypes.

 

Session II.       La représentation de la guerre dans la littérature francophone II

Président : Marc BENSON, Collège Militaire Royal du Canada

Secrétaire : Jean LEVASSEUR, Université Bishop’s

« Solvit saeculum : dissolution d’un empire et d’une section : La 317e Section de Pierre Schöendoerffer », Alan FARRELL, Virginia Military Institute

L’ordre officiel par lequel le quartier général français expédie la colonne Condor à la relève du poste retranché de Dien Bien Phu, début mai 1954, est un chef-d’oeuvre de la rationalité cartésienne avec ses paragraphes et sous-paragraphes ordonnés : secondo, tertio, quarto, quinto...octavo...decimo ; instructions minutieusement détaillées aux chefs de bataillons ; modalité d’exécution...premier temps...deuxième temps ; prescriptions diverses : « ...veilleront à ce que les sacs des gradés ne contiennent que le strict nécessaire... », à travers six pages dûment tapées et de format réglementaire, toutes ces graves et officieuses ministrations aboutissant à un « message » de trois mots signalant à la fois l’échec de Condor et le perte des colonies françaises d’Indochine : « Repliez-vous immédiatement ». Ironie cuisante. Dans La 317ième section par Pierre Schöendoerffer - ancien de Dien Bien Phu, romancier, cinéaste - on est témoin de la dissolution du Nord-Laos dans une fine pluie sous laquelle la « 317ième section supplétive locale » rentre le drapeau français, prête à plonger dans la brousse pour la retraite générale. S’ensuivra la dissolution de la section pourchassée par les impitoyables « fourmis » viets ; des structures de la hiérarchie militaire anéanties par la marche éreintante à travers 100 milles de jungle ; du corps d’un jeun St-cyrien rongé par la fatigue et la dysenterie ; de l’âme de ce dernier labourée par la constatation d’une réalité militaire sordide, irrésistible, écoeurante. « C’est dégueulasse, » gémit-il non moins tourmenté par une blessure mortelle que par la volonté manifestée d’un nouvel ordre du monde.

« Les palimpsestes historiques chez Assia Djebar », Muriel WALKER, Université de Guelph

Dans cette communication je voudrais mettre en lumière le travail d’excavation historique d’Assia Djebar dans L’Amour, la fantasia. Djebar, qui a une formation d’historienne, a travaillé sur des textes historiques relatifs à la conquête de l’Algérie par les Français en 1830. Ce qui m’intéresse particulièrement c’est que la majorité des textes choisis par Djebar sont tirés d’oeuvres des militaires, tels que Pélissier, Saint-Arnaud, etc. J’ai moi-même retrouvé la presque totalité de ses oeuvres et je propose de comparer ma lecture avec celle de Djebar. Assia Djebar, parfois, ne raconte pas tout ce qu’elle a lu et ses « oublis » sont en réalité des supports palimpsestueux qui n’attendent qu’à être recouverts. De plus je trouve la problématique de la perspective féminine sur la guerre particulièrement intéressante. Djebar ne cite que des oeuvres masculines, or, en comparant ma lecture du texte djebarien avec le texte source, j’ai constaté que cette vision féminine n’exclut pas une certaine vigueur guerrière et une connaissance approfondie du langage militaire. Ma conférence portera donc sur l’étude de la guerre d’Algérie à travers le double prisme du texte djebarien et du texte historique.

« La guerre dans quatre œuvres de Mohammed Dib », Amel IMALHAYÈNE, Université Paris IV-Sorbonne

La présente étude s’attache à l’analyse de la thématique de la guerre dans quatre œuvres de Mohammed Dib : Au café (Gallimard, Paris, 1955), Un été africain (Seuil, Paris, 1959), Qui se souvient de la mer (Seuil, Paris, 1962) et Le Talisman (Seuil, Paris, 1966). Publiées entre 1955 et 1966, elles reflètent une période historique précise : la guerre d’Algérie. L’écriture oscille entre un devoir de mémoire et un sentiment d’urgence qui relèvent tous deux du caractère cathartique du témoignage. Ces quatre œuvres témoignent d’une volonté littéraire : celle de transcrire l’expérience traumatisante de la guerre. Sortes d’instantanés de ces douloureuses années, elles sont le fruit d’un mouvement naturel de l’écriture qui tente de nommer ce qui la menace. Dès lors cette étude se propose d’aborder plusieurs aspects de l’écriture dibienne qui constituent ce que l’on peut appeler un « dire » de la guerre. Pourtant, si dire la guerre est le premier objet de ces œuvres, révéler les conséquences de la guerre sur l’être et son existence est leur véritable gageure. Il y a, à travers ces quatre œuvres, une tentative acharnée d’extraire de l’expérience de la guerre une réflexion essentielle sur l’être. Bien qu’écrites en temps de guerre, ces œuvres offrent une réflexion particulièrement visionnaire sur le phénomène de la violence et du passage à une nouvelle ère.

« L’empreinte de la Grande Guerre dans Cochinchine de Léon Werth », Claire KEITH, Marist College

« Léon Werth n’était pas un conformiste. [...]Le voyant partir pour l’Indochine des amiraux et gouverneurs, on pouvait [prévoir] qu’il ne ménagerait pas la colonisation plus que ne venait de le faire André Gide au Tchad et au Congo. Mais sa réalisation est encore, lue aujourd’hui où nous avons tout appris et tout vu, où nous connaissons Sartre, Fanon, Guérin et Jeanson, terrible » (Jean Lacouture, préface à la Cochinchine, de Léon Werth). Léon Werth, anti-militariste et pourtant engagé volontaire en Septembre 1914 ; vétéran et survivant de plus de mois au front, publie en 1919 son livre de guerre Clavel Soldat, qui fait scandale. Il y expose impitoyablement ses découvertes de la guerre et de son ennui, de sa laideur, du gouffre irréductible entre le poilu qui sait et le civil belliqueux de l’arrière. Lettré et artiste, il y montre aussi sa conscience et sa maîtrise de ce que l’on peut cerner, à la mesure relative du talent de ses nombreux auteurs, comme l’écriture de guerre de 14-18 : un ensemble de structures d’approches descriptives, de perceptions du temps et de l’espace physique auxquelles la plupart des témoins combattants se sont trouvé contraints malgré eux, par la singularité de l’expérience des tranchées. C’est l’empreinte de cette écriture que nous nous proposons d’étudier dans le récit Cochinchine, paru en 1926. Nous partageons le jugement de Jean Lacouture et essayerons de montrer que la force particulière de Cochinchine, son pouvoir dévastateur de persuasion et de dénonciation de la vie coloniale, naît de cette écriture de guerre que Werth a polie au front. Notre présentation analysera dans l’écriture de Cochinchine la capacité aiguisée à ressentir le purgatoire quotidien de l’Annamite colonisé ; la subtilité exquise de perception des choses, des sons et des gestes d’un monde autre ; la structure initiatrice du voyage colonial, et le regard sur l’Europe transformée sans retour ; et enfin, l’obsession de témoignages, qui font de cet Européen un contributeur authentique à la voix émergeante de la francophonie.

 

Session III.     Vices de femmes / vices de formes : écritures féminines francophones au XXIe siècle

Présidente : Cécile HANANIA, Western Washington University

Secrétaire : Evelyne LEDOUX-BEAUGRAND, Université de Montréal

« Transsexualité et vice dans Orlanda de Jacqueline Harpman. Interprétation psychanalytique du roman à partir de l’Analyse Transactionelle (AT) », José Luis ARRÁEZ LLOBREGAT, Universidad de Alicante

En 1996 Jacqueline Harpman publie Orlanda, un roman qui suit les traces d’Orlando de Virginia Woolf. La romancière et psychanalyste belge récupère dans ce récit fantastique le mythe faustien pour s’introduire dans les mystères de l’identité et de la sexualité masculine à travers une identité et une sexualité féminine. À partir de cette intrigue nous proposons de réaliser une pratique clinique du roman. Comme méthode nous utiliserons l’Analyse Transactionnelle (AT), héritière du psychanalyse freudien. Eric Berne, fondateur de cette méthode d’investigation psychologique,  conçoit trois états du JE comme des parties intégrantes de la personne ou ego ; nous analyserons ainsi la personnalité d’Orlando à partir de ses trois états fondamentaux : le PÈRE – l’ADULTE – l’ENFANT. Ceux-ci nous permettront une exploration plus précise de la personnalité d’Orlando, de ses préférences sexuelles, même de ses scandaleux vices.

« L’expression de l’érotique dans Les Nuits de Strasbourg », Anne-Marie MIRAGLIA, Université de Waterloo, Canada

Cette communication porte sur l’expression de l’érotique dans Les Nuits de Strasbourg d’Assia Djebar. La valorisation du corps féminin, l’écriture de son exil, de ses errances et de sa nature sensuelle, font des Nuits de Strasbourg un texte de provocation et de résistance à la conjoncture politique et socio-culturelle dont il est issu. Ce roman brave tous les tabous, faisant du corps féminin le lieu privilégié de la censure et de l’interdit. Dans un premier temps, la communication analysera le jeu des voix narratives et la disposition des composantes textuelles. Dans un second temps, elle privilégiera l’étude de l’absence du « je » dans les passages érotiques pour souligner le désir d’anéantissement de Thelja, la protagoniste.

« Corps ouvert, corps scellé : les corps de la mère et de la fille dans Putain de Nelly Arcan », Evelyne LEDOUX-BEAUGRAND, Université de Montréal.

Dans Putain (2001), Nelly Arcan met en scène un corps de femme ouvert à tous vents. Mais, derrière la dimension scandaleuse de la prostituée se cache un corps de femme souffrant d’une carence maternelle et cherchant dans la prostitution à combler les trous de son enveloppe corporelle. La communication analysera les relations et antithèses entre le corps prostitué de la fille et le corps endeuillé de la mère. Parallèlement, elle montrera comment le procédé d’accumulation est au principe de l’écriture du texte qui empile et juxtapose phrases et mots afin de laisser le moins d’espace possible, le moins de trous, à l’instar des sexes venant « combler » la prostituée.

« Passage à l’ennemie ou la nouvelle Dulcinée de Lydie Salvayre », Cécile HANANIA, Western Washington University

A l’origine de cette communication un constat paradoxal : l’œuvre de l’écrivaine et psychiatre Lydie Salvayre ne fait pas la part belle aux femmes. Peu représentées dans ses textes, quand elles apparaissent, c’est sous un jour peu flatteur. Loin d’être maîtresses de leur vie, un trait distingue plusieurs d’entre-elles : leur apathie et leur mutisme. Cette étude se concentrera sur cette passivité et cette absence de voix féminine, et montrera comment, en composant sur des stéréotypes, Salvayre en fait des contre-pouvoirs. Elle portera en particulier sur Passage à l’ennemie (2003), où l’auteur, lectrice de Cervantès, renvoyant à certains topoï de la littérature courtoise, met en scène une Dulcinée banlieusarde belle et muette.

 

Session IV.      Facettes du métier d’écrivain : témoignages belges

Présidente : Evelyne WILWERTH, écrivaine, Bruxelles

Secrétaire : Colette NYS-MAZURE, écrivaine, Belgique

« Parole(s) d’Amélie Nothomb », Nicole BAJULAZ FESSIER, C.U.E.F.A., Grenoble

 

« Le traitement de texte : service ou servitude ? », Patrick VIRELLES, écrivain, Belgique

 

« Peut-on assigner un écrivain à résidence ? », Colette NYS-MAZURE, écrivaine, Belgique

 

« Écrire sur commande : contrainte ou liberté ? », Evelyne WILWERTH, écrivaine, Bruxelles