18ème Congrès à Liège

19-27 Juin 2004

Résumés des communications
Mardi 22 juin 2004

 

Mardi 22 juin                          09h00 – 10h30

Session I.        Les étrangers invisibles ? L’immigration portugaise en France 

Présidente : Martine FERNANDES, University of South Florida, St. Petersburg

Secrétaire : José Alexandre CARDOSO MARQUES, Université Paris III- Sorbonne Nouvelle

« Recherches cinématographiques et audiovisuelles sur la communauté portugaise en France », José Alexandre CARDOSO MARQUES, Université Paris III- Sorbonne Nouvelle

La communication propose une réflexion sur les recherches sur tout ce qui peut exister en images et sons concernant l’immigration portugaise. Pour ma part, j’ai réalisé, depuis une douzaine d’années, une quantité d’images sur la communauté portugaise implantée en France, principalement en Région Parisienne. Les images produites par moi et d’autres demeurent une piste jusqu’à présent inexplorée qui est celle de toutes les images produites tant par des professionnels que par des amateurs sur cette immigration. Il y a là une richesse qui non seulement est laissée de côté et souvent ignorée, mais pire encore, court le risque d’être à jamais perdue.

« A Vida do Emigrante : la vie culturelle des ouvriers portugais en France dans les années 70 », Brigitte JELEN, University of California, Irvine

Entre 1962 et 1975, plus de 700.000 Portugais, paysans dans la grande majorité, ont émigré vers la France. Logés dans des bidonvilles, souvent analphabètes, fortement encadrés par l’église catholique et la police, que pouvait être la vie culturelle de ces immigrants ? Pourtant, dans les journaux portugais de l’époque, on trouve de nombreux poèmes relatant les conditions de vie en immigration ainsi que la nostalgie du pays. Mon intervention propose d’analyser ces poèmes de l’exil afin remettre en valeur la vie culturelle, ouvrière et populaire de cette génération de travailleurs invisibles.

« Les Portugais et luso-descendants en France en films : une histoire oubliée », Martine FERNANDES, University of Southern Florida, St. Petersburg

Bien qu’ils représentent la population étrangère la plus nombreuse en France, les Portugais et les luso-descendants sont absents du discours public sur l’immigration et des études francophones sur les productions culturelles des immigrés en France. Cette communication se propose de faire la lumière sur l’immigration portugaise en France et sur sa production culturelle méconnue. Je ferai le point sur la présence portugaise et présenterai de manière comparative les problèmes de construction identitaire qui se posent aux Franco-Portugais ou luso-descendants. Mon analyse s’appuiera sur des extraits de films et de documentaires, produits par et sur cette communauté ces dernières années.

 

Session II.       Enseigner la francophonie

Présidente : Rose Marie KUHN, California State University, Fresno

Secrétaire : Thierry LÉGER, Kennesaw State University

« Enseigner la littérature : pour une nouvelle approche pédagogique par le biais du transculturel », Vanessa EVERSON, University of Cape Town

Depuis les premières élections démocratiques en Afrique du Sud, la mise sur pied de la TRC (la Commission pour la Vérité et la Réconciliation) et l’adoption d’une constitution qui vise à protéger les droits de l’individu, quelles que soient son origine ethnique, sa croyance religieuse, ou son orientation sexuelle, et à faire progresser la condition de la femme et des groupes marginalisés, il s’agit en partie de mettre la société sud-africaine au défi de connaître l’Autre et, pour ce faire, de se connaître, d’où le rôle privilégié de l’enseignant. L’université du Cap accueille une population estudiantine cosmopolite dont le patrimoine culturel est extrêmement divers. La section de français de cette institution a bien sûr le but d’enseigner la langue française. Comment donc à la fois répondre aux besoins sociolinguistiques de nos apprenants et contribuer plus largement à fortifier une stabilité sociétale difficilement acquise ? C’est dans cette optique que l’analyse d’œuvres littéraires en provenance de pays autres que la France nous semble tout à fait indiquée, car celles-ci mettent en évidence des aspects religieux et sociétaux partagés par certaines populations sud-africaines, font entendre la voix de la femme, depuis longtemps éteinte dans de nombreux pays africains, et amènent l’apprenant à réfléchir sur des aspects fondamentaux de la condition humaine. Avec des illustrations pédagogiques à l’appui, notre communication proposera une approche transculturelle du récit marocain féminin au niveau d’un enseignement littéraire universitaire.

« Enseigner la culture francophone à l’aide de sa littérature : Haïti et la Caraïbe », Edith WAINWRIGHT, Nassau Community College

Cette communication présentera le livre Étude de la culture haïtienne à travers des textes choisis : manuel d’enseignement. Elle propose une approche qui a pour but d’explorer la langue et la culture d’Haïti, pays extrêmement stéréotypé qui mérite d’être vu sous un nouvel aspect plus viable sinon plus réaliste.

« Découvrir la francophonie par le biais des technologies de l’information », Fernande Ruiz QUEMOUN, Universidad de Alicante

Le contact avec la langue réelle est indispensable à l'apprentissage et les nouvelles technologies offrent un accès aux réalités linguistiques et culturelles d'aujourd'hui. Le développement et les progrès des technologies de l'information et de la communication sont devenus l'un des axes majeurs de la formation des apprenants et constituent pour l'ensemble une chance qui leur permet de diversifier leur apprentissage. En ce qui concerne l'apprentissage des langues, l'enseignant accorde une attention particulière à ces nouvelles technologies et partage deux espaces : la salle de classe et le multimédia. Il s'agit d'articuler l'apprentissage de la langue dans son contexte, de la mettre à la portée des apprenants pour qu'ils s'en approprie. La question qui nous occupe est essentielle pour comprendre la France dans sa diversité, chercher l'identité de la France dans les multiples éléments qui ont créé une certaine unité. Pour sensibiliser nos apprenants et leur assurer une vision globale du monde francophone dans la société il faut leur faire découvrir et connaître la Francophonie. Afin de renforcer la capacité de formation des élèves de FLE, il se tient dans le laboratoire de langues de la faculté de Philosophie et Lettres un espace au service de l'utilisation du multimédia. Ce système offre la possibilité aux participants de multiplier expériences et connaissances. Ma contribution se base sur une expérience personnelle avec mes élèves de la Facultad de Educación (l'équivalent d'un IUFM) Il y a donc des recherches sur Internet, d'où une découverte constante qui débouche, au mois de mars, sur l'organisation d'une Journée de la Francophonie organisée sur notre Campus.

« Les voix de l’Afrique, ou comment enseigner un cours de littérature et culture à l’aide de la télévision et des nouvelles techniques de l’information et de la communication », Rose Marie KUHN, California State University, Fresno

Cette communication présentera un cours sur les littératures, cultures et traditions de l’Afrique noire à travers une série de textes littéraires francophones. Ce cours télévisé relie en direct des étudiants qui se trouvent sur différents campus californiens. L’interaction dynamique, commencée dans la classe télévisée, continue, en dehors des heures de cours, grâce à un système de messagerie électronique auquel tous les étudiants du cours participent régulièrement.

 

Session III.     Féminisation ou parité linguistique ?

Présidente : Louise–L. LARIVIÈRE, Université Concordia et Université de Montréal

Secrétaire : Edwige KHAZNADAR, ERSS-CNRS et Université de Toulouse-Le Mirail

« Parité linguistique et féminisation linguistique : où est la différence ? », Louise –L. LARIVIÈRE, Université Concordia et Université de Montréal

La féminisation linguistique consiste à trouver des termes féminins pour toutes les appellations qui désignent les femmes et à donner à ces dernières une visibilité par l'utilisation de ces termes. La parité linguistique consiste à établir l'égalité entre les femmes et les hommes dans des textes qui traitent des unes et des autres en faisant coexister, dans ces textes, des termes féminins et masculins. Laquelle de ces deux démarches les organismes nationaux : Belgique (1994), Canada (1985, 1993), France (1986, 1999), Ontario (1994), Québec (1986, 1993) et Suisse (1990, 1991) visent-ils dans leurs politiques et leur guide respectif ? C'est à cette question que nous allons répondre en examinant les principes sur lesquels s'appuient ces organismes dans leurs guides et les titres choisis pour désigner ces guides. Nous comparerons ces résultats avec des ouvrages (thèses et monographies) de diverses autrices qui traitent de la même question.

« Du traitement inégal comme règle de fonctionnement de la langue française », Jackie SCHÖN, Université de Toulouse-Le-Mirail

En admettant que le traitement interpersonnel de type égalitaire soit un objectif sociologiquement accessible, il s'avère que l'échange langagier manifeste de régulières et notables différences entre JE et TU, entre MOI et l'AUTRE. Pour mettre en évidence les éventuelles disparités sémantiques révélatrices de ces différences, nous comparerons systématiquement des constructions verbales aux deux formes pronominales des personnes du dialogue, ainsi par exemple : je me trompe/je te trompe, je me défonce/je te défonce etc... Il conviendra de dégager les règles de fonctionnement de telles disparités et d'en tirer les conclusions qui s'imposent.

« Féminin/masculin : linguistique et avatars de l’idéologie en matière de ‘genre’ », Edwige KHAZNADAR, ERSS-CNRS et Université de Toulouse-Le Mirail

De l'opposition du féminin passif au masculin actif de l'Antiquité gréco-romaine à la « féminisation » des textes de la fin du XXe siècle, sans oublier les théories « queer » nord-américaines, la considération de l'alternance en langue du masculin et du féminin comporte des modalités innombrables, à l'œuvre dans les politiques dites de féminisation ou de désexisation, qui seront rapidement présentées. Puis un rappel du fonctionnement effectif de l'alternance en genre en français sera mis en relief par sa comparaison avec celui de l'anglais et du polonais. Enfin, l'analyse de l'usage dans quelques extraits de textes didactiques et institutionnels français contemporains - en particulier un essai sur le service social rédigé par des assistantes sociales et le projet de constitution européenne en français - cherchera à mettre en lumière les implications idéologiques qu'ils contiennent.

« Parité et féminisation linguistiques : deux poids, deux mesures », Fabienne BAIDER, Université de Chypre

Bien que le terme parité, défini comme « égalité entre des êtres, des objets de même nature », soit entré dans la langue française bien avant celui de féminisation entendu comme « Le fait de comprendre par rapport au nombre d'hommes une proportion de femmes qui va en augmentant », il n’a pris sa place, dans le mouvement féministe, que bien plus tardivement que son confrère. En effet, si l’on en juge l’expression de féminisation linguistique et de parité linguistique, la première daterait des années 70 et la deuxième des années 90. Cependant, une étude qualitative et quantitative de l’emploi effectif de ces deux termes dans la revue hebdomadaire Le Point, publiée en France, et dans le journal Le Devoir, publié au Québec, nous fait poser la question de la validité de la mise en équivalence de ces deux termes pour la période actuelle. Cette présentation mettra, en effet, en évidence les points suivants : Quelle réalité effective ces termes ont-ils décrit à l’époque où ils ont été employés dans le contexte linguistique ? Quelle réalité décrivent-ils aujourd’hui ? Quel champ lexical et sémantique recouvrent-ils ? À quelles exigences sociales et politiques doivent-ils répondre ?

 

Mardi 22 juin                          10h45 – 12h15

 

Session I.        Le cinéma francophone - rencontres de cultures II

Président : John Kristian SANAKER, Universitetet i Bergen

Secrétaire : Thomas DADDESIO, Slippery Rock University

« Altérité et universalisme en France : Bicots et nègres vos voisins de M. Hondo et Toubab Bi de M. Touré », Samba DIOP, Harvard University

Les thèmes du racisme, de l'altérité et de l'universalisme seront examinés à travers ces deux films. Il s'agira surtout de voir l'évolution et les changements de la vie africaine en France à travers le cinéma en l'espace de deux décennies, entre la sortie du film de Hondo en 1975 et celui de Touré en 1991. En fin de compte, ce sont les relations multi-séculaires entre la France et ses anciennes colonies d'Afrique qui sont examinées en profondeur par ces deux cinéastes africains.

« Le nouveau cinéma tunisien féminin est arrivé ! », Florence MARTIN, Goucher College

Le cinéma tunisien a ses lettres de noblesse depuis un certain temps déjà (avec Nouri Bouzid, Férid Boughedir, Mahmoud Ben Mahmoud parmi d'autres, et avant eux, Ridha Behi, Nacer Khemir). Mais si l'on date son âge d'or dans les années 1980 (voir Sonia Chamkhi), cet âge demeure principalement masculin. Dans cette communication, je propose de regarder comment les cinéastes tunisiennes récentes (décennies 1990 et 2000) inventent un nouveau cinéma, varié, féminin et provocateur non seulement dans le propos mais dans le langage filmique, en m'appuyant sur les films de Moufida Tlatli, Raja Amari, Nadia El Fani, en particulier.

« Marginalité et exotisme dans les films de Tony Gatlif », Thomas DADDESIO, Slippery Rock University

Né en Algérie de parents rom espagnols, résidant en France depuis les années soixante, Tony Gatlif a créé une oeuvre cinématographique consacrée à la question de la rencontre des cultures rom et occidentale au coeur de l'Europe. Ainsi, Les Princes, Latcho Drom, Mondo, Gadjo Dilo, Vengo et Swing sont des films qui présentent les différentes faces de la marginalité des Rom dans différents pays européens. Exotisme et marginalité marquent des films qui traitent de l'effort paradoxal de préserver ces traits distinctifs, d'une part, et de faire accepter ces traits dans des cultures occidentales traditionnelles qui ont tendance à les rejeter, de l'autre. Dans cette communication, nous nous pencherons sur deux films, Gadjo Dilo et Swing, où Gatlif met en scène un jeune Français qui part à la quête de la culture rom. Nous verrons que, malgré une phase au cours de laquelle le personnage semble réussir à « apprivoiser » la culture de « l'autre exotique » et où l'entente des cultures semble s'établir, il se produit dans ces films une rupture qui finit par révéler l'écart encore infranchissable entre ces cultures.

« La Bretagne – terre d’immigration ? Fatou la Malienne et Westem : être heureux loin de Paris », John Kristian SANAKER, Universitetet i Bergen

Dans cette communication, je vous propose une réflexion sur les rapports entre géographie et représentation filmique des immigrés en France. On est peut-être surpris de voir la Bretagne y figurer, en plus des très prédictibles Paris - Lyon - Marseille. Ce qui m'intéresse surtout dans les deux films en question, c'est de voir comment le régional - le « décentralisé » - est exploité comme une valeur donnant aux acteurs impliqués une aire de liberté et d'émancipation loin de Paris.

 

Session II.       La critique littéraire

Président : Gérard ÉTIENNE, écrivain, Université de Moncton

Secrétaire : Gaëtan BRULOTTE, écrivain, University of South Florida

« Écrire vers des corps inconnus : approche épistémologique de la critique théâtrale », Roger BENSKY, Georgetown University

Dans l'état actuel des choses, il y a une grande diversité d'approches en ce qui concerne la critique théâtrale : journalistique, elle verse trop souvent soit dans la critique d'humeur, inéclairante et arbitraire, soit dans une tentation de « découvreur de petits papiers » touchant à l'auteur ou aux circonstances qui entourent la création de l'oeuvre, soit dans l'auto-intronisation d'une mission parfaitement oiseuse qui voudrait gérer par un jugement de goût autorisé le flux des spectateurs dans tel ou tel lieu scénique ; universitaire, elle pourrait soit survaloriser la dimension textuelle de la représentation, soit, si elle est friande de sémiologie, verser dans des querelles d'école théoriciennes où le spectacle vu l'autre soir servirait principalement de prétexte et de faire-valoir. La communication de Roger-Daniel Bensky de Georgetown University, par ailleurs metteur en scène, critique et dramaturgiste, essaiera de mettre tout cela à plat et de mieux expliciter les processus matriciels de création théâtrale où chaque élément de la représentation à venir, à commencer par le texte de jeu lui-même, contribuera à la dynamique métamorphique d'une manifestation ludique complexe et chaque fois singulière.

« Le réalisme merveilleux des Haïtiens du Québec », Peter KLAUS, Freie Universität Berlin

La contribution des écrivains venus d'ailleurs à la littérature québécoise est un fait incontesté surtout depuis les années 1980. Un groupe d'écrivains se détache pourtant du « mainstream » des « écritures migrantes » de par l'originalité de leur approche : ce sont les écrivains haïtiens du Québec qui grâce à leur double appartenance au monde du Sud et au monde du Nord réussissent à concilier deux imaginaires et deux patrimoines culturels. Leur originalité consiste en partie au moins dans le fait qu'ils introduisent dans le monde du Nord des procédés narratifs propres au Sud, dans notre cas il s'agit surtout du phénomène du « réalisme merveilleux » cher à Jacques Stephen Alexis, procédé que des écrivains tels que Gérard Étienne et Émile Ollivier, pour ne nommer qu'eux, utilisent avec beaucoup de subtilité.

« La critique : complice ou ennemie de la littérature ? », Gaëtan BRULOTTE, écrivain, University of South Florida

On sait que la critique littéraire marque l'enseignant et le chercheur dans le domaine des lettres, mais qu'en est-il de l'écrivain dans sa pratique artistique ? Est-ce qu'un écrivain peut intégrer une théorie critique, ou même plusieurs, dans son travail de fiction ? Et inversement y a-t-il place pour la création, l'invention, l'imaginaire dans le discours critique ? La création : activité intimidée, voire figée, menacée, aliénée par la critique ? La critique : activité stérile, sclérosée et sclérosante, interdite au fantasme et à la fantaisie ? Comment ces instances peuvent-elles dialoguer ? C'est à ces simples questions que cette communication va essayer de répondre.

« Entre fiction et diction : l’incertitude du paratexte », Patrick CROWLEY, University of Cork

De nombreux écrivains contemporains ont incorporé dans leurs écrits une variété de formes littéraires de façon à souligner le lien complexe et opaque qu’entretiennent le bios et le graphe. Bien que les genres de la biographie et de l’autobiographie existent toujours, ce mouvement de la littérature contemporaine a principalement favorisé l’émergence d’une variété étonnante de textes qui échappent à la classification générique (surtout la distinction entre le roman et le récit référentiel) telle qu’elle a jusqu’alors existé dans la littérature française. En effet, ces textes, en jouant de l’antinomie entre le vrai et le faux, suscitent une problématique classificatrice qui nous rappelle que la question de « qui parle ? », continue de hanter les études génériques. Tout en étant conscient des ambiguïtés et des subversions possibles au niveau textuel, certains critiques (tels que Gérard Genette, Dominique Combe et Jean-Marie Schaeffer) proposent de situer le texte littéraire dans un cadre pragmatique et intentionnel afin de le classer au niveau générique. Ce cadre repose la distinction entre le texte comme tel et le discours (de l’auteur, de l’éditeur, des critiques, etc.) qui accompagne le texte. Cette distinction leur permet de distinguer le texte qui a une visée référentielle d’un texte de fiction. Partant de cette approche théorique nous désirons examiner ici la façon dont cette logique est troublée par la poétique paratextuelle d’Eugène Savitzkaya, où la désignation générique et la quatrième de couverture posent problème et invitent à examiner l’idée de genre au plan d’une poétique incertaine. En effet l’œuvre de Savitzkaya, et plus précisément la mention « roman » qui apparaît dans ses quatrièmes de couverture, permet de réévaluer les propositions formelles et narratologiques de Genette, Combe et Schaeffer.

 

Session III.     Mémoire et identité dans les littératures francophones I

Présidente : Luiza PALANCIUC, écrivaine, École des Hautes Études en Sciences, Paris

Secrétaire : Cecilia W. FRANCIS, Université St. Thomas

« Tensions identitaires et réconciliation dans l’écriture autobiographique de Ken Bugul », Cecilia W. FRANCIS, Université St. Thomas

 L'écriture autobiographique de Ken Bugul (Marétou M'baye) se démarque sur le plan de la stéréotypie de la femme africaine postcoloniale, associée souvent dans une littérature de témoignage, à l'instar de L'enfant noir de Camara Laye, à une image de soumission et de sérénité. Le texte identitaire fondateur de Ken Bugul, Le baobab fou, révèle au contraire qu'on ne saurait envisager le drame colonial en dehors d'une couche intimiste de l'être, porteuse de traumatisme et de blessures personnelles. Le récit participe de certaines pratiques parallèles, apanage de femmes autobiographes ayant vécu le drame de la colonisation, de Miriama Bâ à Assia Djebar, désireuses d'explorer leur devenir moins selon une réalité mimétique qu'en fonction des tensions ressenties entre le monde extérieur et une subjectivité intérieure ancrée à même le corps, les perceptions et la mémoire. C'est dire que la portée transgressive de l'autobiographie de Ken Bugul ne relève pas uniquement du contenu ouvertement scandaleux de ce récit confessionnel (la représentation du soi en tant qu'objet sexuel convoité, exilé en Belgique), mais d'une polysémie énonciative qui fait ressortir la complexité et l'étendue des épreuves de la néo-colonisation, surtout l'hybridité identitaire du sujet féminin. Motivée par la mémoire et l'oubli de même que par le croisement entre fiction et réalité, la reprise textuelle du soi chez Ken Bugul où prédomine la récursivité de la mémoire corporelle expose le tiraillement identitaire ressenti entre les valeurs traditionnelles de la vie rurale sénégalaise et celles de l'espace européen, lieu de la déperdition morale. La présente communication a pour objet d'examiner, au regard de la démarche autobiographique de Ken Bugul, les tensions suscitées par une cohabitation problématique opposant la stéréotypie de la femme noire africaine et une altérité identitaire intimiste fondée sur la conscience et le ressouvenir

« L’étrange Afrique de l’Afro-asiatique, l’Indochine du tirailleur : montages et re-constructions identitaires à travers Mémoire(s), Histoire(s) et discours social », Ibrahima WADE, The Colorado College

La francophonie demeure un espace multiple dont la composition ethno-linguistique est, pour dire le moins, une réalité organique résistante à l’exploration ou à la définition exhaustive. C’est dire qu’en ces éléments constitutifs, à savoir les peuplades francophones, il existe de nos jours une pluralité de micro-cultures dont la genèse et le bourgeonnement se trouvent toujours éclipsés par la dynamique présence des cultures à caractéristiques nationales. Par exemple, la Côte d’Ivoire ou le Sénégal constituent des pays dont le caractère national s’appréhende pour la plupart à travers les traits culturels émanant des groupes ethniques dont la composition dénote, si ce n’est des millions, au moins des centaines de milliers de membres. Or, si le francophone se définit, ne serait-ce qu’en partie, à travers son adhésion et son usage de la langue française, de par son existence et sa participation pratique aux gestes culturels dans un espace francophone déterminé, alors nous sommes loin d’avoir cerné les contours de la francophonie africaine. Car il se trouve existant dans ce complexe et vaste univers, à l’intérieur de ses interstices, des cultures « exiguës » dont la présence rappelle les empreintes indélébiles d’une osmose culturelle féconde de nature plus invraisemblable que réelle. Mais aussi, et surtout, la participation socioculturelle et économique de ces minorités au devenir des « macro-cultures » indigènes de l’Afrique de l’Ouest francophone souligne leur vitalité tout en nous rappelant les tumultes de cette histoire du continent dont la construction échappe toujours aux Africains eux-mêmes. C’est cette présence périphérique qu’exposent les auteurs comme Anne-Marie Niane et Micheline Coulibaly dans leurs œuvres respectives : L’Étrangère (1985) et Les Larmes de Cristal (2000). Ma communication a l’ambition de discuter la problématique qui sous-tend les rapports « accidentellement » féconds de la guerre, de l’exil et de la re-configuration identitaire dans le contexte des œuvres de Niane et Coulibaly mais aussi dans le cadre plus historique des mémoires de tirailleurs sénégalais qui participèrent à la guerre d’Indochine sous les coups de boutoir de la France.

« La poétique de la coolitude dans Les Rochers de poudre d’or de Nathacha Appanah-Mouriquand », Véronique BRAGARD, Université Catholique de Louvain

Il semble que la construction de l’identité mauricienne ainsi que de son histoire passe par la réécriture d’une mémoire oubliée : le passage transocéanique des coolies, ces travailleurs engagés qui ont succédé aux esclaves. Nombre de poèmes et passages de romans ont, au cours des dernières décennies, revisité les aspects traumatisants, symboliques et métaphoriques de cette traversée. Le roman de Nathacha -Appanah-Mouriquand Les Rochers de poudre d’or (Gallimard, 2003), qui vient de remporter le 9e prix RFO, s’inscrit dans cette mouvance. Il est un des premiers romans écrit par une femme mauricienne qui traite dans son entièreté de cette thématique. Notre analyse mettra en exergue l’importance de cette traversée dans l’imaginaire mauricien tout en offrant une analyse textuelle de la riche polyphonie de l’ouvrage de Nathacha-Appanah-Mouriquand.

« Émile Ollivier : les saisons de la mémoire », Kanate DAHOUDA, Hobart and William Smith Colleges

La mémoire constitue une figure essentielle des œuvres d’Émile Ollivier, où elle cristallise une riche infinité d’images : univers encombré par les tragédies du passé, espace marqué par la mort et le deuil, la mémoire est en l’occurrence donnée comme symptôme d’une crise de conscience que l’écrivain francophone éprouve le plus souvent dans un double sentiment de violence et de discordance. Cette vision sombre de son œuvre romanesque plonge le lecteur dans les dimensions d’un temps glacial qui semble menacer les frondaisons délicates de toute promesse d’avenir. Dans son roman Passages (2002), nous verrons comment l’écrivain haïtien tente de transcender cette vision négative du temps dans une transfiguration salutaire du réel. Sa recherche de transcendance n’est pas toujours immédiatement donnée. C’est un rêve qui se conquiert dans les lieux clos de la migrance et de l’histoire, contre les aspérités de l’exil, mais aussi sur toutes les formes de dérélictions sociales et idéologiques. Le lieu du roman s’organise ainsi comme une zone de tension où l’écrivain tente de retrouver un nouvel équilibre grâce à quoi il espère modifier les paramètres de sa vie, offrant ainsi à son identité problématique les promesses d'une nouvelle aurore, d’une nouvelle saison. Dans cette aventure, comment Émile Ollivier actualise-t-il le passage d’une vision mortifère de l’écriture et de l’histoire vers une conception pacifiée de la mémoire ? Voilà l’enjeu principal qui guidera notre exploration dans les saisons de la mémoire propres à son roman Passages.

 

Session IV.      Littérature et thérapie II 

Présidente : Metka ZUPANČIČ, University of Alabama, Tuscaloosa

Secrétaire : Jean WILSON, Université Sainte-Anne

« Esquisse d’une thérapie contre une mondialisation incontrôlée dans La Mort et la Folie de Ken Bugul », Kasongo M. KAPANGA, University of Richmond

La mondialisation est un sujet qui préoccupe le monde entier. Dans ce débat, l’Afrique fait attendre sa voix. Dans son roman La Folie et la Mort, la romancière sénégalaise Ken Bugul offre une analyse d’une mondialisation qui étouffe l’Afrique. La première partie exposera les théories de la mondialisation et de l’altermondialisation pour identifier le cadre utilisé par l’auteur. La deuxième sera une étude discursive de la manière dont le roman reprend cette problématique en en relevant les maux qui accablent le continent. La troisième partie examinera la nature du message que Ken Bugul propose dans ce débat.

« Thérapie-traduction - la traduction en tant que cure chez Samuel Beckett, Paul Celan, Panait Istrati et Boris Vian », Ina PFITZNER, Berlin

Le projet traducteur sert de thérapie dans plusieurs sens : 1) thérapie personnelle pour l’auteur en tant qu’individu, 2) thérapie pour l’auteur en tant que sujet artistique ainsi que pour sa création et 3) thérapie pour « guérir » le texte original, le « curer » et y « remédier ». La traduction d’un texte se propose sous des formes différentes, traduction poétique (de multiples langues chez Paul Celan), auto-traduction (des pièces et poésies dans sa langue maternelle chez Samuel Beckett) ou même pseudo-traduction (d’un roman qui constitue réellement un texte original comme chez Boris Vian).

« ‘Je suis tout bardé de sentences’ ou le rôle des aphorismes dans la transformation de soi », Jean WILSON, Université Sainte-Anne

Nous entendons montrer le rôle central que jouent les maximes et les sentences dans la transformation de soi. Il est essentiel pour qui cherche à se transformer soi-même de se donner un but à atteindre et de s’astreindre à un régime de vie bien particulier. Dans ce genre de démarche, il n’est donc pas inutile d’avoir toujours à l’esprit des principes fondamentaux, extrêmement clairs, formulables en quelques mots. Ces fragments de paroles ont un double rôle : orienter la démarche et prévenir les déraillements. Ils dirigent et protègent. On saurait donc, à la rigueur, pouvoir « se barder » de sentences.

 

Mardi 22 juin                          14h15 – 15h45

 

Session I.        Identités au pluriel

Présidente : Marjorie SALVODON, Suffolk University

Secrétaire : Nina HELLERSTEIN, University of Georgia

« Francophonie maghrébine, juive, féminine : les autobiographies de Cixous et d’Halimi », Nina HELLERSTEIN, University of Georgia

Dans deux textes récents, Les Rêveries de la femme sauvage (2000) et Fritna (1999), Hélène Cixous et Gisèle Halimi reviennent à l’époque formatrice de leur jeunesse dans le Maghreb algérien et tunisien d’avant les guerres coloniales. Dans leur personnalité, leur situation familiale et la nature de leur activité professionnelle, ces deux femmes sont très différentes ; pourtant, leur origine commune dans la culture juive maghrébine se reflète de plusieurs façons semblables dans leurs choix existentiels. Les traits historiques et culturels majeurs qui caractérisent les communautés juives maghrébines se retrouvent dans l’histoire personnelle des deux femmes. Parmi le mélange d’influences culturelles et religieuses qui caractérise leur milieu familial, elles choisissent l’éducation, la langue et les valeurs françaises comme des instruments de libération. Elles suivent donc la voie générale des Juifs maghrébins à l’époque moderne : beaucoup plus proches du mode de vie musulman qu’ils partagent depuis des siècles, les Juifs ont reçu une nouvelle idéntité « européanisée » par la conquête française. Cette classification arbitraire leur ouvre la voie à une identification avec la France et ses valeurs, au prix d’une séparation d’avec leurs origines qui se révèle définitive lorsque la plupart des Juifs choisissent de venir en France après la victoire des Tunisiens et des Algériens dans leurs guerres de libération. L’éducation française offre des moyens privilégiés pour s’affranchir des limitations qui caractérisent la vie d’une Juive maghrébine à l’époque : pour Halimi, c’est le droit français, système démocratique qu’elle utilise pour lutter contre l’inégalité économique et sexuelle. Pour Cixous, la langue et la littérature, française et internationale, sont un domaine supérieur qui permet de dépasser les définitions trop étroites de l’être. Les deux ouvrages dont il est question ne sont pas des autobiographies dans le sens classique. Ce sont plutôt les récits d’un sentiment intense de manque : dans le cas d’Halimi, c’est l’absence d’amour de sa mère, la « Fritna » du titre, qui déclenche l’effort de créer un rapport avec elle après sa mort, à travers l’écriture. Cixous écrit son livre pour chercher le rapport intime avec l’Algérie authentique que sa situation culturelle incertaine l’avait empêchée d’atteindre pendant son enfance. La condition ambiguë de la Juive maghrébine est à la fois la source de ces sentiments d’exil personnel et culturel, et  l’inspiration à l’écriture qui cherche à le combler.

« Garçon ? Fille ? Française ? Algérienne ? Les frontières de l’identité dans Garçon manqué », Marjorie SALVODON, Suffolk University

Les quatre « problèmes » évoqués par l’écrivain dans son roman nous mènent à regarder de près la convergence de diverses identités. Que signifie une telle convergence ?  En quoi est-ce que cette remise en question des catégories identitaires représente une nouvelle manière de penser les différences de genre, de sexualité, et de culture dans la littérature francophone ? Par quel biais est-ce que le texte délimite ses frontières identitaires, par quelles figures de rhéthorique évoque-t-il les identités qui se heurtent sans tout de même se détruire ? Les frontières à franchir, les limites à dépasser, l’écriture dans Garçon manqué permet aux lectrices/lecteurs de mieux voir les nouveaux jalons posés sur ce parcours littéraire.

« Moi et l’autre dans le chant traditionnel », Samira BELYAZID, Université de Moncton

 

 

Session II.       La représentation de la guerre dans la littérature francophone I

Président : Marc BENSON, Collège Militaire Royal du Canada

Secrétaire : Jean LEVASSEUR, Université Bishop’s

« La guerre dans Ostinato et Un malade en forêt de Louis-René des Forêts », François-Xavier EYGUN, Université Mont Saint-Vincent

Cette présentation cherchera, à travers les deux textes mentionnés plus haut de Louis-René des Forêts, en quoi cette expérience de la guerre est si particulière quand elle est traitée par un auteur comme des Forêts. Celui-ci en effet a vécu tout ce qu’ont vécu beaucoup de Français de sa génération : la drôle de guerre, la résistance et finalement la Libération qui laissera malgré tout un goût amer après l’espoir qu’avait engendré ces années de combat clandestin. Dans Ostinato publié en 1997, des Forêts revient à travers la prisme du souvenir sur cette époque alors qu’Un malade en forêt est plus le récit de cette vie clandestine de résistant. Ce que nous a laissé des Forêts, c’est beaucoup plus qu’un témoignage, c’est une oeuvre d’écrivain où la guerre n’est qu’un des matériau d’une vie où tout ne fut qu’écriture.

« La Femme douloureuse et Le Soldat amoureux ou les dualités du sujet en guerre », Anne-Marie PICARD-DRILLIEN, American University of Paris

 

« La littérature québécoise et la Guerre de Sécession américaine », Jean LEVASSEUR, Université Bishop’s

La littérature canadienne-française ne s’enorgueillit que de quelques très rares ouvrages (3) traitant de la guerre de Sécession américaine. Un seul, Un revenant de Rémi Tremblay (1884), comporte des éléments autobiographiques. En 1864 en effet, l’auteur, un jeune homme de 16 ans, s’engageait illégalement dans l’armée de Lincoln afin de vivre la dernière des guerres romantiques ; dix-huit mois plus tard au terme du conflit et de six mois d’emprisonnement dans l’une des plus terribles des prisons sudistes, il désertait l’armée américaine et revenait au pays. L’objectif de cette intervention est d’examiner la vision personnelle de l’auteur face à cette guerre, en relation avec d’autres textes, américains, écrits également dans la dernière portion du XIXe siècle.

« Trois romans de guerre québécois », Marc BENSON, Collège Militaire Royal du Canada

Nous nous proposons de regarder à la loupe les quelques romans québécois écrits par des anciens combattants (Neuf jours de haine, Les Canadiens errants, Deux portes...une adresse) afin d’y voir comment ils traitent de la question de la réinsertion dans la société civile du soldat revenu du front. Quelles sont tout d’abord ses attentes lorsque nous le voyons au champ de bataille, dans le feu de l’action ? Quelle est sa vision du monde qui l’attend dans l’après-guerre ? Comment ensuite ce rêve se heurte-t-il à la réalité d’un retour décevant ? Comment l’ex-soldat tente-t-il de s’adapter à une société qui ne veux pas de lui... de renouer des liens avec amis et famille ? On verra comment les personnages de ces romans témoignent du désarroi qui caractérise la société québécoise d’après-guerre et qui annonce les changements profonds qui la bouleverseront dix ans plus tard, lors d’un combat d’une autre sorte, une révolution dite « tranquille ».

 

Session III.     Femmes, littérature et constructions identitaires I

Présidente : Nora COTTILLE-FOLEY, Georgia Institute of Technology

Secrétaire : Sabine LOUCIF, Hofstra University

« La traversée du genre dans Ouvrez de Nathalie Sarraute », Dominique BOURQUE, Université d’Ottawa

Nathalie Sarraute a lu attentivement l'oeuvre de Virginia Woolf, dont l'influence est perceptible tout particulièrement dans la place de plus en plus centrale qu'elle accorde aux voix intérieures (sous-conversations). Ce sont d'ailleurs ces voix qui constituent le sujet dans les romans sarrautiens, qui lui donnent sa subjectivité. Dans cette communication, je me propose d'analyser le remplacement définitif des personnages traditionnels (avec un nom, un visage, un emploi, etc.) par des mots-protagonistes, qu'opère Nathalie Sarraute dans Ouvrez, comme une dissolution du « genre » en tant qu'il érige un «  Autre. Très différent », une frontière entre les êtres.

« Les rapports mère-fille dans L’Obéissance de Suzanne Jacob », Nicole COTÉ, Université de Regina

Je me propose d’étudier les complexes rapports mère-fille dans L’Obéissance (de Suzanne Jacob) qui vont mener la mère, Florence, à pousser sa fille au suicide. Comme l’affirme Lori Saint-Martin, « les déterminismes psychiques et sociaux » de l’acte de la mère y « sont longuement examinés, […] son crime [étant] à la fois l’expression extrême de la haine de soi et de l’autre, et l’aboutissement tragique d’un amour entravé que toute la culture a empêché d’éclore » (Le Nom de la mère. Mère, fille et écriture dans la littérature québécoise au feminin. Québec, Nota Bene, 1999:89). Le récit de cette relation, épicentre du roman, est enrichi des réflexions de Julie sur la question, obsessive pour elle, de l’omniprésence de la violence, et du récit de Marie, son amie et l’avocate de Florence. Chacun de ces personnages pose des choix qui répondent à une logique en grande partie déterminée par ses propres rapports avec sa mère. Si, comme Lori Saint-Martin le montre au sujet de ce roman et de la littérature québécoise « la subjectivité maternelle, longtemps occultée, ne peut surgir que dans la violence » (op. cit., p. 100), cette même violence, remise en contexte, révèle un engrenage sociétal dont les nombreux mécanismes sont si réglés que chacune des particulières relations mère-fille dans ce roman peut ressembler, par l’inexorabilité de sa trajectoire, à une tragédie grecque. J’aimerais analyser cet engrenage pour dévoiler l’admirable compassion et l’infinie finesse de Jacob, qui permet de montrer que les bourreaux, dans ce cas, ont toujours déjà été des victimes.

« La femme écrivain dans Amours sauvages de Calixthe Beyala », Gloria ONYEOZIRI, Université de la Colombie Britannique

Dans Amours sauvages, Eve-Marie, en passant par une gamme de professions reflétant à la fois son oppression et sa débrouillardise de femme africaine (prostituée, maquerelle, épouse de poète, cuisinière) se met à écrire un manuscrit qui, à la fin du récit, sera rejeté par l'éditeur à qui elle l'a envoyé. Cette image de la femme africaine qui veut écrire se détache d'un arrière-fond qui présente plusieurs stéréotypes de l'écrivain-homme : l'homme noir qui se croit plus féru en français que l'Académie française et qui se moque d'Eve-Marie dans ses tentatives d'écriture ; le mari blanc Pléthore qui se veut poète et qui se montre inutile en ce qui concerne la vie pratique. Nous cherchons à comprendre comment, dans ce cas assez particulier dans l'oeuvre de Beyala, les problèmes de la communauté et des individus, ainsi que l'intention subversive de l'héroïne, concourent à susciter la notion d'une femme africaine qui écrit pour écrire. Elle intègre dans son projet à la fois la conscience de sa situation, physiquement, politiquement et économiquement à l'étroit dans une communauté violente et oppressive et toutes les autres formes d'action qu'elle s'est construites à partir de ses contraintes et de ses propres contradictions. Ce projet peut suggérer quelques traits importants des luttes émotionnelles, intellectuelles, sociales et culturelles qui sous-tendent la prise en charge par les femmes africaines de leur propre représentation au niveau de l'écriture.

« Linda Lê / Kim Lefèvre : deux conceptions antagonistes de l’écriture comme construction de soi », Sabine LOUCIF, Hofstra University

Linda Lê et Kim Lefèvre ont toutes deux choisi la langue française pour rendre compte de leur enfance vietnamienne et de leur exil en France. Dans ma communication, je me propose d’analyser les esthétiques distinctes voire antagonistes selon lesquelles chaque écrivaine conçoit la construction identitaire et le récit de soi. Il s’agira en particulier de montrer que Linda Lê tend à placer la culture d’adoption française au centre et celle de ses origines vietnamiennes à la périphérie, refusant ainsi de faire figure de « vietnamienne de service », alors que Kim Lefèvre refuse toute tentation universaliste et revendique son identité culturelle de métisse.