18ème Congrès à Liège

19-27 Juin 2004

Résumés des communications
Dimanche 20 juin 2004

 

Dimanche 20 juin              09h00 – 10h30

Session I. Écritures contemporaines

Présidente : Heather McCOY, Penn State University, Altoona

Secrétaire : Mohamed KAMARA, Washington and Lee University

« Du minimalisme d’Echenoz ? », Ruth AMAR, Université de Haïfa

Dans son livre Small Worlds, Minimalism in French Literature, Warren Motte résume les critères de base de la fiction minimaliste tels qu’ils avaient été proposés par Kim Herzinger dans Minimalism as postmodernism.  Il serait intéressant de poser la question de la pertinence de ces critères par rapport à l’œuvre d’Echenoz. Autrement dit, seraient-ils tous ou du moins en partie, déterminants de son œuvre ? Néanmoins, insérer une œuvre si riche et si signifiante par son apport à la littérature du début du siècle sous la rubrique « minimaliste » est une entreprise problématique : elle peut donner l’illusion que toute la signification de l’œuvre d’Echenoz s’arrête là et qu’elle n’a rien d’autre à offrir. Serait-il donc possible de proposer d’autres attributs particulièrement importants qui eux, seraient plus représentatifs de son écriture ? Une autre sorte de minimalisme alors ? Ne serait-il pas dans ce cas plus prudent de parler du minimalisme propre à Echenoz si minimalisme il y a ? 

« Éric Chevillard : l’écriture décidément », Isabelle BERNARD-RABADI, Paris

J'ai choisi d'aborder l'œuvre d'un jeune auteur français, Éric Chevillard, dont les romans sont tous parus aux Éditions de Minuit depuis 1987. J'envisage de souligner la singularité de l'oeuvre de Chevillard en abordant trois pistes de lecture principales qui permettront in fine d'appréhender ce romanesque nouveau, et derrière lui, d'ébaucher le projet littéraire de l'auteur. Ces pistes sont le réel et le kaleidoscope, les mots et les jeux , et l'écriture de l'absolu ou l'absolu de l'écriture.

« Structure narrative et point de vue dans Mamzelle libellule de Raphaël Confiant », Mohamed KAMARA, Washington and Lee University

Le roman de Rapahaël Confiant est un récit à deux voix narratives distinctes. Des 15 chapitres du roman, 9 sont narrés à la première personne par Adelise elle-même, le protagoniste de l’histoire, tandis que les 6 autres sont à la voix d’un narrateur omniscient à la troisième personne. Pourquoi l’auteur n’a-t-il pas laissé à la narratrice-protagoniste l’entière responsabilité de raconter les événements de son histoire ? L’auteur n’a-t-il pas confiance dans la capacité de son héroïne ? Je propose ici une lecture qui permettra de démontrer qu’il existe un lien important entre la structure narrative et la question de point de vue, et que ce choix de forme narrative est inévitablement lié à une certaine idéologie créole et anti-colonialiste chez l’auteur lui-même.

 

Session II.       Mots, images et discours social au Maghreb

Président : Alexie TCHEUYAP, Université de Calgary

Secrétaire : Nadia GHALEM, Montréal

« Paris, 17 octobre 1961 : représenter l’Histoire forclose », Michel LARONDE, University of Iowa

Comment s'exerce le « devoir de mémoire » dans l'Histoire coloniale refoulée ? Mon intention est d'observer les techniques de la mise en place du réel dans l'Histoire post-coloniale récente a partir d'un exemple : celui des événements du 17 0ctobre 1961 à Paris au cours desquels un nombre non-déterminé de Nord-Africains a péri lors d'une manifestation pacifique en faveur de l'Algérie indépendante. Seront utilisés comme révélateurs du réel historique l'image dans le documentaire (Mémoires d'immigrés et Une journée portée disparue) et la fiction filmique (des passages de films « beurs ») en concurrence avec la représentation dans la fiction littéraire (le roman de Leila Sebbar, La Seine était rouge) et l'essai (Mémoires d'immigrés de Yamina Benguigui). 

« Les écrivains algériens avant et après l'indépendance : Histoire et identité », Nadia GHALEM, Montréal

Faussement qualifiée de « littérature de tradition orale », la littérature algérienne existe depuis des temps immémoriaux comme celles du bassin méditerranéen. De façon plus spécifique, l’on constate l’existence d’écrits anciens. Dès le XIIe siècle, Sidi Boumedienne Chu’aïb produit une oeuvre littéraire importante en arabe. Des œuvres en arabe, en berbère mais aussi en français illustrent d’abord la condition difficile des écrivains et du peuple algériens pendant et après la période coloniale. Kateb Yacine, Mohammed Dib, Mouloud Mammeri, Malek Haddad, Assia Djebar et Malika Mokeddem vont inaugurer une façon unique d’évoquer l’identité algérienne. Après des relations ambiguës avec la langue française et des productions en arabe, le nombre d’Algériens s’exprimant en arabe comme en français augmente sans cesse. Évoquant d’abord la lutte pour l’indépendance, les revendications nationalistes, la critique sociale et finalement des retours sur l’histoire même ancienne de leur pays, les écrivains algériens tiennent désormais une place importante dans la production littéraire de langue française.

« Littérature, cinéma et variations discursives », Alexie TCHEUYAP, Université de Calgary

À partir des romans de Azouz Beggag (Le Gone du Chaâba) et de Mehdi Charef (Le Thé au Harem d'Archi Ahmed), ainsi que des films de Christophe Rugia et de Medhi Charef, cette communication examine les métamorphoses que connaît le roman lors de son passage à l'écran. Plus précisément, il explorera les modalités et stratégies de variations discursives qui pemettent aux cinéastes de dépasser et de reformuler certaines composantes du discours littéraire, permettant du coup au média filmique de se constituer comme un autre du texte littéraire.

 

Session III.     L’envers des Lumières 

Présidente : Antoinette SOL, University of Texas, Arlington

Secrétaire : Philippe SEMINET, Texas A&M University

« Le libertinage : un legs ambigu des Lumières »,  Michel BRIX,  Facultés Universitaires Notre-Dame de la Paix, Namur

Le libertinage sexuel, que l'on associe généralement aux « progrès » des Lumières, n'était pas au XVIIIe siècle unanimement célèbre comme un bienfait ; cette communication voudrait rappeler les termes et les enjeux de ce débat.

« Cagliostro, Franc-maçon », Clorinda DONATO, California State University, Long Beach

Connu surtout pour son rôle dans « l'Affaire du collier », le Comte Alexandre de Cagliostro (1743-1795) fut une figure importante dans la franmaçonnerie entre Naples et Rome aux années soixante. Cette communication traitera le rapport entre Raimondo de Sangro, le Prince de San Severo, chef de file de la Maçonnerie napolitaine 1750-54 et Cagliostro, pour mettre en relation leurs écrits occultistes de caractère maçonnique.

« Casanova, philosophe ou charlatan ? », Guy TOUBIANA, The Citadel

Dire que le dix-huitième siècle est celui de la raison serait reçu comme un truisme par la majorité des spécialistes littéraires. Pourtant, la magie et l'alchimie demeurent des pratiques très prisées parmi les philosophes comme parmi les charlatans. A cet égard, l'oeuvre de Casanova constitue un précieux témoignage sur cette dichotomie qui règne à l'époque des Lumières. Les épisodes cabalistiques occupent une place de tout premier plan dans l'Histoire de ma vie, mais paradoxalement l'auteur dénigre avec vigueur l'importance qu'il prêtait à ce type d'activités. Il choisit d'associer d'une manière évidente l'occultisme à la charlatanerie et peut ainsi projeter une image de philosophe. L'analyse de certains passages montre que Casanova agit dans un but bien défini, s'attirer la confiance des lecteurs pour faire passer subrepticement un message qu'il ne peut communiquer ouvertement: sa capacité à réaliser l'impossible. La ductilité qu'il a su inférer aux mots lui permet de se mettre en scène comme faux magicien et vrai philosophe, mais après une lecture attentive, cette image s'effrite et laisse filtrer la conception d'un mage surpuissant qui reste tout de même philosophe. La magie est présentée comme un élément essentiel de la destinée du mémorialiste et s'impose comme un des aspects constitutifs de sa légende. En se représentant comme un personnage tout puissant grâce à ses savoirs occultes, il se décrit rivalisant avec Dieu et initie la fabrication de son propre mythe.

« ‘Ose savoir…mais ne te cache pas ensuite !’ Rousseau et Sade aux opposés des Lumières », Philippe SEMINET, Texas A&M University

Après avoir indiqué la perspective de Rousseau (1712-1778) et de Sade (1740-1814) vis-à-vis de l'homme et de la nature, et ainsi le contraste entre le romantique et le nihiliste, il sera question dans cette communication de démontrer que l'enquête du savoir entraîne parfois des découvertes néfastes que l'on aimerait autant ignorer si possible. À quel prix le savoir quand notre portrait de la nature n'est pas dépeint en rose ?

 

Dimanche 20 juin                   10h45 – 12h15

 

Session I.        Amélie Nothomb à toutes les sauces

Présidente : Jeannette GAUDET, Université de St. Thomas

Secrétaire : Mark LEE, Université de Mont Allison

« La souillure dans Cosmétique de l’ennemi », Laureline AMANIEUX, Université Paris X-Nanterre

Dans l'univers romanesque d'Amélie Nothomb, l'intégrité des personnages se voit le plus souvent détruite par le schème de la souillure, qu'elle se trouve liée à la nourriture ou à une sexualité violente. Celle-ci entraîne la naissance d'une forte culpabilité. Cependant, la souillure est moins lie au symbolisme de la tache qu'à un certain type de discours sur le pur et l'impur. Je chercherai à démontrer comment Cosmétique de l'ennemi met en scène une parole qui crée la souillure en constituant le corps comme objet de honte, et de perdition, et quels rites de purification verbaux sont mis en place par les protagonistes pour retrouver leur identité.

« Les heurs et malheurs d’Amélie : enfant-dieu et humour chez Nothomb », Annik DOQUIRE-KERSZBERG, Lock Haven University of Pennsylvania

Métaphysique des tubes (2000) d’Amélie Nothomb s’inscrit dans la riche veine littéraire des récits d’enfance et oeuvres de fiction qui placent l’enfant au coeur du texte. S’adressant à un lectorat adulte, les écrivains rivalisent d’ingéniosité quant aux modalités narratives et stylistiques utilisées, et construisent des protagonistes enfantins qui reflètent les valeurs socioculturelles de leur époque. Quels sont les choix narratifs de la jeune auteure belge dans ce roman ? Quelles conceptions de l’enfant y présente-t-elle ? Comment son écriture les traduit-elle ? Dans cette étude, je propose des réponses à ces questions intrinsèquement liées en analysant tout d’abord la double voix narratrice, ensuite les conceptions complémentaires de l’enfant-tube et de l’enfant-dieu ainsi que l’importance du principe de plaisir découvert par papa Freud mais revu et corrigé par Nothomb. Finalement je montrerai comment l’humour incisif des descriptions et raisonnements de la fillette explose dans des jeux sociolinguistiques où le contraste des registres repose sur un niveau de langage recherché ayant déjà valu à l’auteure, un an auparavant, le Grand Prix du roman de l’Académie française.

« ‘Que faire du corps ?’ : la maîtrise de soi dans Robert des noms propres d’Amélie Nothomb », Alison RICE, University of California, Los Angeles

Robert des noms propres, comme son nom l’indique, est en fin de compte un livre sur des mots, et leur relation au corps. L’ouvrage révèle comment les noms influencent les individus qui les portent, et comment les notions répétées que nous avalons par des moyens visuels (la lecture) ou l’internalisation auditive (l’écoute des enseignants et des êtres chers) peuvent littéralement former notre structure corporelle. Une comparaison vers le début du texte entre la consommation « lente » et la contemplation profonde des mots et de la nourriture chez la protagoniste principale — lorsque cette dernière n’était qu’une petite enfant — sert comme présage de la relation dichotomique entre lire et manger à l’avenir : si les aliments sont interdits à la danseuse en herbe, les mots peuvent remplir le vide. Les « mets » qu’elle déguste en lisant son gros dictionnaire fournissent à son cerveau une « bonne chère » qui compense — de manière provisoire — la privation des appétits du corps.

 

« Nom et nommer chez Nothomb », Mark LEE, Université de Mont Allison

Dans cette communication je propose d’examiner le phénomène du nom et de nommer dans les oeuvres d’Amélie Nothomb. Si nommer une personne ou une chose est une façon d’exercer une mesure de contrôle sur celle-ci, nous témoignons dans un premier temps, et particulièrement dans le livre autobiographique, Métaphysique des tubes, d’une prise de pouvoir sans égale. Pourtant, dans l’imaginaire nothombien ce pouvoir positif trouve son contraire dans une certaine résistance au nom, voire à l’impossibilité de nommer ou de garder son nom, lesquelles mettent au défi cette maîtrise recherchée. Cette communication examinera donc moins le réseau de signification des noms propres chez Nothomb que le problème de nomination et -nomination à l’oeuvre dans ses textes.

 

Session II.       Histoire, mémoire et cinéma

Présidente : Nathalie RACHLIN, Scripps College

Secrétaire : Panivong NORINDR, University of Southern California

« Mémoire et sensation de la guerre froide », Philip WATTS, University of Pittsburgh

 

« L’écriture filmique de Rithy Panh », Panivong NORINDR, University of Southern California

 

« Le cinéma documentaire et la mémoire du génocide cambodgien », Nathalie RACHLIN, Scripps College

 

Session III.     Interférences identitaires francophones

Présidente : Mariana IONESCU, Collège Universitaire Huron

Secrétaire : Marilyn KIDD, Collège Universitaire Huron

« Identités et espaces métissés », Aïda PERICHON, Université Paris IV-Sorbonne

Deux héroïnes, assoiffées de liberté, posent les limites de l’acculturation qui influent sur la construction de l’Identité. Leur identité se construit à la croisée de plusieurs espaces : européen, africain, psychologique, imaginaire, montrant ainsi les limites du métissage. La construction de l’identité devient une définition de soi par rapport à l’Autre (culture et moyens de communication). Il faut exister, être, quand l’Autre (cette identité rêvée, cadrée par un cadre, une structure institutionnelle), n’existe plus. C’est grâce à une écriture maïeutique que la construction de l’identité devient un métissage permanent et difficile.

« Les îlots de la mémoire : En attendant le bonheur de Maryse Condé », Nicoleta BAZGAN, The Ohio State University

Je me propose d’analyser les rapports entre la mémoire et l’imaginaire insulaire dans En attendant le bonheur de Maryse Condé. Les lieux de la mémoire révèlent la cristallisation de l’identité insulaire comme un microcosme fermé, autocentré et traumatique. La mémoire se morcelle dans des petites îles et le flux et le reflux de la quête identitaire voyage de l’une à l’autre sous le signe de l’échec. A la fragmentation du passé et au processus d’éparpillement identitaire correspond un certain choix narratif, influencé également par l’imaginaire insulaire : la narration est morcelée à travers une série d’îlots de mémoire, fragments hétérogènes et juxtaposés.

« Qui suis-je ? Les interférences culturelles et la perte d’identité dans trois récits francophones », Marilyn KIDD, Collège Universitaire Huron

Nous proposons d’analyser trois récits francophones – La Sagouine, Un Nègre à Paris, Calomnies – dans lesquels l’identité culturelle et personnelle des protagonistes est mise en cause par le contact avec autrui et la culture environnante. L’analyse d’une même expérience, telle que vécue par une Acadienne, un Ivoirien et une Vietnamienne, nous révèle des éléments essentiels dans le discernement de la nature profonde des interférences culturelles. Cette analyse fait partie d’une interrogation plus vaste au sujet des notions de «culture» et de «nationalité», de plus en plus complexes et difficiles à définir à l’ère de la mondialisation.

« L’ici-là selon Gisèle Pineau », Mariana IONESCU, Collège Universitaire Huron

Depuis Un Papillon dans la cité (1992) à Chair piment (2002), Gisèle Pineau évoque, à travers le vécu d’une longue série de personnages féminins, des espaces multiples, mais qui sont tous imprégnés de sa culture insulaire guadeloupéenne. Parmi ces espaces, celui de l’exil (volontaire ou forcé) se détache en tant que lieu de (dé)construction de l’identité de la femme créole, « réceptacle » des souffrances du monde qu’elle a traversé ou imaginé. A travers le corps et l’esprit d’une jeune fille/jeune femme/grand-mère confrontée à l’expérience douloureuse du passé ou du présent, l’auteur explore un ici-là plus ou moins utopique, capable de concilier des espaces culturels irréconciliables.

 

Session IV.      La vitalité de la littérature bulgare d’expression française

Président : Alain VUILLEMIN, Université d’Artois

Secrétaire : Roumiana STANTCHÉVA, Académie des Sciences de Bulgarie

« Julia Kristéva, romancière », Eléna GUÉORGUIÉVA-STEENHOUTE, Paris

Julia Kristeva et Rouja Lazarova, deux romancières d’origine bulgare, ont choisi d'écrire en français. Il est cependant difficile de définir leur appartenance : elles font partie des auteurs émigrés pour qui la langue française, la langue de leur pays d’adoption, est un dénominateur commun mais dont le point d'ancrage reste toutefois très fuyants. Si les ouvrages des écrivains exilés sont marqués, dans leur grande majorité, par la nostalgie des origines et par celle du pays auquel ils restent profondément attachés, les oeuvres des écrivains expatriés sont centrées autour de la problématique complexe de la quête identitaire. Ainsi en est-il des premiers romans de Julia Kristeva et de Rouja Lazarova, Les Samouraïs (1990) pour la première et Sur le bout de la langue (1998) pour la seconde. Ce sont des autobiographies romancées qui relatent les chemins sinueux de l’intégration de l'une et de l'autre en un nouvel univers d’élection. Le parallèle entre ces deux romans est riche en révélations.

 

« Le théâtre de Lubomir Guentchev », Martha SAVOVA, Plovdiv

 

« Georges Papazoff : peintre parisien – écrivain bulgare francophone », Roumiana STANTCHÉVA, Académie des Sciences de Bulgarie

L’œuvre artistique de Georges Papazoff (1895 – 1972), le célèbre peintre parisien d’origine bulgare, a été étudié par plusieurs critiques d’art, français et bulgares. Son œuvre littéraire, par contre, écrite en français presque en entier, reste toujours très peu connue. Deux textes de fiction et six volumes de mémoires forment le corpus significatif d’une œuvre exclusivement francophone. Ici, je m’attarderai sur le dernier livre de Papazoff, qui se présente comme autobiographique, notamment le volume Sur les pas du peintre, édité à Paris en 1971 et comprenant plusieurs documents et témoignages. C’est un livre qui permet de mieux connaître l’entourage parisien de l’écrivain, ses amitiés avec Robert Desnos, Paul Eluard, Tristan Tzara, Marcel Aymé, et surtout de se rendre compte de ses impulses à écrire à cette époque seulement en français.

« Les sonnets satiriques de Lubomir Guentchev », Alain VUILLEMIN, Université d’Artois

Un seul exemplaire des Sonnets satiriques composés par Lubomir Guentchev entre 1972 et 1980 a été retrouvé parmi les quelques soixante cinq manuscrits qu’il a laissés. Dans sa version primitive, il a été confisqué par la police politique bulgare, le 18 octobre 1973. C’est de mémoire, entre 1973 et 1980, que Lubomir Guentchev a reconstitué ce manuscrit et l’a enrichi de sonnets supplémentaires. C’est ce qui en explique la structure entre des poèmes dont on a retrouvé les états bulgares et les versions en français, des pièces qui n’existent qu’en français et, enfin, des sonnets écrits en bulgare, retrouvés en 2001 parmi les archives de la police politique bulgare, qui n’ont pas été repris ni traduits par l’auteur. C’est à juste titre que les autorités politiques pouvaient s’inquiéter des ces « réflexions en français et en bulgare », et de leur « contenu anti-étatique ». La satire, en effet, y est particulièrement vigoureuse. C’est un triple réquisitoire qui est instruit contre la servitude, l’hypocrisie et l’imposture dominantes et qui sera présenté lors de la communication.

 

Dimanche 20 juin                   14h15 – 15h45

 

Session I.        Haïti et ses multiples (dé-) connexions à l’aube du 21ème siècle

Présidente : Kathleen GYSSELS, Université d’Anvers

Secrétaire : Jérôme CECCON, Université d’Anvers

« ‘Haïtianité’, entre le réalisme et le tragique comme modes de connexions du réel haïtien », Elvire MAUROUARD, Université de Paris

Le roman réaliste haïtien reste une épopée de l’impuissance et de l’échec. Ces romans narrent l’aventure des « chefs » haïtiens et de ceux qui les subissent. Hors l’aventure, c’est la violence. Tuer, ou être tué, c’est le seul moyen d’échapper à la mort. Ces chefs, il faut le souligner, sont avant tout des dictateurs. L’autorité est magnifiée. Où mènera cette ivresse croissante du pouvoir ? Les écrivains ne peuvent que s’interroger, essayer de témoigner de l’indicible et tenter d’en appeler « à la plus intransigeante des lucidités critiques ». Qu’il s’agisse de Jacques Roumain, d’Émile Ollivier ou de Frankétienne. Dans tous ces textes se manifestent de terribles figures, tantôt centrales, tantôt décentrées, dont on discerne mal les contours et le relief mais dont l’existence est incontestable. Ces romans réalistes où l’on tue sont tragiques à leur manière, à en juger par la marée de sang répandu.

« Mémoire, violence, boat people : la triade déconnectée dans Passages d'Émile Ollivier », Gaëlle COOREMAN, Université d’Anvers

Dans cette communication, nous entendons « dé-connexion » au sens de dérive géographique et sociale d’un nombre croissant d’Haïtiens, tels qu’ils sont par exemple décrits dans Passages (1991) d’Émile Ollivier. Il s’agira d’analyser les rapports biaisés entre un drame tristement inconnu, la noyade en haute mer de boat people, l’importance d’en témoigner et d’en garder la mémoire, et cette intention étant contrée par le contexte de violence qui l’entoure.

« Émile Ollivier, un passeur de paroles nous a quittés », Jérôme CECCON, Université d’Anvers

 

« Couper le cordon ombilical : ‘the French Connection’ (Edwidge Danticat et Marie-Hélène Laforest) », Kathleen GYSSELS, Université d’Anvers

Continuer à parler de la littérature haïtienne comme francophone m’importune dans la mesure où les dernières années des nouvelles, de la poésie et des romans paraissent en anglais, voire en édition bilingue (créole/anglais, comme Open Gate de Paul Laraque et Jack Hirschman, 2001).  J’analyserai, à partir de quelques nouvelles publiées originalement en anglais, par deux nouvellistes féminines (Edwidge Danticat et Marie-Hélène Laforest), les dé-connexions progressives de ce pôle identitaire que la critique continue de « surcoter », quitte à repositionner la littérature haïtienne sur une carte littéraire nettement plus diasporique, c’est-à-dire translinguistique et transculturelle.

 

Session II.       Réécriture des mythes I

Présidente : Joëlle CAUVILLE, Université Sainte Marie, Halifax

Secrétaire : Eileen LOHKA, Université de Calgary

« Lecture socio-politique du mythe de l’androgyne dans la littérature maghrébine », Philippe BARBÉ, University of California, Irvine

Combinant une double approche mythocritique et socio-historique, ma présentation se propose d’étudier la place accordée à la figure de l’androgyne dans les œuvres de M. Dib (Habel et Cours sur la rive), T. Ben Jelloun (L’Enfant des sables et La Nuit sacrée) et surtout A. Khatibi (Le Livre du sang). Mon principal objectif est de montrer comment le mythe de l’androgyne permet à ces auteurs de subvertir l’ordre spirituel et la structure sociopolitique en place dans le Maghreb postcolonial. J’explique tout d’abord comment ce recours au mythe littéraire de l’androgyne représente une critique indirecte de l’ordre patriarcal des sociétés arabo-musulmanes. Le mythe de l’androgyne opère textuellement une transgression des frontières sociales, religieuses et biologiques qui séparent strictement la sphère masculine de la sphère féminine. Il serait cependant terriblement réducteur de penser que la figure androgynique ne serve qu’à problématiser la question de l’identité sexuelle dans un Maghreb replié sur son essence arabo-musulmane. Ce mythe permet aussi à ces auteurs de destituer le fondement monogénéalogique de la civilisation maghrébine, de radicalement renverser l’ontologie politique, et de déconstruire le mythe de l’Origine Unique dans une scénographie du double androgynique.

« Sur les traces de Faust : Méphisto au pays des glaces », Eileen LOHKA, Université de Calgary

Dans Nord perdu, Nancy Huston soumet que les immigrants vivant dans une culture et une langue étrangères « s’install[ent] à tout jamais dans l’imitation, le faire-semblant, le théâtre » Méphisto au pays des glaces, réécriture du mythe de Faust m’a permis d’étudier l’espace habité par l’immigrant dès sa décision prise de quitter son pays d’origine. Cette communication se propose d’explorer la piste créatrice suivie pour garder les éléments fondamentaux du mythe tout en l’adaptant au sujet d’un entre-deux identitaire propre à la fin du 20e siècle, de souligner les éléments de style qui permettent de transmettre l’incertitude identitaire et d’examiner la problématique de l’imitation et du masque qui provient du désir de l’immigrant de se conformer à un autre mythe, celui de Monsieur et/ou Madame Tout-Le-Monde. L’étude d’Eric Landowski sur l’identité² et les essais de François Paré dans son dernier recueil La distance habitée formeront la base de mon questionnement.

« Univers mythique et symbolique de l’œuvre romanesque d’Aki Shimazaki », Joëlle CAUVILLE, Université Sainte Marie, Halifax

Le style dépouillé (la critique a comparé son premier ouvrage Tsubaki à un Haiku en prose) d’Aki Shimazaki, écrivaine japonaise résidant à Montréal, souligne d’autant plus fortement la structure mythique et symbolique de son œuvre romanesque. C’est sous cet angle que nous nous proposons d’analyser ses quatre romans : Tsubaki (1999), Hamaguri (2000), Tsubame (2001) et Wasurenagusa (2003). Sur une toile de fond relatant « la Grande Histoire » : le tremblement de terre de Corée en 1923, la haine des Japonais à l’égard des Coréens et la bombe atomique lâchée sur Nagasaki en 1945, la voix narrative changeante à chaque roman retrace la même « petite histoire » d’une famille plongée dans la souffrance, la perte et la destruction. Tabous et interdits, résultats de certaines pratiques japonaises ancestrales, le non-dit (plutôt que le mensonge) qui paralyse plusieurs personnages entraînent le lecteur/la lectrice dans un tourbillon mythologique et symbolique (la signification du titre de chaque roman est à cet égard éloquent) où l’orphisme est roi.

 

Session III.     La mort au féminin 

Président : Pierre-Louis FORT, Université Paris VII-Denis Diderot

Secrétaire : Antoinette SOL, University of Texas at Arlington

« ‘Le service commandé des femmes’. La mort en couches dans l'œuvre de Marguerite Yourcenar », Bérengère DEPREZ, Université Catholique de Louvain

Mort emblématique, sorte de scène primitive inversée, la mort de Fernande, la mère jamais connue, hante l'œuvre de Marguerite Yourcenar et finit par étendre son ombre sur la femme et l'enfant qu'elle semble frapper d'une morbidité générale. Sous les apparences de l'érudition et de la magie - la célèbre recette yourcenarienne - la reconstitution tient de la conjuration, d'une tentative de maîtrise de l'horreur. Nous nous proposons de pointer les étapes de cette tentative.

« La mort de l’innocence : l’écriture expiatoire chez Myriam Warner-Vierya et Marie-Célie Agnant », Antoinette SOL, University of Texas at Arlington

En encadrant l'écriture d'un journal intime dans une narration impersonnelle, Warner-Vierya et Agnant explorent le je/jeu non seulement de l'écriture en tant qu'une affirmation identitaire mais aussi le prix requis du narrateur et du lecteur d' une telle lucidité.

« Simone de Beauvoir : la mort à l’œuvre », Pierre-Louis FORT, Université Paris VII-Denis Diderot

Il s'agira, dans cette communication, de mettre en résonance la textualisation de la mort de Sartre dans La Cérémonie des adieux et celle de la mère de Simone de Beauvoir dans Une mort très douce.

 

Session IV.      S’exprimer dans et par tous les sens pour survivre 

Présidente : Sylvie VANBAELEN, Butler University

Secrétaire : Simone PILON, Franklin College

« Survivre, dit-elle. Étude de La Douleur de Marguerite Duras », Sandrine RABOSSEAU, Université Paris III-Sorbonne Nouvelle

La Douleur est un recueil témoignant du désarroi de Marguerite Duras lors de la découverte de la Shoah. Relater ces crimes est une entreprise douloureuse car elle lui impose de revisiter son passé. En proposant ce témoignage, l’auteur propose au lecteur de lire ses réflexions, ses indignations et sa douleur. Duras écrit au nom de sa vérité, mais aussi pour survivre et ne pas sombrer dans la folie face à la douleur personnelle et collective. L’écriture quotidienne la rattache à la vie et à l’espoir. Son journal intime relate son attente, ses angoisses, le retour de son époux puis son retour à la vie.

« L’écriture comme forme de survie dans Moi qui n’ai pas connu les hommes et ‘La Lucarne’ de Jacqueline Harpman », Sylvie VANBAELEN, Butler University

Cette communication examinera les diverses stratégies de survie utilisées par la protagoniste du roman Moi qui n’ai pas connu les hommes (1995) de l’écrivaine et psychanalyste belge Jacqueline Harpman. Afin de recapturer une humanité qui lui a été dérobée, la « petite » (prisonnière enfermée dans une cage avec 39 autres femmes) s’acharne à chercher et à donner du sens à la réalité. Son ultime tentative sera l’écriture.  L’écriture se retrouve au coeur de « la lucarne » nouvelle du recueil du même nom (1992) dans laquelle une femme, prisonnière elle aussi d’une chambre sans issue, s’interroge sur son activité scriptuaire.

« Au-delà des mots : la cuisine comme lieu de communication dans deux oeuvres québécoises », Simone PILON, Franklin College

L’écrivaine américaine Paule Marshall croit que la cuisine sert de lieu de rencontre pour les personnes en marge de la société, celles qui n’ont pas accès à la polis : femmes, minorités, immigrants, domestiques, etc. Les femmes trouvent les échanges qui se déroulent dans ce lieu privé thérapeutiques et la parole devient leur arme. Marshall nomme cet endroit un « wordshop ». Dans cette communication, nous tenterons de montrer comment cette idée de « wordshop » est présente dans la littérature québécoise contemporaine en nous appuyant sur quelques ouvrages, dont l’œuvre dramatique C’était avant la guerre à l’Anse à Gilles de Marie Laberge et le roman Le bonheur a la queue glissante d’Abla Farhoud.