18ème Congrès à Liège

19-27 Juin 2004

Résumés des communications
Lundi 21 juin 2004

 

Lundi 21 juin                          09h00 – 10h30

Session I.        Littérature pour la jeunesse et espaces francophones identitaires I 

Présidente : Danièle THALER, Université de Victoria

Secrétaire : Johanne PRUD’HOMME, Université du Québec à Trois Rivières

« Le Noir Passage de Jean-Michel Schembré : une œuvre à la frontière du récit de voyage et du roman d’apprentissage », Jean-Denis CÔTÉ, Université d’Ottawa

Dans l’Angleterre du XVIIIe siècle, Robin Rowley est soupçonné de vol. Pour échapper à la justice, il s’embarque sur un navire, le Pride of Bristol, un négrier. Ce voyage devient l’occasion pour le jeune homme de découvrir son identité tout en évoluant sur plusieurs plans : moral, intellectuel, physique et affectif. Cette évolution est favorisée par la présence d’un mentor, Simon Fraser. Le contact de Robin auprès des Noirs l’amène à réfléchir sur l’humanité de ceux-ci et à s’interroger sur la moralité de faire la traite des esclaves. Ce livre de Jean-Michel Schembré est une œuvre à la frontière des genres qui présente à la fois les caractéristiques du récit de voyage et du roman d’apprentissage, voire du roman historique.

« La traduction de James Oliver Curwood en français ou les avatars d’une conversion », Jean-Marc GOUANVIC, Université Concordia

L'oeuvre romanesque de James Oliver Curwood, qui s'étend de 1908 à 1929 (il meurt en 1927), a connu en 1914 une réorientation thématique à 180 degrés. Si les récits qui ont précédé cette date (The Wolf Hunters, 1908; The Gold Hunters, 1909; The Danger Trail, 1910) abordaient le thème de la chasse (notamment à l'ours et au grizzly) dans le nord canadien, tout à coup l'écrivain est saisi d'une prise de conscience vers 1912 et il va réévaluer complètement son rapport avec la nature animale. Ce seront Kazan (1914) et surtout The Grizzly King (1916). Ce dernier récit est accompagné d'une préface de l'auteur, où il présente sa « conversion » : dorénavant, il observera un respect absolu pour les « animaux de la création », lui qui avait fait cadeau à tous les membres de sa famille d'innombrables peaux d'animaux tués lors des diverses chasses qu'il raconte dans ses premiers livres. Comment est traitée cette « conversion » en traduction? Il y a un effet traduction non seulement dans le rendu du texte original en langue étrangère, mais dans l'ordre de publication des traductions. Ainsi, sur les trois récits mentionnés plus haut, seul The Danger Trail (1910) est synchronisé avec ce qui se passe véritablement dans sa vie et dans son oeuvre, puisqu'une traduction française voit le jour en 1912 (Mélissa). Tous les autres récits s'entremêlent: entre 1920 et 1938 sont publiés vingt romans, qui ne tiennent pas compte des modifications thématiques radicales subies par l'oeuvre. Or, quand on sait que les récits narrés par l'auteur sont directement issus de ses expériences, au point où il part en expédition pour écrire un livre, il y a de quoi s'interroger sur l'ordre de publication de ses traductions. Nous verrons donc en quoi consiste l'effet traduction dans le cas de James Oliver Curwood et si le « désordre de publication » peut être interprété comme un non-respect des intentions d'un auteur en traduction.

« Quête d’identité et adolescence féminine dans le roman pour la jeunesse », Daniela DI CECCO, University of South Carolina

Ce travail s’inscrira dans le prolongement d’une étude sur le roman pour adolescentes, Entre femmes et jeunes filles : le roman pour adolescentes en France et au Québec (2000), où nous avons juxtaposé des romans québécois avec des romans français afin de saisir des divergences culturelles dans la construction de la jeune fille fictive. L’influence des États-Unis, à qui on attribue l’invention du roman contemporain pour adolescents, s’est avérée importante dans cette première comparaison. L’objectif de cette communication est d’approfondir notre analyse de la spécificité du roman québécois en le comparant aux deux littératures anglophones qui l’entourent (américaine et canadienne-anglaise) à travers l’analyse du rôle joué par les espaces (géographiques, politiques et culturels) dans la construction identitaire des jeunes protagonistes. La production québécoise semble imiter celle des États-Unis qui, d’une certaine façon, a servi également de modèle à celle du Canada anglais. Pourtant, des divergences entre les littératures de jeunesse québécoise et canadienne-anglaise ressortent malgré ce prototype partagé.

« Espaces identitaires et discours au féminin : quelques procédés d'autoreprésentation des fillettes et des adolescentes », Lucie GUILLEMETTE, Université du Québec à Trois-Rivières

À l’aube du troisième millénaire, nombreuses sont les écrivaines québécoises pour la jeunesse qui proposent des modèles culturels en marge des systèmes perpétuant le mythe de l’éternel féminin. On tente en effet d’articuler une pensée féministe gommant les structures dichotomiques de l’autre et du même que le sujet masculin a édifiées. Dans le cas de la représentation de l’adolescente et de la fillette, il s’agit pour les auteures de dénoncer les pratiques sexistes dont ces dernières font l’objet puis d’élaborer une conduite énonciative qui témoigne de leur dissidence. Plus précisément, dans les romans publiés au fil des années quatre-vingt-dix, les jeunes personnages féminins tendent à s’exprimer au moyen de la première personne en accord avec la critique au féminin qui a en effet voulu mettre l’accent sur l’énonciation. L’émergence d’une subjectivité féminine, qui matérialise « la perte de la fiction paternelle » (Jardine), retiendra notre attention au sein de cette communication. À l’heure où l’on parle de « la fin de la raison triomphante [et] de son cortège d’absolus » (Russ), le je féminin cherche d’autant plus à signifier que les adultes n’ont guère le monopole de la vérité. C’est alors une subjectivité féminine, dont les énoncés font état des utopies de la modernité et de ses fables masculines, qui procède au récit des expériences juvéniles.

 

Session II.       Le cinéma francophone - rencontres de cultures I

Président : John Kristian SANAKER, Universitetet i Bergen

Secrétaire : Thomas DADDESIO, Slippery Rock University

« Vivre me tue de Paul Smail et film de Jean-Pierre Sinapi : l’homme maghrébin en mal d’un corps », Ida KUMMER, Paris III, Collège des Nations Unies

Les analyses sur les femmes maghrébines ne manquent pas. Mais qu'en est-il de l'homme maghrébin en situation d'immigration ? Littérature et cinéma semblent hésiter entre des stéréotypes convenus, le Beur casseur de banlieue, l'ouvrier immigré de la première génération ou le « barbu », islamiste de la dernière heure. Vivre me tue, le roman et son adaptation cinématographique ont pour centre le corps de l'immigré : les deux héros, sont, en effet, malades de la vie. Les deux frères aux noms bien français, Paul et Daniel, issus d'une famille marocaine, luttent dans leur altérité. Corps instrumentalisé que le cadet, Daniel, violente et gonfle jusqu'à le faire mourir. Corps en question que l'aîné Paul, l'intellectuel, traîne de salle de boxe en gymnase, pour repousser son désir d'écrire. Corps social qui les étouffe tous deux. Les questions restent posées : Quel territoire pour ces corps ? Vivre sa double culture est-il possible ? Comment s'intégrer sans se déformer intellectuellement (Paul) ou physiquement (Daniel) ? Comment vivre en étant un Français d'origine étrangère quand les autres refusent de voir en vous autre chose qu'un immigré ? 

« La Squale (Genestal, 1999) et Samia (Faucon, 1999) : une rencontre de cultures de choc », David-Alexandre WAGNER, Universitetet i Stavanger

A travers les exemples de La Squale et de Samia, deux films tournés la même année par deux jeunes réalisateurs, nous verrons comment la rencontre de cultures est présentée sous un angle très intéressant eu égard au débat actuel sur la laïcité et le port du voile à l'école en France. En analysant les modalités et les caractéristiques de cette rencontre de cultures dans ces deux films, nous développerons comment elle nous paraît se résumer à un véritable choc touchant principalement les jeunes Françaises d'origine maghrébine à l'intérieur de la sphère familiale, et nous nous intéresserons aux éléments de réponse apportés ou suggérés par ces films.

« Dialogisme et carnavalisation dans un film québécois », James CISNEROS, Université Queens, et Michèle GARNEAU, Université de Montréal

Le film Yes Sir, Madame ? de Robert Morin (1992) est le premier -- et le seul -- film authentiquement bilingue du cinéma canadien. On se penchera sur la rencontre, éminemment carnavalesque, qui s'opère entre les deux cultures et les deux langues « officielles » du Canada (francophone et anglophone) et ce, grâce à un dispositif cinématographique des plus singuliers. On montrera comment ce dispositif cinématographique, outre la schize culturelle, linguistique et existentielle qu'il opère sur le mode burlesque, est surtout propice à déchaîner une fonction de fabulation qui tient compte du « génie » des deux langues convoquées et mises en scène.

« Le Sort de l’Amérique de Jacques Godbout : Constructions et reconstructions d’un discours historique et culturel », Klaus-Dieter ERTLER, Universität Graz

Le film Le Sort de l’Amérique du cinéaste et écrivain québécois Jacques Godbout retrace les événements historiques de la Conquête anglaise de 1759. En racontant les principaux faits d’armes à partir de différentes perspectives, il offre un panorama de trois versions des Histoires officielles, c’est-à-dire la version des « Anglais », la version des « Français » et celle des « Canadiens ». Pour Godbout, l’histoire est en quelque sorte la « dimension imaginaire » d’une communauté. L’œuvre se présente comme une déconstruction du mythe de la Conquête des Plaines d’Abraham, afin de fournir une nouvelle image de la position de l’Histoire nationale dans un contexte global. C’est surtout la rencontre des discours culturels qui met en valeur le potentiel symbolique du film. Le jeu des valorisations est observé à l’intérieur des systèmes culturels respectifs. Il s’agit donc d’analyser non seulement les multiples positions culturelles mises en scène par Jacques Godbout, mais aussi de mettre en lumière sa propre démarche, sa propre position et ses réflexions critiques.

 

Session III.     Tocayes, sosies, personnages croisés ? 

Présidente : Paulette Anne SMITH, Tufts University

Secrétaire : Jack YEAGER, Louisiana State University

« Goha ou comment faire rire tous les Méditerranéens », Eglal HENEIN, Tufts University

Quelquefois fou quelquefois sage, Goha, depuis des siècles, réussit un coup de force ; il fréquente, amuse et inspire aussi bien les musulmans que les chrétiens et les juifs. Dans un vaste territoire que religions et colonisations divisent et déchirent, cet individu sert incontestablement de dénominateur commun tout en étant tour à tour traité d’Egyptien (Goha el Masri, film télévisé en Egypte), d’Israélien (Djoha, the Jewish trickster, livre publié en Israël) et de Russe (Le revoilà, film d’Uzbekistan). Peut-être né aux Indes en même temps que Les Mille et une nuits, la personnalité de Goha est définie par écrit pour la première fois dans un manuscrit turc du XIIe siècle. Les consonnes de son nom se modifient légèrement pendant qu’il voyage de pays en pays avec les Arabes puis avec l’Empire Ottoman. Il est un agent unificateur dans des pays où cohabitent plusieurs confessions (les chrétiens et les juifs en Espagne). Il devient une arme lorsqu’un conflit ouvert sépare des belligérants chrétiens et musulmans (Chypre). Autour de la Méditerranée, Goha demeure envers et contre tous un immortel avatar du « fou du roi ».

« L'immortel : bonheurs et malheurs », Fabienne PASQUET, écrivaine

À partir des textes sacrés, depuis toujours, la figure de l'immortel(le) jalonne la littérature. Immortel de naissance, immortel par volonté, ou immortel par accident, l'immortel fait rêver, remettant en cause le rapport de la vie et de la mort. À la recherche de quelques figures emblématiques : de la mythologie grecque en passant par la Bible, le panthéon du vaudou haïtien, et la littérature moderne. Immortalité : don du ciel, cadeau empoisonné ou mystère à sonder... Immortalité désirée ou refusée, quelque pistes à parcourir, quelques personnages dont s'inspirer pour dessiner les grandes lignes d'une immortelle d'aujourd'hui à qui la mort se refuse.

« Vierge noire-blanche, ses sosies – ses représentations – son écriture », Paulette Anne SMITH, Tufts University

Une découverte des diverses « apparitions » de la Vierge madone archétype et de ses homologues « en noir et blanc ». La « Vierge » a servi de modèle aux artistes pour interpréter leurs fantasmes à travers les âges et les modes. Ainsi, ses traits se retrouvent chez les fées, vierges exotiques (Sainte Marie, sosie de Marie l’Égyptienne, en Haute-Savoie), les déesses brunes (Kuan-Yin en Inde, soeur d’Isis), ou des blanches teintées de noir (la syncrétique Vénus noire, Reine Erzuli en Haïti). Elle trouve parfois refuge dans les arbres enchantés, tantôt vêtue de bleu, taillée dans du bois noir (Le Baptistère), tantôt au fond des profondes grottes, Vierges noires qui ont inspiré le culte noir (La Vierge Marie de « couleur argent-gris foncé », Notre Dame de Montaigu en Belgique). La Vierge blanche surplombe les hauteurs des Alpes (La Dame des Sommets), grimpe au Massif Central inspirant les croisés et les troubadours de jadis (Notre Dame du Roc) ; et plus tard, étoile virginale, de la Sheba à la Rocamadour, elle guide les grands voyageurs, Alexandre Dumas, Victor Hugo et tant d’autres... La Vierge apparaît à la source des eaux pures : L’immaculée Conception, ou Vierge-Sirène, la Mamy Wata africaine. Ainsi voit-on s’établir une correspondance entre la Vierge madone aux formes syncrétiques et les déesses-mères de l'antiquité, mise en évidence chez les « loas », esprits de l'âme féminine (l’Aida Wèdo, du Vaudou). Dans une alliance de la sexualité et de la spiritualité, la Vierge prend forme dans des statues, sketches et compositions artistiques ou littéraires : qu'elles soient reproduites à l’image de Notre Dame de Lourdes, ou de Notre Dame d'Afrique (à Carnoux), ces dames vénérées, sur toile, en pierre ou en paroles, mettent en lumière une Vierge blanche-noire alchimique avec ses teintes et traits divers, brunie à travers les temps et les cultures.

Lundi 21 juin                          10h45 – 12h15

 

Session I.        Cinémas africains : mutations et nouveaux langages 

Président : Alexie TCHEUYAP, Université de Calgary

Secrétaire : André SIAMUNDELE, Colby College

« Le Grand Blanc de Lambaréné : lorsque la traduction d’une mentalité coloniale perd son sens », Anny CURTIUS, University of Iowa

Lecture critique de l'enseignement en français des principes du Christianisme aux habitants de Lambaréné par le grand blanc (Albert Schweitzer). Une attention particulière est accordée à la traduction, au sous-titrage et à la mise en scène afin d'analyser le discours postcolonoial que Bassek Ba Bobhio tente d'articuler ici.

« Texte et performance dans Karmen Gueï », Sada NIANG, Université de Victoria

Karmen Geï est l’un des rares films africains à s’inspirer de textes littéraires occidentaux et probablement le seul à se construire sur une célèbre œuvre d’opéra. Il confirme les élans artistiques de Djibril Diop Mambéty dans Hyènes, s’inscrit contre le manichéisme légendaire de Sembène et reproduit les schémas identitaires de Sultana dans L’Interdite de Malika Mokeddem. C’est une oeuvre audacieuse qui suscita controverses et condamnations, à l’instar même de l’œuvre de Bizet. Cette communication s'attachera à élucider les processus d’adaptation et de réécriture auxquels se livra Joseph Gai Ramaka pour produire une œuvre dépeignant dans ses plus menus détails les travers d’une société sénégalaise bloquée par ses propres interdits.

« Le conflit dans les films (anti)documentaires de Jean-Marie Teno », Mary VOGL, Colorado State University

 

« Regards sur Lumumba : d’Aimé Césaire à Raoul Peck », André SIAMUNDELE, Colby College

S'inspirant du chaos qui a précédé et suivi l'accession du Congo à la souveraineté internationale en 1960, Une saison au Congo d'Aimé Césaire et Lumumba de Raoul Peck saisissent la figure héroïque de Patrice Emery Lumumba, Premier Ministre du Congo, assassiné en 1961 comme étant un élément central porteur d'ordre. Dans sa pièce de théâtre Une saison au Congo créée en 1967, Aimé Césaire met en scène la figure de Lumumba caractérisée par la verve politique et par une forte vision de la prospérité de l'Afrique au moment même où s'écroulent les espoirs que devaient soutenir les indépendances. En 2000, Raoul Peck réalise une image puissante de Lumumba en démontrant que, même disparu, ce dernier continue à hanter le parcours historique de l'Afrique et du Congo. C'est dans ce cadre que j'évoquerai les excuses officielles présentées récemment par la Belgique dans l'assassinat de Patrice Lumumba ainsi que l'hommage rendu par le Président Joseph Kabila aux pionniers de l'indépendance. J'analyserai la coexistence de l'ordre et du chaos dans le cheminement de quatre grands moments historiques : la lutte des indépendances, la guerre froide, la démocratisation et la mondialisation. Ainsi, le rapport entre le cinéma et la littérature me permettra de faire une lecture historique de l'héritage de Patrice Emery Lumumba.

 

Session II.       Littérature et thérapie

Présidente : Metka ZUPANČIČ, University of Alabama, Tuscaloosa

Secrétaire : Jean WILSON, Université Sainte-Anne

« La ‘chance’ d'Hélène Cixous : écrire pour la vie », Christa STEVENS, Universiteit van Amsterdam

« Mon écriture est née en Algérie d’un pays perdu, de père mort et de mère étrangère ». Ces trois détails constituent autant de « chances », ainsi qu’Hélène Cixous les appelle, qui auraient pu se développer en traumas si l’auteur n’avait su opter pour la vie par l’écriture et dans l’écriture. Je me propose, à partir des Rêveries de la femme sauvage, de suivre quelques éléments autobiographiques d’Hélène Cixous que l’auteur, se fiant au langage et à l’écriture, a su transformer en « chance ».

« Le recours au hammam dans la littérature francophone », Tracy ADAM, Columbia University

Cette communication cherche à définir le rôle du hammam dans la littérature. Littéralement « source de chaleur », le hammam désigne le bain public. Le lieu est composé de plusieurs salles chauffées par un système au feu de bois. L’héritier des thermes grecs et romains, c’est avec l’avènement de l’islam que la cérémonie du bain a une importance sans bornes. Le hammam dépasse la simple hygiène, il remplit une fonction sociale et sert comme institut de beauté et source de chaleur humaine. Au fur et à mesure de cette communication, je m’appuierai sur des textes en français (d’Assia Djebar, Leïla Sebbar, Élise Fontenaille, Hervé Guibert et Bernard-Marie Koltès parmi d’autres) afin de voir comment cette littérature renforce l’idée du lien entre le hammam et la thérapie, un recours qui se manifeste dans la littérature depuis la Shéhérazade de façon à renforcer son importance dans la conscience collective.

« L’écriture en tant qu’auto-psychanalyse chez Myriam Warner-Vieyra et Louise Lambrichs », Angelina E. OVERVOLD, Virginia Commonwealth University

Dans Juletane de Myriam Warner-Vieyra et le Journal d’Hannah de Louise Lambrichs, le personnage principal subit une désillusion affective (la perte d’un enfant dans le cas d’Hannah et la perte de Prince Charmant dans le cas de Juletane) qui efface les repères sur lesquels se trace le moi. La crise d’identité qui s’ensuit conduit à des accès de folie intermittente. Le journal, entamé en premier lieu pour servir de confident et de compagnon, devient peu à peu un outil thérapeutique qui permet au personnage d’analyser lucidement la situation dans lequel il se trouve et d’éviter de sombrer dans la folie pure.

« L’œuvre poétique d’Anna de Noailles : une confession lyrique »

Sensibilité lyrique, émouvante, pathétique, Anna de Noailles chante, avec une imagination exubérante, la nature, l’amour, l’héroïsme, la douleur, la vie et la mort. La poésie est, pour Anna de Noailles, une expansion vitale, organiquement nécessaire, une confession intime, spontanée et sincère, exprimant un besoin de communication ample, totale. Elle permet l’ouverture de son monde intérieur, de son « cœur innombrable », notion symbolisant la multitude des désirs, extases, joies, vérités, où chacun d’eux est « inéluctable et sincère ». La poésie devient également pour Anna de Noailles, tourmentée par le désir de l’éternel et la recherche de l’absolu, un moyen de surmonter le tragique de la vie, de lutter contre la mort menaçante, d’échapper à l’oubli. En fait, la soif de l’éternel représente, chez Anna de Noailles, l’incessante manifestation d’une structure duale, où chacune des composantes tâtonne sa propre voie vers l’absolu.

 

Session III.     La réécriture des mythes et légendes en littérature pour la jeunesse : ruptures et continuités 

Président : Jean-Marc GOUANVIC, Université Concordia

Secrétaire : Johanne PRUD’HOMME, Université du Québec à Trois Rivières

« Analyse de contes et légendes asiatiques dans des albums jeunesse », Flore GERVAIS, Université de Montréal, et Christophe HINZ, Universität Osnabrück

Notre communication portera sur les résultats d'une analyse comparative de la place et du rôle de la musique dans les Contes des mille et une nuits et dans les Contes de Grimm. Nous étudierons la manière dont les éléments musicaux sont transformés entre leur version originale et les recueils destinés spécifiquement à un jeune public, le tout dans un processus de simplification, mais aussi, dans le cas des Mille et une nuits, de folklorisation et d'occidentalisation du fait oriental. Nous verrons finalement comment, de façon générale, l'étude de la musique dans les contes nous renseigne sur les modes de vie et les valeurs des groupes historico-culturels dont ces contes sont issus.

« Réécriture pour la jeunesse de la légende de Rose Latulippe : rupture et continuité », Monique NOËL-GAUDREAULT, Université de Montréal

Substitution, compression, suppression ou expansion : « aucune transposition n’est innocente », écrit Genette dans « Palimpsestes ». « Le baiser maléfique » de Robert Soulières et « Le beau danseur » de Cécile Gagnon sont deux réécritures, pour la jeunesse, de « L’Étranger » de Philippe-Aubert de Gaspé. En comparant le mode de traitement des titres, des personnages, des lieux, des événements et des valeurs socio-culturelles, nous mettrons au jour le travail de réécriture de la légende de Rose Latulippe et formulerons des hypothèses quant à l’image que l’écrivain jeunesse se fait de son public-cible.

« La légende et sa réinterprétation pour la jeunesse : le cas de La Chasse-galerie », Noëlle SORIN, Université du Québec à Trois Rivières

Les récits de chasse-galerie sont nombreux. Toutefois, ils exploitent tous l’une ou l’autre des trois finalités du vol magique : pour la vie, vers l’amour ou par la mort. Ceci détermine trois grands types narratifs légendaires (Purkhardt, 1992). Ainsi, la célèbre chasse-galerie imaginée par d’Honoré Beaugrand propose un récit de vol magique « vers l’amour ». Par ailleurs, le récit légendaire est un conte dont le merveilleux est localisé et le narrateur identifié au protagoniste (Ricard, 1979). Ainsi La Chasse-galerie d’Honoré Beaugrand réalise bien ces deux conditions, et le souffle et l’atmosphère du récit légendaire y sont parfaitement rendus. D’une part, nous analyserons les récits de chasse-galerie québécois destinés à la jeunesse (Marc Laberge, Bertrand Gauthier, Madeleine Chénard, Cécile Gagnon, etc.) afin d’identifier de quel type de vol magique ils relèvent. D’autre part, nous montrerons que la réinterprétation pour la jeunesse de cette légende prolifique la fait passer du récit légendaire proprement dit au conte littéraire où subsistent certaines données empruntées à la légende, mais où l’intention de l’auteur diffère.

 

Session IV.      Regards croisés entre le Luxembourg et l’étranger francophone

Président : Frank WILHELM, Université du Luxembourg

Secrétaire : Raymond BAUSTERT, Université du Luxembourg

« Le soi et l’autre : topographie du ‘pays-signe’ chez Joseph Paul Schneider », Marion COLAS-BLAISE, Université du Luxembourg

Né à Marmoutier, en Alsace, Joseph Paul Schneider a résidé au Luxembourg, où il a enseigné à l’École Européenne. Prenant appui sur le recueil de poèmes Pays Signe (1983), la présente communication se demande dans quelle mesure et selon quelle modalité le départ du pays d’origine et l’élection d’une terre accueil ont contribué à la construction de figures et de régimes temporels et spatiaux susceptibles de rendre signifiants le temps, l’espace ainsi que le rapport du JE à autrui. Elargissant la perspective, on s’emploiera à montrer que le mouvement vers l’ailleurs, tel qu’il est concrétisé par le choix d’un nouvel ancrage dans l’espace, mais dont participent également la remémoration et l’anticipation, le songe, la rêverie et l’imaginaire, fixe en quelque sorte les conditions modales de l’énonciation poétique.

« Autour de la Procession de Luxembourg du 20 mai 1685. La mythologie au centre du débat jésuitico-janséniste », Raymond BAUSTERT, Université du Luxembourg

Le 20 mai 1685, alors que Luxembourg est aux mains de l’armée française, les Jésuites de la Ville organisent une procession en l’honneur de Notre Dame, Protectrice de la Cité et du Pays. Pour s’assurer un public, ils diffusent un texte publicitaire, le Dessein de la Procession, imprimé à Metz. Antoine Arnauld, le chef de file des jansénistes français, en exil aux Pays-Bas espagnols, en prend connaissance et engage une polémique sur tant de détails de Dessein qui choquent par leur rigorisme. C’est l’Avis aux RR..PP. Jésuites sur leur Procession de Luxembourg. Un de ces détails est la présence, violemment mise en cause, de la mythologie païenne dans une manifestation chrétienne. La contribution fera le point du débat séculaire sur l’usage de la mythologie par des chrétiens à des fins morales, elle définira plus particulièrement la position des Jansénistes et montrera comment celle-ci se répercute dans la procession luxembourgeoise incriminée par Arnauld.

« Les vainqueurs luxembourgeois du Tour de France cycliste vus par des écrivains francophones », Frank WILHELM, Université du Luxembourg

À partir d’une phrase de Malraux, « Il n’y a pas de héros sans auditoire », on se propose de montrer comment les victoires grand-ducales (François Faber, 1909 ; Nicola Frantz, 1927, 1928 ; Charly Gaul, 1958) ont été magnifiées par des journalistes comme Albert Londres et des écrivains comme Roland Barthes. Seront évoqués les champs lexicaux (e.g. la mythologie antique, la chevalerie, la tauromachie) servant de comparants, les connotations et sous-entendus patriotiques et francophiles (e.g. l’homophonie Charly Gaul / Charles de Gaulle) et l’improbable accès à la francophonie d’un futur professeur de lettres. Diaporama (Power Point).

 

Lundi 21 juin                          14h15 – 15h45

 

Session I.        Le Maghreb aujourd’hui : mythes et réalité 

Présidente : Nicole AAS-ROUXPARIS, Lewis & Clark College

Secrétaire : Nadia GHALEM, Montréal

« L’esthétique de la violence dans l’oeuvre de Rachid Boudjedra », Thierno Dia TOURÉ, Université de Lyon 2

L'écriture de Boudjedra s'inscrit dans une dynamique d'engagement, de témoignage et de parti-pris. L’auteur s'attaque aux figures mythiques du Père, de la Mère, du discours et de la représentation religieuse. L'écriture de la violence est constitutive de la littérature maghrébine autant pour une raison historique que pour une raison imaginative et fantasmatique.

« Les littératures du Maghreb : entre Orient et Occident. Psychanalyse et écriture », Nadia GHALEM, Montréal

Après les œuvres classiques de l’ère coloniale, Franz Fanon et Albert Memmi et, plus récemment Edward Saïd, seront les premiers à analyser l’impact culturel de l’impérialisme. Aujourd’hui la révolte s’exprime plus ouvertement dans une abondante production littéraire maghrébine où les références historiques documentées tentent de défaire les préjugés et images « exotiques ». Si, avec des nuances, Marocains et Tunisiens utilisent la langue française sans culpabilité, ce n’est pas le cas des Algériens qui expriment douloureusement leur dilemme de créateurs pris entre deux cultures.

« La femme-oiseau de la mosaïque : image et chant de La Femme sans sépulture d’Assia Djebar », Nicole AAS-ROUXPARIS, Lewis & Clark College

Dans le tableau en mosaïque de Djebar, l’odyssée de la Femme-oiseau dessinée sur l’étrange mosaïque du musée de la ville offre l’image d’un féminin moderne délivré du statisme et de l’ombre des Femmes d’Alger de Delacroix pour rejoindre le mouvement et la danse des tableaux de Picasso, tandis que l’épisode de l’odyssée d’Ulysse devient ode à l’Algérie de demain.

 

Session II.       Lire Amélie Nothomb

Président : Yves-Antoine CLEMMEN, Stetson University

Secrétaire : Frédérique CHEVILLOT, University of Denver

« L'aller-retour d'Amélie Nothomb : de Métaphysique des tubes à Stupeurs et tremblements », Jeannette GAUDET, Université de St. Thomas

J'examinerai la représentation du Japon et la métaphore de la chute du jardin dans les deux romans. Le premier exil du paradis terrestre survient quand Amélie a cinq ans et inspire chez elle un profond désir de retrouver le lieu de sa naissance et de son enfance, désir qui se réalise quinze ans plus tard au seuil de l'âge adulte. Cette quête de son identité japonaise ou de réintégrer le Japon d'antan a des retombées imprévues. Autant cherche-t-elle à s'adapter à la vie et la culture japonaise, à se faire Japonaise et se faire accepter, autant bûte-t-elle contre des obstacles qui la constituent « Autre ». Amélie rentre en Belgique, un deuxième exil mais un exil volontaire, un constat de l'échec du voyage vers soi.

« De l’humour à l’abject au risque du vrai : le cas Nothomb », Frédérique CHEVILLOT, University of Denver

Hygiène de l’assassin (1992), Attentat (1997), Mercure (1998), Cosmétique de l’ennemi (2001) sont loin d’être les titres littéraires qu’une société phallocentriste pourrait se croire en droit d’espérer sous la plume d’une jeune fille de noble descendance belge ayant fait de brillantes études supérieures en philologie romane. Et pourtant, tel en est bien le cas. Une jeune femme d’une petite trentaine d’années se trouve être l’auteure de quatre romans racontant chacun, mais dans des circonstances différentes, l’assassinat d’une femme, en général jeune, par un homme, en général plus âgé qu’elle, souvent très âgé. Dans un tel contexte, la lecture féministe d’une telle production, si elle a lieu d’être, ne peut le faire qu’à un degré second et supérieur. Soit l’écriture d’Amélie Nothomb est maladivement abjecte, soit elle est brillamment subtile. A voir...

« Lecteurs en cherche d’auteur : Amélie Nothomb », Yves-Antoine CLEMMEN, Stetson University

Cette communication explore le concept de lecture lui-même proposé dans l’œuvre d’Amélie Nothomb en utilisant principalement son premier et son dernier roman Hygiène de l’assassin et Antéchrista. Les deux encadrent physiquement la lecture de son oeuvre et discutent une vision similaire du rapport au texte. La lecture , c’est-à-dire la littérature mise en action par le lecteur, est présentée comme « carnassière » dans Hygiène, un accès direct et physiquement éprouvant, « salissant », et dans Antéchrista comme une mise « en présence du réel dans son état le plus concentré ». Cette lecture littérale va de pair avec la présence du personnage Nothomb toujours plus ou moins présent dans les livres et qui attire tant le lecteur à la recherche de son auteur préféré. Nothomb change complètement la notion d'effet de réel avec une littérature qui se complait dans l'invraisemblable mais pousse constamment son lecteur dans un hors-texte bien tangible.

 

Session III.     Réécriture des mythes II

Présidente : Joëlle CAUVILLE, Université Sainte Marie, Halifax

Secrétaire : Eileen LOHKA, Université de Calgary

« Le mythe tristanien du Moyen Âge au Symbolisme », Victoria LLORT-LLOPART, Universités Pompeu Fabra, Barcelone, et Paris IV-Sorbonne

Notre propos est de montrer comment le mythe tristanien évolue du Moyen Age jusqu’au début du 20e siècle. C’est-à-dire que le sujet principal de l’amour courtois est transformé jusqu’à l’accomplissement de l’opéra de Wagner et sa réponse dans Pelléas et Mélisande de Debussy. Cette évolution implique le dépassement des clichés classiques et la présentation du mythe dans une ambiance absolument différente : l’époque symboliste, où les personnages et leur mise en scène acquièrent des connotations mystérieuses et polyphoniques. Ainsi, cette re-création du mythe théâtral procure-t-elle à l’opéra français de nouveaux moyens d’expression et de signification.

« Mythe, modernité et poétique de l’hybris chez Émile Verhaeren », Vera CASTIGLIONE, University of Bristol

Est-il possible de définir la modernité en termes mythiques ? Comment concilier langage des dieux et société séculaire ? Ce sont là les questions qui émergent du renouvellement des structures mythiques opéré par le poète belge Émile Verhaeren dans ses recueils « modernistes », où la modernité industrielle début du 20e siècle est racontée avec un langage qui fait explicite recours au mythe et aux ressources de l’écriture mythique. Après avoir montré les procédés à la base de ce renouvellement -- actualisation, mythification, écriture mythique -- aptes à raconter le sentiment d’émerveillement face à la modernité, nous montrerons comment finalement, au plus profond de la structure mythique qui raconte le prodige des trains et Adam et Eve, les villes tentaculaires et Hercule, au-dessous du mythe de Narcisse, des découvreurs, d’Hercule, de l’or, il y a un acte de transgression qui retrace et repense l’hybris grecque dans ce qu’elle représente de plus bouleversant, à savoir le défi aux limites de l’humanité. En ce sens, les inventions technologiques représentent le comble de l’hybris moderne, dans la mesure où elles refoulent les frontières de l’utopique, et la modernité, saisie dans sa phase ascensionnelle, s’avère une poursuite impensable sans le geste hybridique de la révolte. C’est cette notion de l’hybris triomphante -- libérée de son contrepoint traditionnel de la nemèse -- qui permet alors de tenir ensemble antiquité et modernité, réalité et merveilleux, rationalité et irrationalité, et résoudre ce qui pouvait paraître, à première vue, une contradiction flagrante entre la célébration de la société séculaire et le langage des dieux censé l’exprimer.

« Les lieux sacrés de l’antiquité cixousienne », Pamela HOFFER, Boston College

« J’écris un texte de fiction poétique. Ce n’est pas un genre, c’est une qualité d’écriture » (Quéré entretien). Pour Cixous, la vraie écriture consiste en une fiction souvent mythique, élaborée en deux façons : la voix narrative et la voix politique. Il est juste de dire que qu’il manque à ses textes un système de narration linéaire. Il est aussi juste de dire qu’elle narre souvent par moyen des mythes pour remplacer la structure narrative. Mais ce qui est plus frappant, c’est sa tendance à se servir des mythes pour renforcer sa voix politique. On se demande comment relier une poésie basée sur les mythes avec la politique mais Cixous nous l’explique : « Je suis, d’une certaine manière, née politique, et même c’est pour des raisons politiques que j’ai commencé à écrire, et que j’ai commencé à écrire de la poésie comme réponse au drame politique » (O’Grady Entretien). On peut trouver un aspect mythique dans toute son œuvre. Nous allons viser trois mythes manifestes dans son écriture : d’abord, celui du phénix, oiseau fabuleux qui, brûlé, renaissait de ses cendres (Neutre 1972); puis, le mythe de la Méduse, une des trois Gorgones dont le regard pétrifiait ceux qui la fixaient (« Le Rire de la Méduse » 1975); enfin, le mythe de Tirésias, l’aveugle qui a connu la métamorphose sexuelle : homme au départ, il est devenu femme puis redevenu homme (« Le Sexe ou la tête ? » 1976). Tous ces mythes participent, à la fois, aux voix narratives et politiques mais transformés pour s’accorder avec la pensée de Cixous. Nous allons examiner ces mythes au sens traditionnel et puis au sens cixousien.

« Sacrifices, amour(s), animaux, passages (littéraires et autres) : L’Amour du loup, un dernier Cixous », Metka ZUPANČIČ, University of Alabama

Parmi les œuvres récentes d’Hélène Cixous, ces livres qui tous se répondent et dont deux ont vu le jour en septembre 2003, L’Amour du loup et autres remords suggère, par l’oxymore du titre, l’impossibilité confrontée, dans et par la littérature, de la cohabitation du loup et de l’agneau. Ce texte multiforme invite non seulement à la réflexion sur les paradigmes de notre existence, mais signale aussi un parti pris de la part de l’écrivaine, celui d’explorer la communication « autre » et avec cet autre (animal ou humain) dont nous traduisons toujours la langue en ce qui nous est compréhensible. Ma lecture fera ressortir l’orphisme et l’hermétisme sous-jacents à l’œuvre, ainsi que les archétypes, les passages entre les dimensions, avec les sacrifices qui font naître la littérature, à partir de la reconnaissance des mobiles de nos actes et de nos pensées.

 

Session IV.      Littérature pour la jeunesse et espaces francophones identitaires II

Présidente : Noëlle SORIN, Université du Québec à Trois Rivières

Secrétaire : Lucie GUILLEMETTE, Université du Québec à Trois-Rivières

« Les espaces communautaires chez Sylvain Trudel : aspects sociaux et esthétiques », Claire LE BRUN, Université Concordia

Auteur de romans et recueils de nouvelles pour adultes, Sylvain Trudel occupe par ailleurs une place significative dans l’écriture pour jeunes lecteurs au Québec. Entre 1995 et 2002, il a publié une quinzaine de courts romans qui circonscrivent un espace romanesque original. À l’encontre des récits sériels qui dominent les productions culturelles pour la jeunesse, les romans de Trudel présentent à chaque fois de nouveaux personnages ; contrairement aux conventions actuelles, la perspective n’y est pas toujours juvénile, certains personnages principaux se recrutant parmi les adultes. Au-delà des variantes dans les protagonistes et dans les intrigues, les lignes de force du roman pour la jeunesse de Trudel se dessinent de plus en plus précisément. Nous nous intéresserons ici à l’une d’entre elles : la construction d’un espace de vie permettant la rencontre des différentes classes d’âge et cultures. Nous observerons d’une part les modèles sociaux mis de l’avant dans cet ensemble de fictions et d’autre part les procédés esthétiques privilégiés par l’auteur québécois.

« Espaces identitaires : entre le ‘home’et le chez-soi dans la littérature de jeunesse », Danièle THALER, Université de Victoria

Le concept de « Home », plus vaste en anglais que le « chez-soi » en français, est empreint d'une résonance particulièrement forte dans le roman pour adolescents. La problématique du « Home » sous-entend que l'on est toujours de quelque part et que l'on ne peut trouver la réponse à la question « qui suis-je ? » sans passer par cette autre question « où suis-je ? » Si la question de l'identité est ainsi solidaire des représentations du « Home », de quel espace, de quel « Home » s'agit-il, et comment cela contribue-t-il à forger l'identité d'un moi adolescent ? La traversée de l'adolescence est indissociable d'un espace, d'un environnement tout aussi physique que mythique. Doit-on alors concevoir cette double appropriation comme une double adaptation, car il faut bien que l'adolescent qui prend possession de cet espace se plie et se fonde dans ce milieu qu'il habite et qui l'habite ?

« Fonctions identitaires de l’espace en littérature pour la jeunesse », Johanne PRUD’HOMME, Université du Québec à Trois Rivières

Dans une perspective sociohistorique, des études récentes font état de l’importance de l’espace comme vecteur de la construction de l’identité sociale des jeunes. L’expérience d’un « espace de rattachement local » couplé à l’expérience du « lointain » (Jewsiewikcki et Létourneau, 1998), par exemple, sont indissociable des stratégies identitaires pratiquées par les jeunes, surtout en cette époque où la mondialisation donne lieu, si tant est qu’on puisse déjà en mesurer les effets, à un métissage culturel, à une homogénéisation (Canclini, 2000). Sur le plan psychologique, par ailleurs, situation dans l’espace et « entourage de comportement » (Merleau-Ponty, 2001) sont au cœur des modalités de construction de l’être et des relations avec autrui. Enfin, la géographie, envisagée dans une perspective anthropologique, permet l’étude de l’appropriation individuelle de l’espace social construit. À la lumière de ces acquis disciplinaires, et tenant en compte le caractère intentionnel et singulier de la littérature destinée à un jeune public, nous revisiterons la poétique de l’espace romanesque afin d’étudier les particularités des manifestations poétiques de l’espace dans l’œuvre pour la jeunesse, en ce qui a trait, plus précisément à la notion d’identité.