18ème Congrès à Liège

19-27 Juin 2004

Résumés des communications
Samedi 19 juin 2004

 

Samedi 19 juin              14h15 – 15h45

Session I.        L’identité en tant que problématique dans les littératures francophones

Président : Michael O’RILEY, Colorado College

Secrétaire : Jean-Luc DESALVO, San José State University

« Symbole de l’éventail dans la poésie et l’art symboliste », Dominique VAN HOOFF, San José State University

À la fin du XIXe siècle, l'art extrême oriental (le japonisme en particulier) influence fortement l'art impressionniste et symboliste par ses thèmes et ses techniques. Mais en passant de l'est à l'occident les objets orientaux, tels que les éventails, prennent une autre signification chez les peintres et les poètes français du symbolisme et de la décadence fin de siècle.

« La mémoire du temps dans l’œuvre d’Antonine Maillet », Jean-Luc DESALVO, San José State University

À la différence de ses premiers livres dans lesquels les narrateurs et personnages mailletiens semblent échapper au temps linéaire qui est destructeur et fatal, nous allons examiner et préciser comment et pourquoi la notion du temps ou, plus proprement, la mémoire du temps a évolué chez Maillet dans ses livres les plus récents, depuis surtout Les Confessions de Jeanne de Valois, Le Chemin Saint-Jacques, Chronique d’une sorcière de vent et Madame Perfecta, de sorte que ses narrateurs et personnages semblent plus que jamais hantés par la mort et soient ainsi obligés d’entreprendre une course contre le temps avant qu’il ne soit trop tard. Comme nous allons le voir, les narrateurs et personnages mailletiens ont recours de moins en moins à l’effet cathartique du carnaval comme moyen de combattre le temps ou la mort. La narratrice, par exemple, dans Chronique d’une sorcière de vent est hautement consciente du temps destructeur de la mort lorsqu’elle constate: « Hâtons-nous, Radi !, la terre engloutit chaque jour des quartiers entiers de nos souvenirs. Retournons à la source ». En d’autres termes, les narrateurs mailletiens se rendent compte qu’en tant que sources d’inspiration leurs informateurs sont tous petit à petit en train de mourir autour d’eux et qu’il devient ainsi de plus en plus difficile de se rappeler ces histoires qui représentent une fuite à l’envers dans le temps afin de retourner « à la source ».

« Héros et victimes dans La Disparition de la langue française d’Assia Djebar », Michael O’RILEY, Colorado College

La Disparition de la langue française d’Assia Djebar traite des spectres du passé colonial qui tracassent l’Algérie en visant, en particulier, la culture qui commémore ce passé. Cette communication examinera la façon dont le texte de Djebar dénonce la culture qui érige les monuments aux héros et aux victimes de l’époque coloniale car La Disparition montre combien cette culture est liée à une répétition du passé colonial en Algérie. Comment se souvenir de l’époque coloniale sans devenir victime ? Cette communication examinera comment La Disparition de la langue française montre, dans un sens plus large, combien l’identité postcoloniale en Algérie, et ailleurs, reste tracassée par les spectres de victimes. Cette communication examinera comment Djebar cherche une issue dans cette culture tout en abordant la problématique de la mémoire postcoloniale.

 

Session II.       La quête de l’identité par l’écriture

Présidente : Eva TSUQUIASHI-DADDESIO, Slippery Rock University

Secrétaire : Katrien LIÉVOIS, Institut supérieur de Traducteurs et d'Interprètes (HIVT - HA), Anvers

« Les figures individuelles dans les nouvelles de Nguyen Huy Thiêp – Voyages en solitaire », Lan Huong NGUYEN, Université de Nice-Sophia Antipolis

La littérature vietnamienne après 1975 et notamment depuis la période de « doï moï » (renouveau) s’est donné une nouvelle orientation : elle s’intéresse de plus en plus au destin des individus. Du point de vue sociocritique, on observe une correspondance entre deux structures : celle de l’économie sociale et celle des œuvres littéraires. Des nouvelles de Nguyen Huy Thiêp ont été parmi les textes de cette période qui ont le mieux saisi cette aspiration de la société, désireuse de découvrir le concept d’individu. Ses héros font continuellement des voyages en solitaire pour des recherches sans fin, subissent des échecs, connaissent des fins tragiques,… dans une société où toutes les valeurs se trouvent inversées. L’écrivain réticent porte son regard sceptique et perspicace sur le changement, anticipant des dérives.

« Continuité, invention ou utopie ? L'ambiguïté de la quête identitaire aux Antilles et au Québec », Frédérique E. HANET, Université de Montréal

La communication veut soulever les contradictions qu'implique la quête identitaire chez deux auteurs francophones dans les années trente : le Cahier d'un retour au pays natal (1936) et Les demi-civilisés (1934) du Martiniquais Aimé Césaire et du Canadien français Jean-Charles Harvey déconstruisent un mythe propagé par le discours social de l'époque, pour reconstruire simultanément un mythe nouveau en vue de se forger une identité déchargée de toute forme de traditionalisme. L'approche sociocritique permet d'aborder les discours économique et culturel auxquels les auteurs vont s'opposer et d'approfondir la littérature de résistance en pays dominés. D'emblée, l'écriture du refus apparaît à la fois comme un moyen de résistance et comme la possibilité d'apporter une identité nouvelle à la collectivité francophone en question : Césaire et Harvey démystifient l'entreprise coloniale tout en utilisant un même manichéisme et utilisent le polémique et l'agonique pour servir leur rhétorique persuasive. La communication montre que dans sa quête identitaire, l'écrivain francophone joue dans un « espace tiers » fait de continuité, d'invention et d'utopie.

« Des femmes en morceaux : construction et destruction de l’identité du personnage et du narrateur dans l’œuvre d’Assia Djebar », Katrien LIÉVOIS, Institut supérieur de Traducteurs et d'Interprètes (HIVT - HA), Anvers

L’importance des textes autobiographiques et/ou historiques dans l’œuvre d’Assia Djebar nous montre combien celle qui est unanimement saluée comme une des représentantes majeures de l’écriture féminine francophone en Algérie met au centre de ses intérêts littéraires la définition et la construction d’une identité, individuelle ou nationale, aux sources multiples, voire ennemies. Dans le roman qui est souvent considéré comme son magnum opus, L’amour, la fantasia, l’écrivain tente de lier le projet historiographique à l’écriture autobiographique en les confrontant aux récits des femmes algériennes. Elle propose ainsi une vision nouvelle, positive quoique douloureuse, sur le passé et l’avenir de son pays. Il convient cependant d’attirer l’attention sur le fait que l’image de «La femme en morceaux» (titre d’une des nouvelles de Oran, langue morte) et la thématique de la disparition des personnages apparaissent depuis Femmes d’Alger dans leur appartement, mais ne cessent de gagner en importance. Le titre du dernier texte publié par Djebar ne fait que souligner cette évolution. La disparition de la langue française nous raconte en effet le retour d’un homme en Algérie après un long exil, mais surtout sa disparition pure et simple à la fin du roman. Par le biais du Blanc de l’Algérie, Djebar montre également combien cette thématique s’est inspirée de la réalité angoissante des multiples attentats perpétrés contre les intellectuels dans son pays d’origine. Quand on étudie de plus près les aspects formels des textes cités, une constatation similaire s’impose. Dans son travail de construction identitaire dans L’amour, la fantasia, l’auteur a réuni dans un palimpseste français des sources différentes et multilingues : l’écrit est fondé sur l’oral, le français se base sur l’arabe, mais également sur l’anglais, l’espagnol, le turc et l’allemand. La structure rigoureuse du roman parachève le sentiment d’unité qui s’en dégage. C’est à partir de Oran, langue morte cependant que l’auteur présente des structures narratives et discursives qui tendent à briser l’unité du texte, ainsi que l’identité du narrateur et du lecteur interne. Dans deux nouvelles de ce recueil, le jeu sur l’identité, le changement, mais surtout la disparition de ces instances scripturales devient constitutif du texte. Il en va de même pour le dernier roman de Djebar, qui reprend de façon amplifiée la technique discursive utilisée pour la première fois dans le recueil de nouvelles. Nous nous proposons dans cette contribution d’étudier la disparition des personnages dans l’œuvre d’Assia Djebar. Comme thématique mais surtout en tant que technique discursive, cette approche nous permettra de mieux cerner la problématique identitaire de l’auteur francophone. 

« Linda Lê ou l’affirmation de l’identité par l’écriture », Eva TSUQUIASHI-DADDESIO, Slippery Rock University

Dans Les Trois Parques Linda Lê fait jouer sa thématique préférée, celle de la mort : la mort qui nourrit son écriture sous la forme d'une recherche formelle des multiples métaphores qui l'associent à l'écriture en général. Dans cette oeuvre, le travail de l'écrivaine lui sert comme moyen d'affirmation d'une identité littéraire et sociale qui se faufile dans les traces d'une écriture finement ciselée. Celle-ci mélange le langage le plus populaire avec le plus châtié dans un discours satirique et irrévérent qui puise à la fois dans les cultures occidentales et asiatiques. Ainsi, par exemple, sa maîtrise lexicale associée au corps et aux sciences qui s'en occupent effectue une appropriation toute particulière de ces cultures, qui s'y enchevêtrent et affirment une identité francophone multiculturelle qui ne se soucie guère des conventions ayant à voir avec un quelconque sens de propriété linguistique.

 

Session III.     La poésie franco-maghrébine

Présidente : Deborah HESS, Drew University

Secrétaire : Afifa MARZOUKI, Université de Tunis I-Manouba

« De quelques images obsédantes dans la poésie de Samir Marzouki », Afifa MARZOUKI, Université de Tunis I-Manouba

J’étudierai les particularités spécifiques à l’écriture poétique de Samir Marzouki par rapport à la tendance globale de l’ensemble de la poésie contemporaine française d’une part, et d’expression française d’autre part. En dehors des particularités esthétiques, je réfléchirai sur les prédilections thématiques de cette poésie et leurs soubassements en essayant d’illustrer le plus souvent possible ma pensée par des exemples précis cités dans l’œuvre du poète afin de dynamiser mon argumentation et de la justifier clairement auprès de ceux qui ne connaissent pas les poèmes de Samir ou ne les ont pas en mémoire. Je finirai en posant le problème de l’intérêt mais aussi des inconvénients possibles d’une lecture effectuée par une personne intime au poète auprès des autres lecteurs.

« Qu’est-ce qu’une poésie francophone ?  Analyse d’un vécu », Samir MARZOUKI, écrivain, Université de Tunis I-Manouba

Le poète Samir Marzouki parlera de son œuvre poétique en abordant les points suivants : (1) poésie et expression personnelle, (2) poésie et identité, (3) le poète et ses langues et (4) à quoi sert la poésie ?

« Tahar Ben Jelloun, la biculturalité et le texte poétique », Deborah HESS, Drew University

La poésie de Tahar Ben Jelloun est lyrique et copieuse. Faut-il la lire comme la production de son milieu natal, le Maroc, ou encore comme celle de son pays d’adoption et de la tradition poétique française ? Un de ses poèmes, « Une maison, » écrit à Casablanca en 1994, révèle sa biculturalité par l’intertextualité ainsi que par l’interpénétration des éléments objectifs et subjectifs.

 

Samedi 19 juin              16h00 – 17h30

 

Session I.        Le cinéma belge : outil pédagogique

Présidente : Roseanna DUFAULT, Ohio Northern University

Secrétaire : Anne FRANÇOIS, Eastern University

« Ma Vie en rose et le droit à la différence », Karen HUMPHREYS, Trinity College

Cette présentation met en évidence le film Ma Vie en Rose par Alain Berliner dans le contexte de l'enseignement de la culture francophone. On soulignera surtout les thèmes de l'identité sexuelle, du droit à la différence, de l'impératif de la tolérance à travers les cultures, et de la critique de la bourgeoisie française du point de vue belge.

« Construction, déconstruction, reconstruction : les exercices de style de Lucas Belvaux dans sa trilogie », Marie-France BUNTING, Harvard University

Les trois films de Lucas Belvaux: Un couple épatant, Cavale, Après la vie racontent trois histoires parallèles qui se passent dans le même lieu, pendant la même période de temps, à partir de personnages communs. Il ne s'agit pas pourtant d'une suite, mais de trois films qui ont une vie propre et acquièrent une profondeur supplémentaire en étant vus comme un tout. La trilogie est un excellent outil pédagogique car elle nous permet de remettre en question les conventions de genre (nous avons affaire à une comédie, un policier, un mélodrame), de réfléchir aux différents moyens de montrer la continuité narrative, de s'interroger sur l'importance du point de vue (les personnages secondaires d'un film devenant les personnages principaux d'un autre film). 

« Les faces cachées de l'immigration clandestine en Belgique dans La Promesse de Luc et Jean-Pierre Dardenne », Anne FRANÇOIS, Eastern University

Cette communication examine le titre équivoque de La Promesse. Les réalisateurs, les frères Dardenne, montrent comment la dite promesse est tenue dans le sens symbolique et ne l’est pas dans le sens social ou politique dans leur film. Ce film permet aussi d’examiner l’immigration clandestine en Belgique. La Belgique est représentée comme un Eldorado tourné au cauchemar pour les immigrés originaires de l’Afrique de L’Ouest et de l’Europe de L’Est. L’enseignant peut se servir de ce film pour enseigner à ses étudiants quelques aspects de la culture belge et de la culture de l’Afrique de L’Ouest.

« Mizike Mama de Violaine de Villers : documentaire du patrimoine africain en Belgique », Roseanna DUFAULT, Ohio Northern University

Mizike Mama (1992), le documentaire de Violaine de Villers, suit le parcours de Marie Daulne, fondatrice du groupe Zap Mama. En présentant la musique innovatrice de cet ensemble vocal de Bruxelloises noires, métisses et blanches, Villers évoque les rapports coloniaux belges/congolais d'une manière qui permet à l'enseignante de souligner une actualité multiculturelle européenne et francophone. Le film se prête à une exploitation pédagogique à plusieurs niveaux : l'histoire, la société contemporaine et la musique mondiale.

 

Session II.       Femmes, écriture et discours social

Présidente : Bernadette K. KASSI, Université du Québec en Outaouais

Secrétaire : Angèle BASSOLÉ, écrivaine, Université d’Ottawa

« L’imaginaire naturaliste et la femme », Alfred YAO BAH, Université Paris IV-Sorbonne

S’il existe des catégories humaines à l’égard desquelles l’imaginaire reste généralement peu créatif, ce sont bien celles des femmes et des enfants. Ce manque de créativité s’illustre par la tendance géronto-phallocratique qui domine les œuvres réalistes ou celles se réclamant de la pure imagination. Entretenue par les écrivains des deux sexes, cette démarche, consciente ou inconsciente, procède de la fixation du personnage féminin à des rôles secondaires. Ce processus de relégation de la femme à la périphérie des actions déterminantes du récit, qui traduisait une volonté de peinture réaliste de la société pré-industrielle, s’est poursuivi au-delà de cette période malgré l’évolution du rôle social de la femme. Par-delà les raisons physiques, discutables à bien des égards, qui prévalaient à cette argumentation, la prééminence du personnage masculin dans les créations de l’imaginaire - dont le motif est de rêver d’un autre monde - ne saurait se justifier dans l’absolu. Loin de perpétuer cette misogynie, les actions des héroïnes Nana de Zola et Chaïdana de Sony Labou Tansi invitent à une approche ambivalente de la femme. Notre communication veut montrer que par-delà le refus de la phallocratie, qui sous-tend leur démarche, l’action de ces deux héroïnes relève d’une réelle volonté de rejet du monolithisme. Un combat qui s’inscrit dans le droit fil de la tradition naturaliste.

« Cordes de femmes : des chemins de Latérite au Labyrinthe du discours social. Portraits croisés des porteuses d’Afrique », Angèle BASSOLÉ, écrivaine, Université d’Ottawa

Issue du labyrinthe du discours social patriarcal, la parole poétique des femmes d’Afrique va dans un premier temps s’inscrire dans un acte de rébellion : dire en leurs propres noms ce qu’elles sont, veulent et vivent. Cette parole des femmes transgresse la loi tacite du silence, silence institutionnel dans lequel pendant longtemps elle avait été tenue. La peinture sociale que donne à voir leur écriture est bien loin du schéma idyllique jadis tracé par les chants nostalgiques senghoriens à la femme noire et à l’Afrique mythique confondues. L’Afrique dont parlent ces femmes et qu’elles portent en elles comme une passion se décline en plusieurs tons et n’a pas toujours la couleur rêvée de l’arc-en-ciel : sort des enfants, dictatures, manque de liberté d’expression, inégalités et statut des femmes. C’est à la rencontre de ces porteuses d’Afrique que nous vous convions à travers cet exposé.

« Voix narrative et discours social dans le roman francophone au féminin », Bernadette K. KASSI, Université du Québec en Outaouais

Au Québec comme en Afrique subsaharienne, voire partout ailleurs, l’avènement des femmes sur la scène littéraire bouleversa l’ordre patriarcal dont le fondement immuable était le mutisme des femmes. Comment cette prise de parole se traduit-elle dans leurs romans, d’un point de vue narratologique ? Dans ces œuvres, qui parle et à qui ? (narration) et selon quelle perspective (focalisation) ? Les principaux Sujets narrateurs, narrataires et focalisateurs sont-ils tous des Sujets féminins ? Par ailleurs, existe-t-il un rapport entre la cartographie de la voix narrative au sens genettien du terme et le discours social, en filigrane, sur la condition féminine ? Le choix du Sujet narrateur (hétérodiégétique, homodiégétique ou autodiégétique) et du type narratif (auctoriel ou actoriel) influence-t-il ce regard critique que portent les romancières sur ces sociotextes ? Autant de pistes de réflexion que cette communication se propose d’emprunter pour une lecture enrichissante de quelques romans francophones d’Afrique subsaharienne et du Québec, qui arrivent à mettre au jour les avatars du Sujet social féminin, quelle que soit la voix narrative privilégiée.

 

Session III.     Écritures maghrébines 

Présidente : Catherine PERRY, University of Notre Dame

Secrétaire : R. Matilde MÉSAVAGE, Rollins University

« Au-delà de la condition des femmes : les romans de Nadia Chafik »,  Mana DERAKHSHANI, Saint Mary’s College

Un survol rapide des romans de Marocaines d’expression française nous permet de constater qu’à de rares exceptions près, celles-ci écrivent par un besoin profond de dévoiler leur oppression et de revendiquer leur droits en tant que femmes. Par contre, dans l’œuvre de Nadia Chafik, nous pouvons suivre une évolution qui l’éloigne de la préoccupation avec la condition de la femme dans la culture maghrébine présente dans son premier roman, Fille du vent, vers des thèmes qui s’inscrivent dans une réalité postmoderne et postcoloniale. Cette communication va examiner de près l’évolution de ces thèmes et du style narratif dans les romans de Nadia Chafik

« Babel cocasse », Rosalia BIVONA, Università di Palermo

Une langue est un univers en expansion et pour Fouad Laroui (mais aussi pour son lecteur), ne finit jamais là où elle finit. Dans toute sa production il offre, avec humour, une plongée dans l’écartèlement entre deux langues, deux cultures, et donc, entre deux visions du monde différentes. Tout pétri de culture française, il met en scène des personnages hantés par la double appartenance culturelle, étrangers partout, même dans leur propre pays, toujours en porte à faux avec le comportement du marocain standard. Les clins d’œil méta-linguistiques lui permettent non seulement de ‘traverser’ plusieurs miroirs mais aussi d’expérimenter les engrainages de la langue. Laroui s’amuse furtivement avec des mots arabes, des citations latines ou des phrases anglaises pour recoller de façon ludique les différentes parties de lui-même. Ces citations permettent à la fois au narrateur d’affirmer sa nature de métis, tout en suggérant la relativité du choix de la langue française comme langue d’expression littéraire.

« Identité : symboles et espace », Zakia ROBANA, Alfred University

Le sujet de ma recherche porte sur le film tunisien La Saison de Hommes de Moufida Tlatli. La trame de ce film trace la vie d'une femme de Djerba (île au sud tunisien) qui lutte pour se libérer de l'autorité écrasante de sa belle-mère. Elle consacre toutes ses énergies pour rejoindre son Mari à Tunis, mais se trouve souvent chassée de tout espace libre et confinée dans les limites inextricables de la tradition. Les thèmes majeurs tournent autour de la difficulté de communiquer, duë notamment au poids des codes sociaux où les non dits rythment les pulsions les plus intérieures des personnages qui choisissent de sombrer dans le mutisme plutôt que l'affrontement. La Saison des Hommes s'articule sur des axes majeurs, notamment sur des symboles bien intentionnés : le trajet entre Tunis (espace des hommes) et Djerba (espace des femmes), l'île elle-même symbolise l'isolement et l'enfermement. Aicha l'héroïne, sa belle mère... tous jouent des rôles cruciaux pour la compréhension du film. Cette recherche portera également sur la polémique engendrée par les milieux intellectuels tunisiens à propos de ce film.

« Espace carcéral et imaginaire dans les écrits de Marzouki, de Serhane et d’Oufkir », R. Matilde MÉSAVAGE, Rollins University

La terrifiante exigence du vécu carcéral, qui a soif de mots pour déverser des souvenirs trop douloureux, jaillit dans l’écriture-témoignage. La prison marocaine, sujet de plusieurs livres récents, très remarqués, est le lieu où se joue le drame de la construction et de la déstructuration de l’être et du langage. Si le livre d’Ahmed Marzouki, Tazmamart, cellule 10, et celui de Raouf Oufkir, Les Invités, mettent en scène le sujet-témoin, La Prisonnière est écrit par Michèle Fitoussi, journaliste juive tunisienne, fascinée par l’histoire de Malika Oufkir. D’autre part, la nouvelle d’Abdelhak Serhane, La Chienne de Tazmamart, inspirée par le témoignage de Marzouki, a été adaptée pour la scène (par Maréva Carassou et présentée au Théâtre du Proscenum du 27 au 18 mars 2001). Que ce soit un sujet-témoin, un récit au deuxième degré (Fitoussi raconte Malika Oufkir à la 1ère personne) ou une nouvelle dramatisée, la souffrance marque l’écriture de façons diverses. Nous proposons d’examiner dans ces écrits le sujet-témoin et son rapport à l’écriture-souffrance, le rôle que jouent le silence et le langage dans le microcosme carcéral, aussi bien que le passage de la représentation à la signification qui s’opère dans les écrits de Serhane – l’écriture devenant signe de la souffrance.